Un peu plus loin avec MyHeritage
MyHeritage est véritablement un outil fabuleux, et j’avoue y avoir consacré ces dernières semaines un temps au-delà du raisonnable, au grand désespoir de mes proches. Cette application qui permet de mettre en correspondance les arbres généalogiques fournis par des utilisateurs dispersés aux quatre coins du monde, offre à ceux qui s’y perdent l’occasion unique de voyager à la fois dans l’espace et dans le temps. En remontant les arbres, puis en les parcourant de manière transverse, en les descendant et en les remontant de nouveau, bref en s’y perdant, on finit par établir des connexions étonnantes, entre des familles qu’on n’aurait jamais crues liées. J’y ai même trouvé un lien familial entre deux camarades de promotion, lien sans doute ignoré de l’un et de l’autre jusqu’à présent.
Il faut dire que l’univers que j’explore, celui du milieu juif tunisien des deux derniers siècles grosso modo, est un univers qui a vécu en vase clos, et au sein duquel les interconnexions sont véritablement innombrables. MyHeritage confirme en réalité de manière assez claire ce qu’on aurait pu fort bien imaginer par ailleurs, à savoir :
- des mariages qui se produisent entre familles géographiquement proches (au 19ème siècle, on allait rarement chercher son épouse à l’autre bout du monde), et qui relient des patronymes à des lieux géographiques. Par exemple, les Kabla à Djerba, les Guez ou les Mamou à Nabeul, etc.
- des familles nombreuses, qui comptent souvent plus d’une dizaine d’enfants, avec un taux de mortalité infantile relativement élevé, et de nombreuses mamans qui décèdent à un âge peu avancé, ce qui conduit souvent à un second, voire à un triple mariage. La reconstitution de l’arbre de telles familles est parfois laborieuse, car les descendants des deux ou trois branches ont parfois tendance à ignorer les descendants des demi-frères ou des demi-soeurs. Heureusement, les dates et les ascendances communes permettent alors de reconstituer ces histoires de familles oubliées.
- des mariages entre cousins, probablement plus fréquents dans le milieu fermé que constitue une communauté juive de province. MyHeritage gère parfaitement ces arbres dont les branches se croisent.
D’autres réalités prennent forme au fur et à mesure de mes ajouts (mon arbre étendu est passé à plus de 5000 membres). Par exemple, les différentes origines de cette communauté, dont certains membres sont arrivés d’Italie au milieu du 19ème siècle. Ces juifs Livournais, appelés Grana par opposition aux Tounsia, se mariaient encore entre eux jusqu’au début du 20ème siècle. Leurs prénoms témoignent de leurs origines : Aldo, Giacomo, Aurelio, Gino, etc. tout comme leurs patronymes : Valensi, Lumbroso, Boccara, Fiorentino, etc.
MyHeritage offre un intérêt supplémentaire : comme aux premiers temps des réseaux sociaux, on y rencontre des personnages sympathiques et dévoués, prêts à tout pour nous aider à compléter un arbre. Il s’agit d’une véritable communauté, un peu à l’instar des Wazers des premières heures.
MyHeritage est donc une mine d’or pour tout individu intéressé par une exploration méticuleuse de ces familles disparues, et on peut y passer des heures. Pourtant, l’outil n’est pas exempt de défauts, notamment au niveau de son interface, assez déroutante. En voici quelques exemples:
- après plusieurs semaines d’utilisation, j’ai encore du mal à faire la différence entre les « record matches » et les « smart matches ». Je cherche à comprendre, je n’y parviens pas.
- au fur et à mesure qu’on fait croître son arbre, l’outil ne cesse de nous proposer des confirmations de « matches » qui sont probablement inutiles car redondantes, et génèrent un bruit dont il est difficile de se défaire
- il arrive que MyHeritage permette d’insèrer de nouveaux membres, via sa technologie de « matching », mais en oubliant de raccorder un des deux parents. C’est assez fâcheux, et on se retrouve alors avec des bouts d’arbres mal connectés, qu’il faut retoucher à la main
- MyHeritage fait un usage intensif du JavaScript. S’il est parfaitement normal d’utiliser cette technologie pour représenter des arbres dans une page HTML, cela s’avère assez coûteux en mémoire, et le site rame de plus en plus. Une passe d’optimisation me semble nécessaire?
- MyHeritage est relativement avare en outil d’analyse macroscopique. J’aurais aimé disposer de requêtes me permettant par exemple de repérer la lignée la plus longue, ou de calculer l’espérance de vie moyenne au sein d’une lignée, ou chez les personnes nées dans une ville donnée ou à une époque donnée. De la même manière, il manque un outil qui permette d’afficher la relation entre deux individus quelconques de son arbre (on ne dispose que du lien par rapport à la personne qui a créé l’arbre, ce qui n’a parfois pas vraiment d’utilité)
Bref, j’arrive à un stade où il me faut disposer d’autres outils pour exploiter les trésors que contient MyHeritage. Fort heureusement, le site autorise les exports sous un format standard, appelé GEDCOM. C’est d’ailleurs à l’aide de ce standard que j’ai pu importer le premier embryon d’arbre que j’avais créé sous GenoPro. Et c’est à l’aide d’un export sous GEDCOM que je vais pouvoir m’adonnr à l’épluchage méticuleux des données collectées.
Affaire à suivre.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec