The Spy
Si vous avez aimé le Bureau des légendes, vous adorerez The Spy. À deux détails près. Le premier, c’est que The Spy ne dure que six épisodes : c’est moins éreintant que 5 saisons de dix épisodes. Et la seconde, c’est que si le Bureau des légendes s’inspire du monde de fonctionnement des services français, The Spy va plus loin : il retrace avec fidélité la vie de l’espion israélien le plus célèbre : Eli Cohen.
Histoire d’un espion
Né en Syrie au sein d’une famille juive qui s’installe en Egypte puis en Israel dès 1949, Eli Cohen a d’abord participé à des actions clandestines au Caire, notamment dans le cadre de l’affaire Lavon, avant de s’éclipser peu après l’affaire de Suez. Il rejoint peu après le Mossad, qui va l’envoyer créer sa « légende » en Argentine, celle d’un riche héritier d’une entreprise de textile, dont les parents ont quitté la Syrie pour s’installer au Liban puis en Argentine. De là, il parvient à rejoindre la Syrie où, doté de moyens financiers importants, il se crée un réseau d’influence qui le rapproche peu à peu du pouvoir, et notamment des cadres du parti Baas, qui fomentent le coup d’état qui porte Amine el-Hafez au pouvoir en 1963.
La suite est connue. Eli Cohen est démasqué à l’hiver 1965. Torturé, il fait l’objet d’un simulacre de procès, au terme duquel il est condamné à mort. Il faut dire que le traumatisme est énorme à l’échelle du jeune régime syrien. La plupart des cadres au pouvoir ont fréquenté Cohen, qui a ses entrées aussi bien auprès de différents ministères. Homme de confiance, il lui est donné de visiter des zones interdites aux civils, notamment les hauteurs du Golan, desquels la Syrie pouvait à l’époque menaces les villes de Galilée. Les informations fournies par l’espion serviront aux unités de Tsahal, deux ans plus tard, pour parvenir à s’emparer de ce territoire en moins de six jours… Eli Cohen sera pendu sur une grande place de Damas, son corps restant exposé au public pendant plusieurs heures. La pendaison a été filmée par les autorités syriennes, et la video a été publiée récemment par la page Facebook Syrian Art Treasures !
Produit par OCS et diffusé par Netflix depuis quelque smois, The Spy retrace avec fidélité la chronologie des événements. Eli Cohen n’ayant pas écrit de mémoires ni laissé de témoignage, et pour cause, de son activité, la série s’inspire des livres parus sur cette histoire extraordinaire, et notamment de l’ouvrage de Ben Dan, L’espion qui venait d’Israel, paru quelques années après les faits. On retrouve également la même trame dans le volume 3 du remarquable ouvrage Israel, lumières et ombres, réalisé sous la direction de Joseph Kessel.
Un rôle en or pour Sacha Baron Cohen
Sacha Baron Cohen incarne à la perfection l’agent israélien, avec ses mimiques hautaines et ses expressions ambigues. La série de six épisodes préserve un rythme soutenu, bien qu’on puisse regretter non pas les temps morts, mais certains épisodes censés entretenir le suspense, qui relèvent plus de la James Bonderie que d’un récit historique. Il aurait probablement été plus intéressant de consacrer le dernier épisode au simulacre de procès et au ballet diplomatique qui eut lieu à cette époque, avec l’aide d’avocats français, pour obtenir la libération de l’agent, avant son exécution.
Quant aux références au père Ben Laden ou à certain Snowden (non pas celui auquel vous pensez), je pense qu’elles sont plus là pour épater la galerie que pour rester fidèle aux faits historiques. Les producteurs auraient pu s’en passer.
Découvrez d'autres articles sur ce thème...
Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec