Suffit-il de 10 000 heures de pratique pour devenir un expert?
En lisant le dernier livre de Charles Pépin, La confiance en soi, je suis tombé sur un passage particulièrement intéressant. Pépin y relate la théorie d’Anders Ericsson, un psychologue suédois qui explique que pour devenir un expert dans un domaine, quel qu’il soit, il faut y avoir consacré au moins 10 000 heures. À 4000 heures, on atteindrait le niveau d’un très bon amateur. À 8000 heures, celui d’un excellent professionnel. Mais à 10 000 heures, c’est l’apothéose, le stade ultime du génie.
Et cela marcherait dans de nombreux domaines. Il en serait du sport, comme de la musique. Un journaliste américain, Malcolm Gladwell, en a tiré un best-seller, Outliers. Il y décrit le parcours de plusieurs personnalités, issus d’univers variés (artistes comme les Beatles, savants comme Oppenheimer ou sportifs), et analyse comment le génie explose, une fois passé le seuil fatidique.
Seul hic: 10 000 heures, c’est une somme ! Comment ne pas tomber d’ennui au bout de 10 000 heures d’une pratique, quelle qu’elle soit? Ceux qui y parviennent sont, assurément, des extra-terrestres. Car 10 000 heures, c’est environ 20 heures par semaine pendant dix ans. Soit 3 heures tous les jours de la semaine, ou 4 heures tous les jours ouvrés, semaine après semaine… Cela représente un sacré investissement, et on peut comprendre que, le talent mis à part, une telle quantité de travail permette d’aboutir à quelque chose de majestueux.
Notre système éducatif le permet-il? Oui, à condition d’opter pour des parcours particuliers. Aucun élève inscrit dans une filière classique ne peut consacrer un tel investissement sur une décennie. Il lui faut des horaires aménagés, une structure qui lui permette de réaliser ses 20 heures hebdomadaires. On comprend un peu mieux l’intérêt d’établissements spécialisés et d’horaires aménagés pour les jeunes sportifs les plus prometteurs.
Je me suis demandé s’il y avait un domaine dans lequel j’aurais pu avoir investi autant de temps. Les maths? J’ai bien fait 20 heures de maths par semaine pendant deux années de prépa, mais au total, en comptant les congés, ça n’aura fait qu’environ 2000 à 3000 heures. Le sport? Je ne cours qu’environ deux heures par semaine, il me faudrait encore un siècle… La musique? Négatif.
Je n’en ai trouvé qu’un seul, et encore: ce blog. Avec plus de 4000 articles depuis sa création, il représente un investissement d’environ 4000 à 5000 heures. Selon la norme établie par Ericcson, il me reste pourtant encore beaucoup à parcourir pour devenir le champion du sujet…
NB: il semblerait que certains lecteurs de ce blog, véritables de drogués de Facebook, y passeraient 2 à 3 heures par jour. Dans ce cas, et s’ils ont commencé assez tôt, ils sont sur le point de devenir des champions, eux aussi …
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Théorie célèbre. Mais nécessaire ou suffisant ? Et dix mille heures, cela fait mille heures par an, sur dix ans. Ce qui ne fait que trois heures par jour… Me semble-t-il. (Mais je n’ai pas passé dix mille heures à faire des calculs.)
Quant à la façon d’atteindre le dit seuil, j’ai lu des textes qui parlaient de Mozart, ou de champions d’échecs ou de natation. Ce sont des obsédés… Zweig raconte une histoire qui ressemble à cela : lui et sa classe se sont pris de passion pour la littérature, si bien que, très jeune, il est devenu un grand écrivain.
L’enseignement français est, par nature, « polytechnicien ». Tend-il à éviter de faire de nous des « génies » ?
https://christophe-faurie.blogspot.com/2011/06/suis-je-un-genie.html