Tissue regeneration – un symposium organisé par l'Académie des sciences
L’Académie des sciences organisait mardi 13 novembre un symposium d’une journée, consacré à la régénération de tissus, dans le cadre splendide de l’Institut de France, quai de Conti, symposium lors duquel est intervenu Shinya Yamanaka, prix Nobel de médecine 2012. J’en livre un rapide compte-rendu dans les lignes qui suivent.
Note: je ne suis ni un spécialiste des questions de santé, ni un spécialiste des thérapies génétiques, ce texte n’est qu’une retranscription de mes notes en direct, et peut donc comporter quelques imprécisions bien involontaires.
Introduction de Jean-François Bach
Il rappelle que ce format de symposium se déroule rarement en ces lieux, du fait de la faible capacité actuelle des salles de réunion. Plus de 600 personnes ont souhaité participer à cette journée de débats scientifiques, organisée en partenariat avec la Fondation Générale de Santé et la chaire d’innovation thérapeutique de l’ESSEC (note: be angels a travaillé avec ces deux organisations, mais cet article n’est pas sponsorisé)
Intervention de Nicole le Douarin
Nicole le Douarin retrace l’histoire de la recherche sur les cellules souches en 4 grandes étapes.
Première percée : la démonstration expérimentale de l’existence des cellules souches.
La mort des cellules est un phénomène naturel, appelé l’apoptose. Elle est programmée dans la cellule par un programme génétique. En une journée, un individu moyen perd ou remplace près de 60 milliards de cellules. La durée de vie des cellules varie selon leur type: de 5 à 7 jours pour certaines, à plus de 120 pour d’autres.
James Till et Ernest McCulloch ont été des pionniers dans le domaine des cellules souches.
Les cellules souches embryonnaires sont pluripotentes, mais pas les cellules souches à l’âge adulte: ces dernières ne peuvent plus générer qu’un certain type de cellule.
Deuxième percée: on peut prolonger l’état intermédiaire dans lequel se trouvent certaines cellules souches.
Troisième percée: la conservation des cellules souches pendant plusieurs années.
Quatrième percée: le rajeunissement de cellules adultes différenciées en reprogrammant leur noyau. Ce sont les travaux de Shinya Yamanaka, et la publication de son papier en 2006, qui ont abouti au prix Nobel 2012.
Intervention de Shinya Yamanaka
Après une introduction courtoise, il évoque son postdoc à Gladstone au milieu des années 90. A cette époque, il travaille sur la transcription de gènes sur l’ARN messager. En travaillant sur la protéine APOBEC1, il constate que des souris mâles se mettent à grossir, comme si elles étaient enceintes. En fait, après inspection, il constate la création de tumeurs au niveau du foie par une surexpression de APOBEC1. Il en tire 3 leçons:
- on n’est jamais à l’abri des surprises
- on ne peut faire de recherche directement sur des patients humains
- on ne peut pas faire d’hypothèses absurdes
Deux années plus tard, il identifie NAT1, une protéine qui agit sur le codage d’APOBEC1: NAT1 travaille à la production de protéines. Pour poursuivre ses travaux, il a besoin de cellules souches de souris. Il découvre que NAT1 est indispensable au fonctionnement pluripotent des cellules souches embryonnaires (ES cells).
Les principales propriétés des cellules souches embryonnaires sont leur rapide prolifération, et leur caractère pluripotent.
De retour au Japon. La situation est très différente de celle connue à San Francisco. Il développe ce qu’il appelle avec humour la PAD (Post America Depression). Mais des percées importantes lui donnent la motivation pour poursuivre ses travaux de recherche : la génération de cellules souches embryonnaires do’rigine humaine (travaux de Thomson, 1998). Les cellules souches embryonnaires humaines permettent de traiter un large spectre de maladies: Parkinsons, diabète, ostéoporose, etc.
Cependant, de nouveaux obstacles se sont dressés: Un no-go éthique: le pape Jean-Paul II ou le président Bush s’opposent fermement aux recherches sur les cellules souches embryonnaires d’origine humaine.
Devenu directeur de recherche à Nara, il peut enfin décider de lancer des travaux sur les sujets qui le motivent, et notamment la re-programmation de cellules normales en cellules souches.
L’hypothèse que formule Yamanaka, c’est l’existence de facteurs de maintenance du caractère pluripotent. Il en existe 24, mais lesquels sont les plus actifs? Fbx15 s’est dégagé comme le meilleur candidat (travail mené par deux de ses étudiants), mais ce n’était pas le bon.
Un autre de ses étudiants, au lieu de tester les facteurs individuellement, a eu l’idée de tester l’absence de facteurs pour voir ce que cela donnait. Quatre facteurs se sont révélés particulièrement importants: sans eux, impossible de reprogrammer. Puis il a fallu montrer que ces 4 facteurs suffisaient: Oct 3/4, Sox2, c-Myc, Klf4. C’est la base du fameux papier de 2006.
Yamanaka rend hommage à ses trois étudiants, sans lesquels ces résultats n’auraient jamais pu être découverts: lui-même n’a contribué qu’aux idées, eux ont été les expérimentateurs: Yoshimi Tokuzawa, Kazutoshi Takahashi, Tomoko Ichisaka.
Depuis, il dispose d’un nouveau centre de recherche, CiRA, à Kyoto, consacré au travail et à la recherche sur les cellules souches induites et pluripotentes (iPS cells, ou induced pluripotent stem cells).
Crédits photo: Center for iPS cell Research and Application, Kyoto University
Yamanaka distingue deux champs d’application des cellules iPS : thérapie cellulaire et toxicologie. Par exemple, il évoque la Sclérose latérale amyotrophique (aussi appelée la maladie de Charcot, dont souffrait Lou Gehrig). Il s’agit d’une maladie qui touche les neurones moteurs. Il n’existe pas de traitement effectif, car pas de modèle fiable de la maladie car difficile d’accéder aux cellules nerveuses motrices, alors qu’elle a été identifiée depuis près d’un siècle. Mais la technologie iPSC permet de produire des cellules souhaitées à volonté. Idem pour l’arythmie cardiaque, pour produire des cellules cardiaques par technologie iPS. Idem pour la dégénérescence maculaire. Idem pour les blessures de la moelle épinière (vidéo impressionnante sur des souris blessées traitées par cette technologie).
En fait, la technologie développée par Yamanaka permet de produire des cellules humaines correspondant à quasiment tout tissu pour tester de nouveaux médicaments, de nouveaux modèles, et ouvre donc un immense champ de recherche pour tout le domaine médical.
On peut également créer des cellules iPS spécifiques pour chaque patient; Cependant, le délai de production reste long (3 à 6 mois), et le coût reste prohibitif.
Intervention d’Austin Smith
Sur la nature de la pluripotence.
Les cellules souches embryonnaires ont 3 caractéristiques: elles sont pluripotentes, se renouvellent elles-mêmes, et sont identiques d’un point de vue embryonnaire. Elles peuvent parfaitement réintégrer l’embryogenèse. Au sein de l’embryon, elles apparaissent très vite, mais leur vie est limitée: heureusement, cette durée de vie peut se prolonger de manière artificielle.
Les cellules souches embryonnaires sont également hétérogènes, contrairement à ce qu’on croyait (Chambers, Toyooka, Hayashi, 2007).
Austin Smith rentre dans le détail du fonctionnement des cellules souches, et là, j’avoue que je suis complètement largué.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec