Super profiteurs de tous pays, unissez-vous !
Les crises ne font pas que des malheureux, c’est bien connu ! Les profiteurs, qu’ils soient plus fourbes, plus rusés ou plus adroits que la majorité d’entre nous, ont existé de tout temps, et en tous lieux. Et les grandes entreprises qui ont su tirer leur ficelle de l’enchaînement de crises actuel – sanitaire, économique ou ukrainienne – sont loin d’avoir été les premières s’en mettre plein les fouilles.
Entreprise à (com)missions
À vrai dire, la mission d’une entreprise, c’est quand même de générer du profit : une société qui perd régulièrement de l’argent ne dure – en règle générale – pas très longtemps. C’est que quand on perd de l’argent, voyez-vous, il devient plus difficile de payer les salaires, les fournisseurs, les loyers, les impôts, bref toutes les petites tracasseries qui font quand même le quotidien des entreprises, au delà des fonctions nobles que sont la R&D et la vente… Et je suis bien placé pour vous dire que quand une entreprise perd de l’argent plusieurs d’années d’affilée, ça sent le sapin
Donc, disais-je, une entreprise doit gagner de l’argent. La question qu’on peut se poser, c’est celle de la quantité d’argent qu’une entreprise a le droit de gagner. Y a-t-il ds limites ? Ou ne doit-il pas y en avoir ? Tout est affaire de durée. Quand on gagne beaucoup d’argent pendant très longtemps, à mon sens, c’est qu’il y a un problème : c’est souvent signe d’un monopole, ou d’une entente frauduleuse, et qu’on empêche des acteurs économiques capables de fournir les mêmes services ou produits à moindre coût d’accéder au marché.
Business is business
Qu’une entreprise gagne une fortune l’année N, bénéficiant d’une idée juteuse, ou d’une occasion de courte durée, comme les laboratoires pharmaceutiques en année Covid, cela ne me paraît pas complètement absurde. Pour bénéficier de ce coup du sort, il a fallu tenir dans la durée, faire des efforts de recherche, bref, travailler, et les revenus importants ne sont que le fruit de ce travail.
En revanche, quand on fait des bénéfices de dizaines de milliards d’euros ou de dollars plusieurs années d’affilée, cela indique quand même une forme de dysfonctionnement. On pourrait certes parler ici de Total ou de CMA-CGM, qui, même si elles font de super-profits, ne sont après tout que les grands gagnants de la loterie 2022 : hausse du prix du pétrole pour l’un, explosion du transport maritime combinée à un calcul de taxes avantageux (ces transporteurs ne sont imposés que sur le tonnage de leur flotte, et non sur la valeur marchande des biens ou leur chiffre d’affaires…).
Gâtons la GAFA
On pourrait aussi parler d’entreprises qui gagne des sommes ahurissantes grâce à un monopole technologique. Les sociétés comme Google, Apple ou Facebook, non contentes de gagner beaucoup d’argent, se débrouillent également pour réduire leurs impôts au strict minimum légal, qui lui-même est bien en-dessous du minimum moral.
Gagner beaucoup d’argent, c’est le rêve de toute entreprise, de ses dirigeants, comme de ses actionnaires ou de ses salariés.
Mais c’est un projet à portée limitée. À un moment, il faut penser à la suite. Sous peine de basculer dans un monde dont la morale diminuerait peu à peu, pour un jour disparaître. Tout est affaire de temps.
Et il n’y a (plus) rien à gagner dans un monde sans morale.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec