De la « start-up nation » à la « vacci nation »
Si 2020 était l’année du pangolin, 2021 s’annonce bien comme l’année du vaccin. On en mange à toutes les sauces, matin, midi et soir, dans la presse, à la télévision, sur les radios, sur nos réseaux sociaux aussi, où le débat entre les pro et les anti n’est pas sans rappeler quelques débats clivants du temps passé : le référendum de 2005, le vote de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse ou la fin de l’Algérie française.
Cela permet aussi de mieux comprendre l’attentisme de nos gouvernants dans un tel climat. À l’heure où Israel a déjà presque vacciné un cinquième de sa population, notre pays, qui possède pourtant l’un des systèmes de santé les plus performants et les plus équitables au monde, se glorifie d’avoir passer le cap de quelques centaines de vaccinés dans les EHPAD.
Il faut dire que côté lenteur, on a mis le turbo : de la visite préalable à la demande de consentement, on a tout fait, ou presque, pour rendre le processus le moins attrayant et le plus inefficace possible. Il ne manquait plus que de demander aux candidats au vaccin de télécharger StopAntiCovid StopCovid AlerteCovid le bidule à installer sur son portable. Sans oublier que le démarrage de la campagne de vaccination s’est fait au pire moment de l’année : pendant les congés d’hiver, ces deux semaines où notre beau pays, comme congelé, ne répond plus ni au téléphone, ni aux emails, où le courrier met du temps à arriver (sauf les colis Amazon pour Noel), et où nos voisins étrangers se demandent si l’on continue de travailler (ce dont ils doutent souvent, mais ce sera l’occasion d’un autre article…).
Le calcul du temps qui sera nécessaire pour vacciner ne serait-ce qu’un cinquième de la population, comme dans le petit pays cité plus haut, est devenu encore plus complexe que celui du temps de remplissage d’une baignoire avec fuites.
« Sachant qu’on dispose de 500 000 vaccins par semaine, qu’il faut quatre jours maximum pour signer la demande de consentement, que certains vaccins nécessitent une injection et que d’autres en nécessitent deux et que l’on commence par les EHPAD, calcule combien de semaines seront nécessaires pour vacciner 17 millions d’individus« .
Vous avez quatre heures.
La remarquable lenteur de cette campagne va de pair avec une autre mesure qui n’est pas non plus passée inaperçue : le démarrage du processus de tirage au sort des 35 citoyens appelés à se prononcer sur la campagne vaccinale en France à partir du 16 janvier. Non, ce n’est pas une blague, c’est un truc bien réel, que le président a, selon l’expression consacrée, appelé de ses voeux en novembre 2020, et que le CESE, cette institution si peu connue de nos concitoyens, s’est empressée de mettre en place (lisez le texte de la saisine, signé par une consultante d’une agence du groupe Havas, c’est un grand moment de démocratie participative).
Enfin, empressé, c’est un bien grand mot. Tirer au sort 35 personnes, ce n’est pas si sorcier quand même. Cela fait des années que différents systèmes de loterie télévisés ou non pullulent dans notre beau pays, et tirer 6 boules parmi 49 ne prend pas une semaine. Alors que là, c’est 12 jours rien que pour le tirage au sort !
Et puis au fait pourquoi 35 ? Pourquoi pas 42, 66 ou 250 ? Pour la convention citoyenne sur le climat, ils étaient 150. Les heureux élus du tirage au sort de la campagne de vaccination seraient-ils plus efficaces que les 150 qui ont planché sur la vitesse maximale sur les départementales ou le niveau de CO2 des pots d’échappement ?
Allez, prenons tout cela avec le sourire. Si Amazon ou la Française des Jeux avaient été consultés, l’un sur la logistique de la campagne de vaccination, l’autre sur le tirage au sort des 35 heureux élus, tout cela serait derr!re nous… Dans la start-up nation appelée de ses voeux par un certain Macron Emmanuel en 2017, il était question d’efficacité, de volontarisme, de performance, de tout ce qui, trois ans plus tard, relève plus du discours de campagne que d’autre chose.
Mais l’heure tourne, 2022 se rapproche, et il faudra bien que tout cela soit bel et bien fini, pour que le même puisse espérer se représenter avec quelques chances de succès.
De l’autre côté de la Méditerranée, dans ce petit pays qui se vante d’avoir vacciné près d’un cinquième de sa population, il y en a un qui l’a bien compris, lui qui appelle ses concitoyens aux urnes pour la quatrième fois en deux ans, dans une logique folle qui rappelle le Jour sans fin. Même s’il l’a déjà fait l’an passé, il sait bien qu’il sera plus difficile de remporter ces élections en pleine pandémie, que s’il arrive devant les électeurs avec un taux de vaccination national supérieur aux autres.
La start-up nation n’est pas un concept philosophique, mais un mode opératoire.
À bon entendeur…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Excellent titre d’article 🙂
et excellent article
merci fidèle lecteur