Les vertus de l’échec
L’échec est à la mode. C’est devenu tendance: un entrepreneur à succès doit s’être planté au moins une fois ou deux. Sinon, ça paraît suspect. On voit même éclore des failcon – fail conference – ou Fuck Up Nights, où les intervenants viennent parler de leurs plus grosses gamelles professionnelles, avant de rebondir sur leurs succès actuels. Et oui, il ne faut pas oublier le deuxième volet: se planter c’est bien, mais rebondir c’est mieux.
Au travers de son récent livre Les vertus de l’échec, le philosophe Charles Pépin porte un regard moins simpliste que ne le laisserait penser l’engouement mentionné plus haut.
Au travers d’une série d’exemples, tirés de la vie de personnalités du spectacle, du sport, de la politique ou du milieu des entreprises, Charles Pépin amène peu à peu sa thèse principale: l’échec fait partie de ce qui caractérise l’espèce humaine. Contrairement à l’animal, qui agit selon son instinct et les comportements préprogrammés qui caractérisent son espèce, l’être humain, né inachevé -cf. Sapiens – se construit peu à peu: l’échec fait partie de sa nature, c’est ce qui permet son apprentissage, et lui permet de se former.
Oui, mais voilà: nos sociétés occidentales ont désappris la valeur de l’échec. Celui-ci est devenu synonyme de mort, alors qu’il devrait plutôt caractériser la vitalité du sujet qui en fait l’expérience. Et de s’appuyer sur les exemples – ils sont nombreux et bien documentés – de tous ceux qui ont su rebondir après un ou plusieurs échecs. De Barbara à De Gaulle, d’André Agassi à Xavier Niel, le texte de Charles Pépin abonde de cas qui illustrent les possibilités de rebond après échec. Son propos le mène presque à conclure que le processus créatif se nourrit de l’échec. Les vertus de l’échec sont multiples.
De l’échec, il nous est donc conseillé de comprendre les ressorts, le potentiel. Ce ne sera pas facile, car, rappelle-t-il, l’école française nous a inculqué, dès notre plus jeune âge, une peur panique de l’échec. Plutôt que de valoriser les qualités d’un enfant, aussi nombreuses qu’elles soient, on préfère stigmatiser ses lacunes. De là notre propension à produire une élite intouchable, qui basculera en burn-out le jour de son premier échec, et à nous contenter de vies médiocres.
Ayant connu le phénomène exposé par Charles Pépin il y a une dizaine d’années, avant de créer mon entreprise, je peux difficilement aller contre son propos. Be Angels est, en effet, en partie issue de mon sentiment d’échec professionnel chez Dassault Systèmes, une voie sans issue dans laquelle nombre de mes anciens collègues sont encore engagés, dix ans après… Il m’a fallu l’aide du destin, une écoute attentive de quelques amis bien intentionnés, et un peu de chance pour démarrer. Sans cela, j’y serais encore, sans doute. Oui, notre société nous prépare mal à l’échec de la vie en entreprise.
Pour autant, ce texte laisse un goût amer. Les exemples de retournement évoqués par Charles Pépin ont tous une happy end. Dans la vie réelle, de tels cas sont-ils aussi fréquents? Qu’est ce qui fait que dans la majorité des situations rencontrées, autour de nous, l’échec conduit à la descente aux enfers? La lecture de ce petit essai philosophique permettra-t-elle à ceux qui traversent les symptômes de l’échec – dépression, burn-out, crise de la quarantaine – de redresser le tir? Les vertus de l’échec sont-elles si grandes? Espérons-le pour eux.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec