Faut-il sauver l'édition papier du magazine l'Arche?
La presse papier a-t-elle un avenir? De tous côtés, l’édifice prend l’eau. Les quotidiens souffrent de la baisse du nombre de leurs abonnés, des investissements publicitaires et, ben entendu, de la concurrence des gratuits et de l’Internet. La presse telle que l’ont connu ma génération et les deux précédentes est vouée à un avenir plutôt grisâtre, voire à une disparition probable. Ce phénomène touchait jusqu’à présent la presse nationale, et je constate avec surprise qu’elle touche également les revues plus « communautaires », comme le magazine l’Arche.
Je connais très peu le secteur de la presse, mais il me semble qu’un magazine qui souhaite tenir dans la durée doit faire face à quatre types de coûts:
- coûts d’écriture: les journalistes (ou l’abonnement aux agences de presse)
- coûts d’infrastructure: l’administratif
- coûts d’impression
- coûts de diffusion
La répartition entre ces quatre postes varie d’un journal ou d’un magazine à l’autre. Le poids de l’impression est sans doute plus important pour un magazine sur papier glacé, celui de la diffusion pour un quotidien national.
Internet ne change rien aux deux premiers types de coûts: il faut bien payer des journalistes si l’on veut un contenu de qualité, et il faut bien une petite équipe administrative pour faire fonctionner le journal. En revanche, Internet permet de mettre un 0 face aux coûts d’impression (pas tout à fait juste: il faut investir dans un outil de publication, un site, une appli iPad parfois…), et aux coûts de diffusion (là aussi c’est exagéré: il faut bien faire connaître le site via la pub ou l’affiliation).
Face à cela, il y a trois types de revenus:
- les ventes, principale source de financement en théorie
- les abonnements, qui permettent de voir dans la durée
- la publicité, qui permet de combler les trous
Le problème, c’est qu’Internet et tout ce qui en relève (mode du gratuit, lecture en ligne, pression sur les intermédiaires – les marchands de journaux, qui disparaissent l’un après l’autre) réduit de manière drastique les sources de revenus 1 et 3. Il ne reste que les abonnements.
L’équation devient alors simple pour un organe de presse qui souhaite passer du papier à une édition en ligne: est-ce qu’il y a suffisamment d’abonnés pour payer une équipe de journalistes et d’administratifs? Car la concurrence est rude: face à certains articles de presse, les blogs offrent une vision de l’actualité souvent plus personnelle, plus réfléchie, plus conversationnelle. Pourquoi payer pour des articles énervants, mal écrits et finalement qui offrent peu d’intérêt lorsque nombre de sites internet, de blogs ou de portails offrent une vision plus intéressante, et surtout, plus interactive?
Pour l’Arche, je ne sais pas ce que cela va donner. Ce mensuel de qualité bénéficie d’une bonne appréciation de la frange intellectuelle de la population juive française. Sa diffusion en kiosque lui permettait également de toucher un public non juif, et de jouer un rôle de passerelle, que ne jouent pas (ou jouent très mal) des journaux comme Actu J. Un groupe de soutien au magazine l’Arche s’est créé sur Facebook. Je doute que les 200 membres qui se sont inscrits suffiront à faire vivre la version électronique. Pour l’Arche, hélas, l’avenir est sans doute assez noir.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Comme tu le dis, il me semble qu’un problème majeur de la presse française est son manque de fond. Ce qui en a (cf. Le Canard Enchaîné) se vend.
Par ailleurs, si j’ai bien compris, la presse américaine est parvenue à redresser la barre, en triturant son modèle économique (i.e. en se concentrant sur ce qu’elle faisait particulièrement bien, et en réduisant ses coûts). Peut-être l’Arche peut-elle faire de même. Surtout si elle a une communauté de lecteurs qui lui est attachée, et dont les idées peuvent être mises à contribution dans une réflexion préliminaire ?
Je ne suis pas convaincu que la presse américaine soit parvenue à redresser la barre. A quel(s) titre(s) penses-tu?
J’ai retrouvé ce qui justifiait mon propos: http://www.economist.com/opinion/displaystory.cfm?story_id=16321506
Il était dit, plus loin, que ce qui bloquait le Monde était le statut de ses journalistes: http://www.economist.com/businessfinance/displaystory.cfm?story_id=16324507
Par ailleurs il y aurait des titres régionaux anglais qui fonctionneraient bien, ils auraient adopté une approche « back to basics »: noir-et-blanc + contenu régional. Peut-être une idée?
Bonjour Hervé,
les 200 gugusses que nous sommes ont quand même déclenché un article dans ActuJ ce week-end et un autre dans Libé aujourd’hui.
Ca ne règle pas le pb, quoiqu’il semble que la décision du FSJU soit irrévocable.
Aurais-tu des exemples de sites d’infos qui ne vivent que du Net ?
Intéressant dans Libé aujourd’hui : l’analyse de Nicolas Demorand sur son journal ==> la majorité des revenus d’un journal vient encore de l’édition papier. Il se pose les mêmes questions, sans avoir décidé.
Je suis sceptique. L’Arche est à 6 euros le numéro, 59 euros l’abonnement annuel.
Si on parle rentabilité, on veut dire abonnement payant sur le Net, et Libé en est à 12 euros par mois.
Qui sera le Xavier Niel de la presse juive ?
Des sites d’infos qui ne vivent que du net: Slate.fr, Rue89, Huffington Post.
Mais pour cela, il faut un lectorat large, qui va au-delà de 5 ou 6000 lecteurs; et des sources de revenus annexes. Bref, la décision d’aller sur du tout électronique relève plus d’une lubie de chefaillon que d’une vraie stratégie visant à rentabiliser l’investissement du FSJU sur les différents médias.
Ajoutons à cela que les médias juifs se lisent très souvent le shabbat, et que pour les juifs religieux, cela n’ira pas sans poser quelques problèmes, à moins d’inventer l’iPad à pédales…