West Side Story
Pou quelles raisons un réalisateur se lance-t-il dans le remake d’un film à succès ? Pour adapter un film réussi dans un pays pour le public d’un autre pays, cela peut paraître la raison la plus évidente, et on a vu cela à de nombreuses reprises, y compris pour ces films français (souvent mal) adaptés pour un public américain… Il peut aussi s’agir de porter un regard neuf sur un sujet déjà abordé par le passé, et c’est le cas le plus intéressant, comme pour les 7 Samouraï et les 7 Mercenaires. Mais quand le film original a connu un succès fulgurant, remportant plusieurs Oscars, qu’est ce qui peut bien pousser ce réalisateur, aussi grand et doué fut-il, à se lancer dans une telle aventure ?
West Side Story, 10 oscars, qui dit mieux ?
C’est le type de question qu’on peut se poser en sortant de la salle, après avoir vu la version Spielberg de West Side Story, comédie musicale aux 10 oscars qui raconte une histoire d’amour sur gond de bagarres de rue, dans l’Amérique des années 50. Porté par une musique composée par Leonard Bernstein, ce film était lui-même une adaptation de Roméo et Juliette, où Montagu et Capulet se retrouvaient transposés en Jets et Sharks. Que pouvait)on attendre d’une adaptation par Steven Spielberg ?
Réalisateur – et producteur – talentueux, Spielberg n’en est pas à son premier remake. On a déjà pu apprécier sa version de la Guerre des mondes, ou encore Hook, libre adaptation de l’histoire de Peter Pan. Dans ces deux cas, Spielberg faisait preuve d’originalité, par rapport aux premières versions cinématographiques de ces oeuvres elles-mêmes inspirées d’ouvrages à succès. Dans le premier cas, Spielberg s’appuyait sur l’avantage que lui donnait la technologie de ce siècle, par rapport aux moyens des années 50. Dans le second, Peter Pan se voyait transposer dans un monde moderne, aux prises avec les réalités matérielles de la société. Dans les deux cas, Spielberg dépoussiérait le regard porté sur le sujet.
Jets vs. Sharks
Mais ce n’est pas le cas avec West Side Story. Le réalisateur américain s’est, cette fois, livré à une adaptation très proche de la première version. C’est regrettable. On aurait pu imaginer un West Side Story transposé dans un New-York du début du 21ème siècle, où les batailles de rues n’opposeraient plus de gangs polacks à des gangs portoricains, mais des noirs américains à des « suprêmacistes » blancs, ou quelque chose dans ce genre. Non, rien de cela, Spielberg s’est contenté du service minimum : même époque, mêmes couleurs, costumes si proches. Il n’y a que par de très convenus clins d’oeil aux sujets du moment – immigration, homosexualité – qu’on retrouve une touche de modernité. Si vous avez vu la version de 1951, celle de 2021 ne vous apportera rien de neuf.
Alors certes, c’est du Spielberg. Cela s voit dans les mouvements de caméra, dans ces plans originaux, le survol de la scène de rue, une fois la bagarre achevée lorsque les policiers arrivent pour constater les dégâts. Et c’est, si ma mémoire est bonne, la première comédie musicale du maître. Mais cela ne suffit pas, à mes yeux, à justifier une nouvelle version d’un chef d’oeuvre du passé.
Tonight, tonight
Reste la bande son.
De Maria à Tonight en passant par Somewhere, Leonard Bernstein a légué à l’humanité l’une des plus beaux opéras conçus au siècle dernier. Les amateurs sortiront, comme moi, avec la larme à l’oeil.
Les autres, plus cyniques, se demanderont, comme au début de ce billet, ce qui a bien pu pousser Spielberg à se lancer dans une telle galère…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec