Si je t’oublie Jerusalem…
Alors qu’il s’y était engagé durant sa campagne électorale, je ne croyais pas qu’il oserait le faire. Et pourtant, il l’a fait: Donald Trump a annoncé ce soir qu’il souhaitait reconnaître Jerusalem comme capitale de l’état d’Israel, et procéder au transfert de l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv vers Jerusalem ! Une décision étonnante, qu’aucun dirigeant occidental n’avait osé prendre depuis 1947: la plupart des états se contentent, comme la France ou la Grèce, d’un consulat à Jerusalem, sans véritable représentation diplomatique. Seuls 82 pays ont ouvert une ambassade, à ce jour, sur le territoire israélien. Le Salvador et le Costa-Rica sont les derniers à avoir déménagé leur ambassade de Jerusalem à Tel Aviv.
Le consulat des Etats-Unis … à Jerusalem
Et pourtant, cela fait … presque soixante dix ans qu’Israel a décidé que Jerusalem serait sa capitale. A l’époque, à l’issue de la guerre d’indépendance, la ville s’était retrouvée coupée en deux. La partie orientale était occupée par la Jordanie, tandis que la partie occidentale restait sous domination israélienne, et devenait, quelques mois plus tard, capitale du jeune état. De 1948 à 1961, une quinzaine de représentation diplomatique s’installeront à Jerusalem. Mais il ne s’agit que de pays « mineurs »: aucun des états membres du conseil de sécurité de l’ONU ne s’y installe.
Mais en 1967, Israel remporte une victoire totale sur ses voisins, et prend possession de la totalité de la ville. Peu de temps après la fin des hostilités, la Knesset vote la modification du statut de Jerusalem, étendant les lois et institutions à la totalité de la ville. Peu à peu, les rares ambassades qui y étaient installées vont déménager vers Tel Aviv.
Pourtant, il faut savoir que l’ensemble des institutions israéliennes sont installées à Jerusalem. Knesset, ministères, résidence du premier ministre ou du président (titre honorifique), Cour suprême, les trois pouvoirs y sont installés. Non dans la partie orientale, d’ailleurs: installer son ambassade dans la partie occidentale ne signifie pas reconnaître la réunification. Mais non, les états occidentaux ont préféré l’inefficacité consistant à installer leurs ambassades en bord de mer. Un peu comme si les ambassades en France quittaient Paris pour s’installer à Beauvais… J’ai toujours été surpris par cette situation, qui est allée, dans certains cas, jusqu’à mentionner Tel Aviv comme capitale sur certaines cartes, comme ce fut le cas longtemps sur les cartes Air France.
En reconnaissant Jerusalem comme capitale de l’état d’Israel, Trump prend donc une décision audacieuse. Est-ce le bon moment? Tous les analystes et journalistes qui ont défilé à la télévision ces dernières vingt-quatre heures disent que non. Mais alors, quand est-ce que ce sera le bon moment? A les écouter, la réponse serait plutôt « jamais ». Ce qui est, d’une certaine manière, une ingérence sur les choix que peut légitimement faire l’état israélien. Et tous les commentateurs d’évoquer les risques de troubles que provoquera cette décision, au risque de les susciter ou de les encourager, plus qu’autre chose.
I have determined that it is time to officially recognize Jerusalem as the capital of Israel. I am also directing the State Department to begin preparation to move the American Embassy from Tel Aviv to Jerusalem… pic.twitter.com/YwgWmT0O8m
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 6 décembre 2017
Les commentateurs politiques qui mettent cela sur le dos de Netanyahou (que je ne porte pas vraiment dans mon coeur) et de la droite israélienne, devraient mieux se renseigner sur cette question de la souveraineté : Jerusalem est devenue capitale de l’état hébreu alors que le parti travailliste était au pouvoir, sous un certain David Ben-Gourion… Et du point de vue d’un citoyen israélien, cette non reconnaissance de la part des états occidentaux relève de la négation d’un certain libre-arbitre.
Alors oui, la décision de Donald Trump ne me déplaît pas. Elle met un terme à une certaine tartufferie. Permettra-t-elle de faire avancer le processus de paix? Encore eut-il fallu qu’un tel processus existât encore… Cela demandera un peu plus de courage que de condamner le déménagement d’une ambassade.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec