Vers un bac de plus en plus spécialisé?
Le projet de suppression de l’enseignement de l’histoire et de la géographie des classes de Terminale scientifique soulève un tollé que je ne comprends pas, et que je mets sur le compte d’une sorte de réflexe protectionniste face au changement. Je peux admettre un tel réflexe de la part de la population la plus spécifiquement menacée, celle des profs d’histoire-géo, qui voient le quota d’heures de cette matière se réduire significativement, ce qui tendra, irrémédiablement, evrs des suppressions de poste. Mais les autres? Quels arguments opposent-ils?
Qu’on ne se méprenne pas. Je fus un élève passionné par mes cours d’histoire et de géographie, dispensés par des professeurs talentueux comme Mr Buffet et Mr Raoul, que certains de mes lecteurs ont bien connu. J’ai toujours dévoré mes deux bouquins dès la rentrée (ce qui me procurait une avance considérable sur les autres élèves). Bref, je ne suis pas un « anti ».
Mais j’estime qu’avant de râler, on peut réfléchir deux minutes à ce qui est proposé. Essayons de le faire ensemble en répondant aux arguments de la pétition.
Cette suppression est due à une pression des enseignants des matières scientifiques. C’est un raisonnement d’une absurdité folle. Si les enseignants des matières scientifiques se mobilisent, c’est plutôt pour ramener un peu de rigueur et de cohérence dans des programmes dont la teneur s’est effilochée d’année en année. Pas pour « conquérir » des heures supplémentaires. Et d’ailleurs, si c’était le cas, pourquoi seule l’historie-géo en pâtirait? Et la philo?
L’enseignement de ces matières en classe de Terminale est une nécessité. Là aussi, je pense que c’est une vue de l’esprit. S’il est nécessaire en Terminale, il l’est aussi en classe préparatoire ou durant les premières années de médecine. Non, ce qui est nécessaire, c’est de quitter le cycle scolaire avec les bases suffisantes – le vernis, pourrait-on dire – et un certain goût plus que le dégoût que les élèves en tirent parfois. D’ailleurs, le français, matière ô combien nécessaire, n’est pas enseigné en terminale, ni scientifique ni littéraire.
C’est en terminale que les élèves atteignent la maturité suffisante pour aborder certains sujets inabordables auparavant. Primo, tous les élèves n’ont pas le même âge en classe de terminale. Ni la même maturité. Ensuite, le programme d’histoire (1945 à nos jours) ou celui de géographie (principaux pays industrialisés) peut légitimement être abordé en 1ère.
Cela fera des élèves de Terminale S de futurs citoyens de seconde zone. Un peu rapide comme argument, n’est ce pas? Combien d’élèves de Terminale S travaillent sérieusement leur programme d’histoire et de géographie? Pas tant que cela, en vérité. Combien d’entre eux se contentent d’une partie du programme, faisant « l’impasse » sur tel pays ou telle période.
Bref, c’est parce que j’apprécie l’histoire et la géographie que je trouve, finalement, que cette réforme a du bon. A condition, bien entendu
- de permettre à ceux qui le désirent de suivre un enseignement additionnel en option (comme le latin ou le dessin)
- de finir bien évidemment, en classe de Première, le programme auparavant achevé en Terminale
- et pour cela d’accroître le nombre d’heures d’histoire géo enseignées dans les classes précédentes, apr exemple en classe de 6e et de 5e. Après tout, pourquoi accorder aux élèves de ces classes 4 heures d’éducation physique et 3 heures seulement d’histoire et de géographie? C’est à cet âge là que le rééquilibrage doit se faire.
Il ne faut pas voir le mal partout. Et savoir transformer un inconvénient en avantage.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Intéressant.
Ceci dit, il y a quelque chose que je ne comprends pas. As-tu étudié dans un pays anglo-saxon ? Ou dans une école bilingue ? Ou alors tes professeurs étaient anglais peut-être ? Toujours est-il que je ne comprend pas pouquoi tu fais allusion à Mr Buffet et Mr Raoul et non à M. Buffet et M. Raoul. (Mr = Mister ; M = Monsieur)
Mais trève de cuistrerie.
« Je peux admettre un tel réflexe de la part de la population la plus spécifiquement menacée »
En quoi les professeurs sont-ils menacés ? Ce sont des suppresions de postes et non des suppressions d’emplois ! Ils ne sont absolument pas menacés, ce sont leurs matières qui sont menacées.
« Cette suppression est due à une pression des enseignants des matières scientifiques. »
Peu importe son origine, une réforme peut provenir d’un lobby est être une bonne réforme, le débat ne se situe donc pas là non plus.
« C’est en terminale que les élèves atteignent la maturité suffisante pour aborder certains sujets inabordables auparavant. »
Absurde en effet, le programme de 1ère me parait même plus difficile à aborder que celui de Terminale.
Mais je suis tout de même en désaccord profond avec cette réforme pour plusieurs raisons :
Tu nous dit que le philosophie reste en place, certes, mais pour combien de temps ? Je pense pour ma part que la Philosophie, pareillement, ne fera pas long feu. A titre informatif, lorsque le Second Empire fut établi en 1848, une des premières mesures prises fut la disparition des Agrégations d’Histoire et de Philosophie, les deux matières les plus « subversives », et disons-le, les seuls qui apprenaient se former un esprit critique, pas étonnant pour un régime autocratique, mais pour une démocratie ?
Car, quoi que tu dises, c’est évidemment une dévalorisation de la matière, car il est évident que le même programme qui prévaut actuellement ne pourra jamais être enseigné aux élèves choisissant la filière scientifique puisque les heures de cours sont loins d’être compensées, mais cela viendra peut-être, si les oppositions politique, populaire et enseignante se font entendre d’une même voix. La possibilité de continuer l’Histoire de manière optionnelle n’était pas prévue au début, ce n’est que devant la levée de bouclier que le gouvernement a concédé cela. Continuons.
L’importance de la matière, je n’y reviens pas, il semble que nous soyons d’accord sur ce point. Toutefois, il est intéressant de constater que seul la disparition de l’Histoire en Terminale semble émouvoir, la Géographie semble moins importante. Elément de réponse : ce n’est pas de la Géographie qui est enseignée au lycée, c’est une ébauche de géopolitique, ou encore de l’Histoire Actuelle, mais en aucun cas de la « vrai » Géographie puisque la notion de territoire n’est casiment, pour ne pas dire absolument, jamais évoquée. C’est peut-être pour cela que les géographes (rares dans l’enseignement secondaire, ce sont le plus souvent des historiens de formation) se font si peu entendre.
« Combien d’élèves de Terminale S travaillent sérieusement leur programme d’histoire et de géographie? » Et alors ? L’Etat doit-il baisser les bras devant l’effondrement du lycée ? Combien de personnes ne respectent pas le code de la route ? Supprimons-le ! Absurde. Un retour à l’Autorité est nécessaire.
De tes trois conditions qui sont « bien entendues », aucune ne figuraient dans le projet de réforme initial, à ton grand désarroi, il semble bien que tu sois également contre cette réforme, je te fournis donc l’adresse où tu pourras signer la pétition :
http://spreadsheets.google.com/viewform?formkey=dDl1ZmtPczNEMmxLdG9WeDRtclUyZkE6MA
Sauvons l’Histoire et réhabilitons la Géographie !
Dylan Slama
Salut Dylan, ravi de te lire sur ces pages. J’entends certains de tes arguments, pas tous. Je persiste à croire que l’histoire et la géographie sont de matières nécessaires, dont l’enseignement pourrait tout aussi bien être dispensé après le bac (en école d’ingénieur, par exemple,dans le cadre d’un volet histoire des sciences). Mais je ne pense pas que la réforme proposée soit si dévalorisante.
Que serait devenu l’enseignement du français en terminale, s’il avait fallu passer les épreuves de français (coeff 2 et 1 à mon époque, bac 82) en même temps que celles de maths et physique (coeffs 5 et 5)? Une sous-matière. En sanctionnant l’enseignement du français un an avant, on lui accorde un certain avantage. L’histoire et la géographie pourraient très bien profiter du même.
L’arme du politique est le futur, celle du journaliste est le conditionnel. Tu sembles avoir opté pour la deuxième solution.
« l’enseignement pourrait tout aussi bien être dispensé après le bac » Exact. Et on pourrait régler le problème de la dette avant 2010 aussi.
Je te pose la question à l’envers. Qu’était le Français avant qu’il ne passe en 1ère ? Un enseignement de qualité, travaillé sérieusement par les élèves si ils voulaient avoir le bac. La difficulté, aujourd’hui, vient du fait qu’il suffit effectivement d’avoir un 15 en maths pour avoir son bac puisque même un devoir médiocre vide de connaissance et de méthode en français ne décendra pas en dessous du 6.
Je pense que tu conviendras avec moi que le niveau en français est des plus catastrophique et je suis prêt à parier que les élèves de ta génération avaient un bien meilleur niveau que mes contemporains ! Il est indéniable que la culture littéraire de notre génération est casi-nulle. Donc avantage avantage, pas si sûr ! Il y a une autre différence, enlever un mouvement littéraire d’un enseignement (le Baroque par exemple), cela choque véritablement moins que d’enlever la guerre d’Algérie (ou « les événements d’Algérie » pour être un bon citoyen…) puisque je le répète, d’un point de vue pragmatique, le programme ne sera pas la même !! Au détriment de quoi ? Cela risque d’être intéressant à observer au moment ou l’hymne national est sifflée lors des matchs opposant la France à un des pays du Maghreb. Suez n’est pas à notre gloire non plus. Et quelle place sera laissé à Mai 68 ?
Je note toujours la même contradiction dans ton discours : « Certes c’est important, mais on pourrait faire ça, ça et ça pour équilibrer le tout et même enseigner l’Histoire dans le supérieur ! » Soit, mais la réforme ne prévoit pas tout cela et va même dans le sens inverse. Mais je ne suis pas borné, si elle évoluait je pourrais, non pas changer d’avis, mais saluer le changement d’avis du gouvernement, ce qui n’est pas le cas !
La baisse du niveau de français bien a d’autres raisons que le coefficient associé ou la sanction en 1ere: programmes dont l teneur se réduit chaque année, apparition de modes de discours très pauvres, baisse de motivation du corps enseignant, bref, l’évolution de la société dans son ensemble.
Et sur l’apprentissage des matières non scientifiques, Internet est en train de prendre le relai, non. Google Earth apporte une autre forme d’apprentissage, tout comme Wikipedia?
Bon, je te laisse, je dois daire réviser les capitales européennes à ma fille 🙂
Google Earth ou Wikipedia ?
L’un est une simple observation sans commentaire, elle ne vaut pas plus qu’une carte sans légende. L’autre est le symbole des moeurs d’aujourd’hui. De tout, du pire comme du meilleur, mais surtout du pire, en vrac, fondé, ou pas. Souvent un usage superficiel et minimaliste. On pensait qu’avec l’internet on pourrait choisir l’information qui nous intéresse, à l’inverse de la télévision, mais au final, l’internet nous domine bien plus que la télé, du fait même qu’on sous-estime sa force.
Quant à la chute de l’Ecole, cela nous emmenerait plus loin encore, je m’abstiens donc.
A la gloire du déterminisme.
Tu lui a donc appris Londres, Copenhague et… Istanbul ?
Sans oublier Vilnius et Riga.