Zero dark thirty
Qu’est ce qui caractérise un grand film de guerre? Avant tout, son réalisme, sa capacité à montrer la guerre dans ce qu’elle est: une succession d’attentes et de frustrations, de renseignements collectés afin de construire son avantage, jusqu’à un déferlement de violence, dans un stress inouï. A cette aune, Zero dark thirty est un extraordinaire film de guerre, comme le furent Saving private Ryan ou Johnny got his gun.
J’avais été assez déçu par le précédent film de Kathryn Bigelow, Démineurs. Le film balançait en permanence entre le réalisme évoqué ci-dessus, et le besoin d’une histoire sur laquelle le film pourrait se construire. En l’absence de démineur qui soit devenu un héros légendaire, il avait bien fallu forcer sur le deuxième trait, au détriment du premier. Fort heureusement, le récit de la traque de Ben Laden s’impose par lui-même, et permet à Zero dark thirty de se focaliser sur le réalisme de la narration.
Que fut la traque de Ben Laden? Avant tout la collecte d’information, par une petite équipe de la CIA, focalisée sur son sujet et prête à tous les moyens – y compris la torture – pour y parvenir. Cet aspect là n’est pas le plus choquant: on sait très bien que la guerre ne se fait pas entre gentlemen, des deux côtés. L’usage de la torture à des fins de renseignement date de bien plus longtemps que le conflit en Iraq.
C’est avant tout le hasard, mêlé d’obstination, qui va permettre à la petite équipe de la CIA de trouver le filon, l’agent de liaison de Ben Laden, pour remonter jusqu’à son repaire d’Abbottabad (visible sur Google Maps, zoomez un peu pour en distinguer les concours, à côté de l’académie militaire).
La séquence finale, du départ du commando à son retour, filmée d’une traite en « temps réel », est l’un des plus grands moments du cinéma militaire américain, avec la scène du débarquement de Saving private Ryan. On est embarqué au sein de l’unité, on partage ses discussions, ses blagues à deux balles, sa progression, ses échecs et ses succès.
La guerre est une chose ignoble, mais elle est parfois nécessaire pour préserver nos libertés. Pour nos démocraties, l’engagement de forces armées ne peut se faire à la légère. Nous demandons parfois à nos soldats d’aller à l’encontre des valeurs que nous défendons, en terrain hostile, parfois caché au sein de populations innocentes. Seuls les plus forts d’entre eux savent en revenir sans haine, une fois le devoir accompli. Zero dark thirty en est peut-être l’une des meilleures illustrations.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec