Reportages en Israel

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Témoin des grands événements du siècle dernier, Joseph Kessel a effectué trois longs voyages en Israel, en temps que grand reporter, notamment pour France-Soir. De cette expérience et des récits qu’il en a laissé, les éditions Arthaud ont tiré une compilation passionnante, intitulée Reportages en Israel. On y retrouve des textes classés en trois périodes. Celle du début des années 20 avec les pionniers qui posèrent les fondations économiques et agricoles de ce qui n’était alors qu’un « foyer national », selon les termes de la déclaration Balfour. Puis celle de la guerre d’indépendance, qu’il couvre en se rendant en Israel au lendemain de la proclamation de l’indépendance du jeune état (ce qui lui permettra d’obtenir le visa No 1). Enfin, celle du procès d’Eichmann, au début des années 60. Le livre contient, enfin, une dernière section composée de portraits, collectés après la guerre des 6 jours.

Juif d’origine lithuanienne né à la fin du siècle précédent, Kessel connaissait la condition misérable des juifs d’Europe de l’Est et de Russie. Ardent défenseur du sionisme, il livre, dans la première parties, un témoignage élogieux durant les deux premières parties, rappelant la désolation des terres rachetées par les pionniers, et les efforts colossaux fournis pour les rendre fertiles. Kessel est aussi complètement subjugué par la transformation opérée sur ces juifs qui ont tout quitté pour se lancer dans ce projet hasardeux.

La seconde partie décrit les premières semaines de combat, et les conditions terribles dans lesquelles se sont retrouvés les kibboutz situés à la frontière avec les pays arabes, lancés dans une attaque conjointe pour anéantir l’état qui venait de naître, sans respecter le moins du monde le vote de l’ONU qui avait conduit à sa création.

La troisième partie est, pour moi, la plus étonnante. On y suit quasiment jour après jour les principaux moments du procès de l’ancien dignitaire nazi, en charge de la solution finale, à l’exception des témoignages des survivants ou de leurs familles. Car ce qui intéresse au plus haut point Kessel, c’est la relation entre l’accusé, le juge, et les avocats. Comment l’argumentaire est construit, comment Eichmann semble tenir tête à toutes les accusations, arguant du fait qu’il ne faisait qu’obéir aux ordres. Jusqu’à ce qu’il finisse par admettre sa responsabilité dans ce qu’il qualifie lui-même comme le plus terrible massacre.

Livre touchant, écrit avec le style impeccable dont a toujours fait preuve ce talentueux écrivain, ces Reportages en Israel constituent un excellent témoignage sur cette période que beaucoup de personnes cherchent à déconstruire, pour ne pas dire réécrire…

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