Sous les pavés…
Mai 68 à l’X, la face cachée
(Rappel d’un bon vieux temps, de la fin d’un monde, et d’événements qui résonnent étrangement en ce XXIème siècle !)
Tout – et son contraire d’ailleurs – a été écrit sur mai 68.
La SABIX a édité un numéro très exhaustif sur mai 68 à l’X (https://www.sabix.org/bulletin/sabixb46.htm) mais ce numéro de la SABIX présente un biais fâcheux : ce n’est que le point de vue officiel, celui de la direction, des grands (les adultes…).
Cela faisait longtemps que je « tannais » notre camarade Russier sur le mode « l’histoire de mai 68 à l’X n’a jamais été écrite par les élèves qui l’ont vécue, et qui, donc, peuvent, quand ils ont le recul nécessaire – et c’est bien ton cas – décoder ».
Demandez, et vous recevrez. J’ai demandé, Russier l’a fait.
A l’heure où l’on sent se créer de nouveau, deux générations après, un clivage entre les élèves de l’X et la Direction, voire les anciens (je ne peux que vous conseiller d’aller voir la pétition en cours), le témoignage de Russier; celui du vieux con qui regarde avec tendresse mais lucidité le jeune con qu’il était il y a 56 ans, est fondamental.
On ne peut que regretter que la Jône & la Rouje, tout comme la SABIX d’ailleurs, aient refusé de le publier.
Roland, c’est à toi… ->
Le présent article est le premier d’une série qui se propose de revisiter notre séjour à l’école Polytechnique dans les années 68. Si les petits cochons ne nous mangent pas, il se pourrait que tout ça accouche d’un bouquin.
1968 a été une année charnière dans le monde étudiant, comme dans la société tout entière. A l’X, les promotions 66 et 67, qui étaient au cœur des évènements, s’en sont trouvées profondément transformées. Et en particulier la tradition, dont on sait qu’elle contribue à l’esprit Carva et à l’excellence de sa formation. C’est cette histoire que nous racontons dans les quelques épisodes que nous vous proposons.
Pour le lecteur pressé, le premier épisode présente un petit résumé. J’espère ainsi vous mettre l’eau à la bouche. Les épisodes suivants détailleront tout ça. En commençant par une réflexion sur les points communs qu’on retrouve avec la doxa qui se met en place de nos jours.
Sous les pavés … les woke ?
Sous les pavés. Episode 1 : Mai 68 à l’X. Petit résumé pour les nuls.
Deux promotions étaient à l’école au moment des événements, la 66 et la 67.
Déjà dans les mois qui ont précédé cet extraordinaire moment, on sentait bien que l’air du temps était en train de changer. Et même avant, en prépa, bien que protégés par notre vie monacale qui laissait peu de place à la réflexion politique, nous étions peu ou prou informés des idées nouvelles qui émergeaient dans notre France endormie. Les khâgneux, plus intelligents et branchés que les pauvres matheux que nous étions, battaient la mesure de la contestation, et il était de bon ton de suivre le tempo. Quelques élèves se sont ainsi sentis une soudaine vocation, bref la révolution couvait sous les roupanes grises (les blouses règlementaires que portaient tous les élèves).
A la rentrée 67, le bahutage (bizutage, dans l’argot de l’X) eut lieu normalement. Mais nous apprîmes plus tard qu’il s’en était fallu de peu : un petit groupe de la 66 voulait l’empêcher, et il fallut l’ingéniosité de la Khomiss pour le neutraliser.
Quelques mois plus tard, la campagne de Kes (pour l’élection des Kessiers, les représentants des élèves) fut un nouveau moment de vérité. Sur les trois équipes qui s’affrontaient, l’une d’elles affichait clairement son projet « révolutionnaire ». Et là encore, il s’en fallut d’un cheveu qu’ils l’emportent. [commentaire de Serge Delwasse : il faut avoir de la chance, parfois…]
De même, la Khômiss se constitua normalement, malgré l’opposition de plus en plus vive d’une (petite) partie de la promotion. Quelques évènements festifs (et souvent nocturnes) ont ainsi émaillé la vie de l’école de moments plus légers, au détriment (bien sûr) de l’encadrement militaire qui ne s’offusquait pas trop des poussées de sève de leurs jeunes soldats.
Et nous suivions avec délectation les amphis de Laurent Schwartz, professeur exceptionnel (qui s’est avéré par ailleurs trotskiste et solidaire des élèves les plus enragés).
Bref, au printemps 68, la vie continuait – presque – comme avant. Mais le fruit était mûr.
Chronologie (librement inspirée de ©Chandesris dans la Jaune et la Rouge de décembre 1968) :
- 3 mai : évacuation de la Sorbonne, première manifestation étudiante. Je donne cette date pour mémoire, car nous n’étions pas vraiment au courant, à part peut-être quelques cocons plus impliqués.
D’ailleurs, cette semaine-là, l’école était en pleine effervescence, pour la préparation du point Gamma. Les contestataires ont bien essayé de soulever la promo contre ce relent du capitalisme bourgeois, mais il faut croire que le goût de la fête décadente avait pris (provisoirement) le dessus sur la nouvelle idolâtrie du Che ou de Mao. Le point gamma a bien eu lieu le
- 4/5 mai à l’école. Quelques robes longues égarées ont peut-être croisé des CRS au quartier latin, en fin de nuit. Ça leur a permis de raconter ça à leurs amies le lendemain, mais rien de bien méchant encore.
- 6 mai : les syndicats appellent à la grève générale. Ça devient sérieux.
- 10-11 mai : premières barricades au quartier latin. Nous voyons les affrontements depuis nos fenêtres. Jamais les « bêtas » (les passages secrets, aménagés par la Khômiss, permettant de faire le mur) n’avaient été autant utilisés. Quel pied de nous mêler ainsi à la vague montante des étudiants révolutionnaires. Quelques élèves ont lancé des pavés, beaucoup étaient réservés sur la nécessité de brûler des voitures. Ce fut sans doute le début du clivage entre les enragés qui avaient préempté la parole bien-pensante, et ceux qui se taisaient, faute de pouvoir affronter la déferlante contestataire.
- 12 mai : préparation d’un tract par quelques élèves : « Nous sommes aussi des étudiants », et projet de grève. Beaucoup de cocons se sont laissés convaincre par la bijection apparemment simple (mais évidemment biaisée) : solidarité avec les étudiants (qui était évidente pour tous) <= > grève à l’école (interdite par notre statut militaire, et dont les conséquences auraient pu être lourdes).
- 13 mai : 7h45, amphi de mise en garde du général, suivi d’un amphi entre élèves (8h30) proposant une résolution de grève, qui est rejetée de peu. Grosso-modo : une moitié de la promo suit le mouvement (sans vraiment en comprendre les enjeux), le reste se partage entre la résistance et la passivité prudente. Mais la cible des ultras, qui consistait à remettre en question le statut militaire, est manquée.
- 15 mai : réunion enseignants/élèves et amorce d’un comité paritaire. Le prétexte pris par les enragés se retourne contre eux. Ils voulaient se servir du mécontentement réel des élèves, concernant le programme des études (qui était devenu ringard), comme d’un cheval de Troie, et les entrainer vers la révolution. Mais le cheval est resté seul, la révolution n’a pas suivi.
- 16 mai : amphi à 7h45, concernant surtout la forme et le contenu des études.
- 16 mai après-midi : réunion inter grandes écoles à la Halle aux vins, qui décide d’envahir les locaux de l’X. Était-ce pour en faire une deuxième Sorbonne ? Une délégation d’élèves, accompagnée par Laurent Schwartz (tiens donc !), a, entre autres, demandé au Général de les laisser entrer. Son refus poli a été accompagné de la mise en place musclée d’un cordon sanitaire à l’entrée, suffisamment dissuasif pour faire avorter le projet.
Pendant ce temps, l’école était mise en jachère. Elle devenait un laboratoire d’enseignement alternatif. Des initiatives de tout genre se mettaient en place, des cours parallèles, participatifs, animés par des élèves, fleurissaient, en particulier dans les matières négligées à l’école (économie)
- 18, 20 et 21 mai : réunions et amphis divers sur la réforme des études. Quelques extrémistes tentent encore de faire exploser le système, mais l’enthousiasme révolutionnaire s’est dilué dans les plans de carrière. En particulier :
- 22 mai : la 66 rejette une motion demandant la suppression des examens. A la clef, il y avait la suppression du classement et les carrières qui y étaient attachées : trop, c’était trop !
- 22 mai : la 67 approuve une motion demandant plus de participation des élèves.
- 23 mai : la 66 refuse une épreuve de force. Les gauchistes ont compris que le grand soir n’était pas pour tout de suite et se désengagent du mouvement.
- 24 mai : la 66 vote un texte approuvant le processus des options. C’est la fin de la récré, la direction de l’Ecole a plié sous le vent de la contestation, mais n’a pas rompu. La vie peut reprendre, mais le printemps est là, et l’esprit soixante-huitard continue à émanciper ce qu’il restait de discipline et de rigueur.
Il restait un sujet, qui avait été négligé pendant tout ce temps : quid des traditions ? Au quotidien, le langage Carva restait de mise, les « bonnes habitudes » étaient revenues, le bar « chez Marie » (la mère protectrice de tous les petits jeunes qui faisaient semblant d’être grands) ne désemplissait pas. Bref la routine potache n’était guère changée.
Mais la rentrée se profilait, il a donc bien fallu parler de la manière d’accueillir les conscrits, bref du bahutage, que les ultras avaient bien sûr condamné comme « un rite de reconnaissance de la caste dirigeante en vue d’exploiter la classe ouvrière ». L’air du temps aidant, une commission était sortie de nulle part pour traiter le sujet. Et la Khomiss avait sauté sur l’occasion pour enfin sortir la tête de l’eau, et donner une voix à la majorité silencieuse. Ce fut le :
- 18 juin. A l’issue d’une rude bataille où la maîtrise du micro était plus importante que la qualité des arguments, la 67 refusait une motion de suppression du bahutage. Et dans la foulée, elle en adoptait un projet amendé pour octobre 68.
- 13 juillet : approbation par les deux promos d’un texte introduisant plus de parité. [note de Delwasse : le terme parité porte à confusion, mais Russier a souhaité conserver le verbatim. Il ne s’agit bien sûr pas de la parité des genres/ des sexes – rappelons-le, l’Ecole n’était pas encore mixte – mais de parité entre les « adultes » (la DIrection) et les « djeuns » (les élèves). Parité au sens de paritarisme donc. Russier précise d’ailleurs que « pendant les semaines qui ont suivi, de nombreuses discussions sur tous les sujets ont divisé les acteurs (Direction de l’école, AX, professeurs, élèves, commissions d’anciens, etc …), dont aucun ne voyait l’intérêt de la participation des autres. Les élèves ont ainsi proposé leur propre texte, qui demandait entre autres leur participation aux décision à venir. »] L’histoire n’a démontré que très partiellement la prise en compte de cette requête.
- Septembre : stage militaire, la nouvelle promotion est au Larzac
- Début octobre : le choc. La promo 67 est envoyée en « école d’appli. » Une parade, censée être efficace, à la contagion libertaire avait été trouvée : avancer d’un an la période de formation militaire prévue pour notre troisième année, et ainsi nous disperser dès la rentrée, aux « quatre coins de l’hexagone », pour éviter une nouvelle coagulation des luttes.
- Nous n’avons que quelques jours pour assurer un ersatz de bahutage de nos conscrits, pour sauver la face. Mais les temps ne sont pas propices.
- D’autant moins que la nouvelle promo s’est ensuite retrouvée seule sur la Montagne, sans leurs vénérés anciens qui auraient pu les instruire de mille choses utiles. La boucle est bouclée, le fil de la tradition, déjà bien entamé, vient de casser.
- Février 69 : retour à Carva de la 67, décalé d’un semestre. Nos conscrits ne nous ont pas attendus pour s’installer dans leurs habitudes.
En résumé : les évènements ont clairement boosté une réforme de l’école qui stagnait, et fait évoluer le rapport à la discipline, mais le grand soir n’était pas au rendez-vous. Par contre, la continuité entre les deux promotions était cassée. Les élèves les plus extrêmes, qui ont fait trembler la direction, ont été les « idiots utiles » des enseignants qui voulaient faire bouger les lignes à l’école. Mais l’effet collatéral fut aussi la perte des traditions.
Le déménagement de l’école à Palaiseau était déjà en route, un pan de la vie polytechnicienne venait de s’écrouler.
Vous avez aimé ce premier épisode ? Vous allez adorer le suivant, où je dresse quelques parallèles édifiants entre les ressorts souterrains de mai 68 … et notre époque troublée. Et bientôt, vous pourrez en savoir plus. Pour ça, cliquez sur cette case secrète
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A heavy weather skipper
Quelle est la pétition en cours dont il est question dans l’excellent article de Rolland ? Le lien ne fonctionne pas.
C’est corrigé
Moins de pavés à Palaiseau…
Plusieurs remarques au sujet de ce billet biaisé.
Oui, en tant que président de la SABIX (2006-2014), j’ai publié ‘Souvenirs d’un témoin actif à l’X en mai 68, Emmanuel Grison (X37)’ (lien ci-dessus dans l’article). Ce n’était pas un numéro général sur Mai 68, mais centré sur l’objet indiqué (Grison a été le fondateur de la SABIX, et C. Marbach X56 lui rendait hommage avec ce numéro). On trouve néanmoins dans ce numéro une évocation des élèves ‘en pointe’, avec Bourguignon et Bamberger (X66). La SABIX a vocation à publier des mémoires construits, éclairant l’histoire ― c’était le cas du mémoire d’époque de Grison.
Je n’en dirai pas autant du poulet ‘Sous les pavés’ que j’ai eu l’occasion d’avoir à lire, venant de nos camarades X67 (ils étaient anonymes dans la version que j’ai eue), et dont nous est complaisamment étalée un avant-goût ici. La version que j’ai eue entre les mains était un torchon idéologique, émanant de gauchistes repentis (ce sont les pires), en fin de parcours, écrit non étayé, à la sociologie de type café du commerce (cf. les quelques ‘classifications’ des élèves de l’X | ou « sous les pavés, les wokes » dès la première page ― je précise que pour ma part je suis loin de défendre le wokisme), écrit de manière anonyme, autosatisfaite, qui plus est mal écrit (plan, style, continuité), et n’apportant aucunes nouvelles informations, voire même détournant la bonne information par parti pris. J’avais fait remarquer au président actuel de la SABIX (Ph. Moiroud, X81) que c’était même préoccupant que les auteurs aient cru bon de s’adresser à notre société savante pour publication ; je conseillais, et j’étais loin d’être le seul dans notre bureau, la publication dans leur blog (dont acte, ici, dans ce blog).
Voilà. Peut-être la suite de ce « feuilleton » sera-t-elle amendée par rapport à ce que j’avais lu ; mais cet avertissement au lecteur du présent billet me paraissait nécessaire. Attention entre nous, chers camarades, à ne pas prendre des vessies pour des lanternes. Et tout ce qui serait ‘caché’ (par exemple… sous les pavés) n’est pas forcément un apport valable ni intéressant ― ce ‘Sous les pavés’ me semble même se tirer une balle dans le pied par rapport aux objectifs poursuivis. Accessoirement, pour l’ensemble de ces raisons, il peut aussi être nuisible à la *communauté polytechnicienne* (si tant est qu’elle existe).
Alexandre Moatti (X78), président d’honneur de la SABIX
Merci, Alexandre, de cette talentueuse illustration des procédés utilisés par la pensée dominante de l’époque, pour disqualifier toute remise en question de sa doxa. Cela donne une belle légitimité à ce que j’analyse justement dans mon « torchon », et montre que les choses n’ont guère changé depuis.
En gros, plutôt que de prendre acte de la question posée, que j’estime profonde, tu préfères la disqualifier d’avance en l’attaquant sur la forme. Ça me rajeunit, j’ai l’impression d’être revenu à la belle époque où la pensée unique savait éliminer toute contestation. Je ne connais pas tes opinions, et je suppose que cette rhétorique n’est pas consciente chez toi, mais elle demeure. Presque toutes les cases en sont cochées :
– « Billet biaisé » : tout ce qui n’est pas conforme à la pensée unique est par définition suspect de manipulation.
– « torchon idéologique » : haro sur le baudet ! Il faut disqualifier l’auteur. Je n’ai pas d’orgueil dans ce domaine, mais les divers commentaires reçus par ailleurs me portent à penser que ta critique est elle-même légèrement « biaisée », pour employer ton euphémisme en vogue.
– « gauchistes repentis ». Ah ! Dénoncer les traitres à la cause, voilà une rhétorique puissante. Peu importe la réalité de ce gauchisme supposé (complètement fausse en l’occurrence), calomniez, il en restera toujours quelque chose.
– « Camarades anonymes ». Le diable est d’autant plus redoutable quand il avance masqué, c’est élémentaire. Et dans mon cas, c’est toujours aussi faux, bien sûr, mais peu importe, ça marque le lecteur.
– « café du commerce » : faut-il donc sortir de science-po pour constater que le roi est nu ?
– Et si je comprends bien, woke est un mot tabou s’il est prononcé en dehors des cercles initiés.
Bref, ce qui est caractéristique, dans l’ostracisme soixante-huitard comme maintenant dans les attitudes de nos nouveaux inquisiteurs, c’est le refus de parler du fond (quitte à interdire de parole les « mauvais sujets », il y en a hélas trop d’exemples récents)
Or dans tes « remarques », je ne lis rien sur l’objet principal de mon « poulet », qui est d’alerter sur les artifices qui permettent à une minorité d’imposer sa doxa à une majorité silencieuse. On sait aujourd’hui les dizaines de millions de morts qui ont accompagné la révolution culturelle en Chine : le petit livre rouge s’est pourtant imposé en 68 comme la référence universelle. Comment cela a-t-il été possible ? La question me semble intéressante. Aujourd’hui, je ne sais pas où la cancel culture va nous mener. Mais il y a trop de similarités entre ces deux inquisitions pour ne pas s’interroger. Doit-on éviter de parler de ces sujets, sous prétexte de la « médiocrité » de celui qui les évoque ?
Et puisque justement le wokisme n’est pas ta tasse de thé, pourquoi ne sautes-tu pas sur l’occasion pour défendre ton point de vue en usant de tes indéniables qualités d’écriture. Tu as remarqué que ton commentaire n’a pas été « cancellé », toute contribution est bienvenue.
Rolland Russier
J’arrête là, j’ai été clair et ai dit ci-dessus ce que j’avais à dire. Toute cette réponse de Russier me paraît très oiseuse.
un commentaire de notre camarade Lazar (56), reçu par mail, et qui donne un éclairage intéressant sur un autre sujet d’actualité :
« Je peux te faire part, en ce qui me concerne, d’un témoignage qui me paraît assez significatif de l’état, en 1968, des relations entre les hommes et les femmes.
À l’époque je suis chercheur à l’Inserm, très engagé dans le mouvement révolutionnaire. Nos camarades consignés font appel à moi et à quelques autres pour nous demander ce qu’ils pourraient proposer pour apporter un changement radical au fonctionnement de l’Ecole polytechnique. Je leur dis que ce qui serait vraiment un élément décisif d’évolution de l’Ecole serait d’ouvrir son accès aux filles. Ils sont alors tous partis d’un immense éclat de rire en pensant que je plaisantais ! »
commentaire reçu d’un camarade de la 75 :
Je relève la façon dont les élèves ont finalement été bernés par les profs. Ayant été un représentant des élèves (au Conseil d’Administration) de la première promotion à Palaiseau, j’ai bien identifié que le vrai sujet des X, comme pour tout étudiant, étaient bien les profs et non la Direction (militaire dans notre cas). Or les profs sont les plus puissants car les plus stables (les élèves et les militaires ne font que passer) et il est difficile de les interpeler sur la maîtrise de leur matière (argument d’autorité recevable) dont ils tirent une légitimité (très contestable) sur le choix du contenu de leur enseignement et sur la manière de l’enseigner : les militaires sont hors-jeu sur ce débat et l’AX pourrait jouer un rôle mais elle ne s’y investit guère ; les élèves constatent les limites d’efficacité de leur action d’autant plus que les profs les tiennent avec les notes, le classement de sortie et la menace du recalage en fin d’étude : c’est comme au collège !… en tout cas, c’est ce que j’en ai conclu après 3 ans d’activisme il y a presque ½ siècle… et on pourrait espérer que la disponibilité numérique des connaissances aurait enfin permis de modifier en profondeur la façon d’enseigner à l’X, mais je constate que la mentalité « sorbonagre » des profs n’évolue pas vite car je parraine un jeune X étranger et il a du mal à garder les yeux ouverts en cours…