Saint Cloud, brillez pour nous!
Le Cloud (prononcer « Claode » en insistant sur le « ode ») est à la mode. Pas un article technique, pas une revue de presse, qui ne cite les vertus inestimables du Cloud. Et maintenant qu’Apple s’apprête à lancer son iCloud, même le très radiophonique Dominique Seux des Echos s’est lancé dans une chronique matinale sur le sujet… Mais pour madame Michu, le Cloud, c’est loin, très loin. Pourquoi Apple se lance dans les nuages, et qu’est ce que cela va nous apporter, voici ce que je vais vaillamment tenter d’expliquer à mes lecteurs…
De quoi parle-t-on? Le Cloud est un diminutif de Cloud computing. Cette expression est apparue il y a quelques années, pour désigner des architectures informatiques où certaines données ne sont pas stockées sur l’ordinateur de celui qui les exploite, mais quelque part ailleurs, sur un réseau de serveurs informatiques entreposés on ne sait où. Il peut s’agir de données de travail (une présentation, un document texte, un tableau Excel, une image, une vidéo) ou bien carrément de l’application elle-même, comme par exemple avec les applications Google (Google Mail, Google Docs) mais aussi Microsoft (Hotmail) ou des logiciels d’entreprise comme Salesforce. Dans ce dernier cas, on parle de SaaS (software as a service).
Comment est-ce apparu? Le nerf du Cloud, c’est une combinaison intelligente entre les serveurs de stockage (pour les données de travail) et les serveurs de présentation (pour une expérience utilisateur agréable). Pour que cette évolution soit possible, il aura fallu qu’Internet évolue de manière:
- à offrir des performances acceptable: impossible de faire du GMail avec un modem 56K, l’ADSL est une nécessité
- à permettre de développer des sites web qui ne nécessitent pas de recharger une page pour afficher de nouvelles informations
Je ne saurais vous dire qui a le premier tenté l’expérience. Je me souviens que Scott McNealy, l’un des présidents successifs de SUN, scandait à la fin du siècle dernier: « the network is the computer« . C’est exactement cette vision qu’il proposait: celle de terminaux assez peu intelligents, connectés à un immense réseau où données et programmes flottent… Je me souviens aussi que Salesforce est apparu vers 2005-2006, avec une offre fracassante et très agressive. Du coup, à cette époque, tout l’univers du logiciel s’est intéressé au SaaS. Mais le terme n’était pas très vendeur: le Cloud, ça fait plus chic.
Au final, le Cloud computing n’est q’un retour subtil à l’architecture centralisée proposé par les mainframes et autres gros systèmes vendus par BULL ou IBM dans les années 70. A cette époque, on ne disposait ni de PCs, ni de clefs USB. Le Cloud, c’est en définitive la fin de l’ère de l’ordinateur personnel, avec ce que cela comporte comme risques et menaces (lire ou relire l’excellent: The future of the Internet…).
Quel avantage pour l’entreprise? Pour une entreprise, le « Cloud » présente de nombreux avantages, mais aussi quelques inconvénients qu’il ne faut pas sous-estimer. Du côté des avantages, on évoquera par exemple:
- La facilité de déploiement: puisque les applications sont installées sur le réseau et non sur les postes de travail, on peut installer plusieurs postes simplement, en diffusant l’adresse du site web de l’application. De la même manière, la migration est aussi simple, puisqu’il suffit de migrer l’application du côté du serveur, et d’un seul coup tout le monde possède la dernière version
- Les coûts associés: en général, à fonctionnalités égales, les applications proposées sur le Cloud sont moins chères que celles proposées en mode « client » (c’est à dire qu’on installe sur le poste de travail). Bien entendu, cette règle prévaut aujourd’hui, mais dans un futur plus ou moins proche, je mets ma main à couper que les grilles tarifaires seront alignées (ou que le mode client aura disparu). 01net propose d’ailleurs un comparatif des différentes offres disponibles pour les entreprises.
- L’accès à distance: puisqu’on n’a plus besoin de son poste de travail pour stocker logiciels et fichiers, on peut y accéder de partout: à la maison, en vacances, sur un smartphone, etc. Le Cloud est le meilleur ami du télétravail…
- L’indépendance vis a vis du système d’exploitation du poste de travail: puisque c’est du web, la même application peut tourner sur un Mac, un PC, un poste Linux, en théorie du moins. Car en réalité, il faut que l’équipe de développement du logiciel en question ait bien testé son application sous différents navigateurs, sur différentes plateformes.
Bien sûr, il faut penser aux inconvénients:
- C’est du web, donc en cas de coupure du réseau (Free, France Télécom ou autre), ou de panne de serveurs (comme c’est parfois le cas chez Google), on n’a plus rien… Très problématique, vous en conviendrez. Les solutions techniques proposées par certains éditeurs (Google Gears notamment) ne sont pas vraiment satisfaisantes. Le taux de disponibilité doit donc être le plus proche possible de 100%
- Les données étant stockées à distance, elles peuvent très bien se trouver .. en territoire ennemi. Imaginez le cas d’une grande entreprise qui utiliserait le Cloud pour stocker des données confidentielles (mails, fichiers) auprès d’un prestataire américain (Microsoft, Google ou autre) et dont les données seraient perquisitionnées par l’état américain suite à une enquête, un litige ou toute autre péripétie… Attention à bien évaluer les clauses juridiques du contrat, ou à choisir un hébergement sur un territoire ami…
- Toutes les applications ne peuvent hélas pas passer par le Cloud, en raison de la bande passante à utiliser: faire du montage vidéo, simuler des crashs tests, etc, cela ne se fait pas (encore) sur les architectures telles que celle de l’Internet actuel.
Quel avantage pour un particulier? Pour un particulier, le Cloud peut sembler bien lointain… Et pourtant, il n’a jamais été aussi près. Petit aparté pour commencer: avez-vous déjà perdu le contenu de votre disque dur? Ecrasé toutes vos données? Perdu 3 ans de photos numériques? Mais non, vous faites tous des sauvegardes… Sauf que les sauvegardes, ça s’accumule quelque part et on ne sait plus comment les retrouver. Ou bien ça devient redondant, on a 10 versions différentes de la phot IMG1037.JPG, et on ne sait plus laquelle est l’originale. Ou encore on se retrouve avec plusieurs disques de données sans savoir exactement ce qu’il y a dedans.
Le Cloud, pour un particulier, c’est bien évidemment la possibilité de faire des sauvegardes à distance, de les organiser comme sur un disque dur, d’accéder à ses fichiers depuis n’importe quelle machine. Des offres comme celles de Dropbox (10$ par mois pour 50Go de données) commence à se populariser. 10$ par mois, cela fait un peu moins de 100€ sur l’année. A ce prix là, bien sûr, on pourrait s’acheter un disque dur portable de 500Go ou 1To. Mais sur lelong terme, ces offres là vont voir leurs prix diminuer, tout simplement … du fait de la concurrence. ASUS propose, apr exemple, un service appelé ASUS web storage, qui permet, pour 30$ par an, de bénéficier d’un stockage illimité (accessible d’un seul PC – ou 50$ par an pour un accès depuis n’importe quel PC)! Illimité, et proposé par un acteur autrement mieux charpenté que Dropbox d’un point de vue économique… Mais bien sûr, il faut ensuite comparer les fonctionnalités: l’intégration au système d’exploitation (PC, Mac) ainsi que l’accès depuis un iPhone sont des demandes incontournables…
Si le stockage des données personnelles est un enjeu majeur, différents modèles économiques existent: l’offre de musique en ligne proposée par Spotify ou Deezer, par exemple, n’est que du Cloud déguisé (avec du cache en local pour accélérer la performance): pour écouter vos tubes préférés, vous devez vous acquitter d’un abonnement, qui paie à la fois les droits d’auteur et le stockage. L’astuce, c’est que le stockage est mutualisé entre tous les abonnés, un peu comme si tout le monde regardait les mêmes photos: vous écoutez à peu près les mêmes tubes, et ce n’est pas la taille du Cloud qui importe, mais la bande passante pour y accéder (d’où le cache local – pas étonnant, finalement, qu’Orange cherche une position de leader dans ce domaine…).
Enfin, le Cloud pour les particuliers, c’est aussi une multitude d’applications, de l’offre Google (Google Docs, Google Mail) à celle de Microsoft, en passant par des tas de services: du partage de photos (Picasa, Flickr) au partage de vidéos (Youtube, DailyMotion), c’est du Cloud!
Quels sont les points critiques à prendre en compte? Projetons-nous à 20 ans, à l’époque où le Cloud aura remplacé tous nos PCs par des tablettes, et où nous accéderons à nos données depuis n’importe où, avec des débits ultra-rapides (ce n’est pas de la science-fiction, je suis sûr que mes enfants choisiront le service de pompes funèbres pour m’enterrer avec une application en ligne sur le Cloud…). Qu’est ce qui fera la différence? Une fonction majeure, le « search »! Pourquoi? Tout simplement parce qu’un individu lambda accumule des milliers de données durant sa vie: photos, vidéos, docs, CVs, articles, etc. Pour s’y retrouver sur 20 ou 30 années numériques et quelques milliers de fichiers, il faudra disposer d’un sacré moteur de recherche…
Avantage: Google
Oui, vous l’avez compris, dans cette guerre du Cloud où les acteurs se nomment Amazon, Google, Microsoft, Orange, ASUS et j’en passe, celui qui saura diriger l’utilisateur vers LA donnée qu’il recherche tiendra la clef de tout le système. Et Google dispose d’une sacrée avance dans le domaine, au travers de son moteur de recherche remarquablement adapté pour la messagerie Google Mail et la gestion des documents.
Qui seront les challengers? Ceux qui sauront jouer la carte de l’intégration.
Avantage: Apple
Oui, vous l’avez compris, Google est une boîte d’ingénieurs boutonneux alors qu’Apple est une boîte de malins petits utilisateurs de la technologie. Ce qui paraît compliqué chez l’un paraît simple et immédiat chez l’autre. C’est pourquoi, au-delà de la connotation musicale (qui me paraît plus un ballon d’essai qu’autre chose) l’annonce d’Apple pourrait mener à bien plus de richesse qu’il n’y paraît.
Merci pour ces infos, que dois-je donc faire dans l’immédiat? Au plus vite…
- Sauvegarder vos données chez un fournisseur de Cloud pérenne. Dropbox est certainement très bien fichu, mais ASUS me paraît plus solide et moins cher…
- Passer sur des logiciels distants, type Google Mail ou Google Docs pour vous faire la main
- Priez pour qu’une grosse coupure d’Internet (type accident nucléaire, attentat d’Al Qaida, coupure des cables transatlantiques, bulle Internet) ne se produise pas…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
My 2 cents, pour les backups, l’excellentissime Crashplan de Code42; pour le mail of course gmail; pour les documents, tout depend du type, je dirais plutôt SlideRocket pour les presentations, et Zoho ou Offfice Live pour les docs et les tableaux. et pour palier la coupure internet, une redondance 3G… et un onduleur pour l’energie toujours encore nucléaire 😉