Vivre pour manger?
Des trois grands monothéismes, le judaisme est sans doute celui qui entretient les rapports les plus étroits avec l’art de la table. Car si l’on parle de cuisine juive, j’entends rarement parler de cuisine musulmane et encore moins souvent de cuisine chrétienne. Nulle fierté à en tirer cependant, il s’agit simplement d’une dérive due aux multiples persécutions dont eu à pâtir le peuple élu: car il est bien connu que le nouvel immigrant perd en premier ses habitudes vestimentaires, en second sa langue, et en dernier lieu ses pratiques alimentaires. De ce fait, les exils successifs ont attaché aux rituels culinaires une importance injustifiée, mais bien réelle.
Il faut dire aussi que la multiplication des fêtes dans le calendrier juif, à commencer par le shabbat hebdomadaire, invite la famille à se retrouver autour de la table à de multiples occasions. A défaut de prier, le juif moderne est donc devenu un grand mangeur, et la multiplication des espaces commerciaux dédiés au respect des lois alimentaires (restaurants, centres commerciaux et même livraisons à domicile) rendre encore plus facile cet aspect de la pratique religieuse. De là à n’en faire que le point principal…
Enfin, après 2000 ans d’exil, de part les influences locales des dizaines de contrées où se sont établies des communautés juives, on ne peut parler d’une cuisine juive, mais de multiples cuisines juives. Il n’y a qu’à voir la mine dégoutée que peut faire un juif tunisien à la vue d’un borsch même cacher, ou celle d’un juif ashkénaze face à un msoki pour comprendre la variété – et la quasi incompatibilité – de ces diverses cuisines.
Il faut donc, pour couvrir la variété de ces différentes influences culinaires, s’attacher non pas à une tradition, mais voler de pays en pays, pour donner une idée même superficielle de ce que signifie cuisine juive. C’est, me semble-t-il, chose faite, grâce à Martine Chiche-Yana, dont j’ai redécouvert l’excellent ouvrage « La table juive« , publié il y a déjà une dizaine d’années.
On y trouve quelques centaines de recettes, classées par ordre alphabétique, mais aussi par origine géographique et, c’est plus intéressant, selon les dates correspondant à leur consommation usuelle: c’est bien connu chez nous, les plats de Kippour ne sont pas ceux de Pessah.
Pour le reste, pas de grande découverte du côté des petits plats liés à mes origines tunisiennes: mon éducation est, de ce point de vue, une parfaite réussite.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Ce n’est pas le judaïsme en tant que religion (donc un des 3 monothéismes ) qui entretient un rapport avec les arts de la tables, mais le groupe ethnique des juifs en tant que groupe migrant et un tantinet conservateur.
Il ne te faut pas comparer les juifs aux chrétiens ou aux musulmans dans cet articles mais aux arméniens, aux basques, aux rom, aux peuls ou je ne sais quel autre peuple mouvant.
La religion au contraire, en introduisant des contraintes fortes, à créé a époque moderne un sous-marché de l’agro alimentaire, qui par sa taille réduite génère une moindre qualité pour un plus gros coût. Certainement pas un gain dans les arts de la table.
Juste une mention spéciale pour nos grands-mères qui ont su créer des plats qui tirant parti des contraintes de shabbat et yomtov s’améillorent dans les 24 à 48 heures qui suivent leur cuisson…
Tu as raison dans l’ensemble, mais tort dans les détails. Je m’explique: bien évidemment, ce n’est pas la « religion juive » qui importe là, mais la dimension « peuple juif », avec ses innombrables ramifications pratiquantes ou non. Il n’empêche que le folklore alimentaire s’est constitué autour de pratiques alimentaires liées à l’observance des « mitsvot »: considère les friteche ou les boulettes de kneidler, leur existence ne se justifie que du fait du respect de Pessah. De même, les plats qui s’améliorent au bout de 24 ou 48h ne se justifient que pour ceux qui respectent le shabbat ou les jours de fête. Verrait-on Maggi ou Findus sortir des produits dont la saveur s’améliore après 24h d’exposition sur une plaque chauffante? Ce serait un non-sens économique…