Réflexions sur la question Moix
Depuis une dizaine de jours, la France ext partagée en trois: ceux qui soutiennent Yann Moix, ceux qui le condamnent, et ceux qui n’en ont rien à foutre. Je me rangeais jusqu’à hier soir dans la troisième catégorie: le passage de Yann Moix dans l’émission On n’est pas couché conforte mon choix.
De quoi s’agit-il? Le sieur Moix, écrivain de son état, occupe le devant du terrain médiatique depuis quelques années déjà. Doté d’un certain talent aussi bien littéraire qu’oratoire, le bonhomme n’a pas sa langue dans sa poche, et a officié pendant quelques années comme chroniqueur dans l’émission phare de la télévision publique, le samedi soir. Il s’est déjà fait remarquer par des sorties assez mal placées, notamment sur les femmes de 50 ans qui ne le défendront pas, sur ce coup-ci, c’est certain.
À l’occasion de la sortie de son dernier livre, Orléans, Yann Moix se retrouve pris dans une tourmente médiatique d’une certaine ampleur. D’abord accusé par son propre frère d’avoir été le véritable bourreau dont il est question, voici que des dessins et des textes racistes et antisémites signés de Yann Moix alors qu’il était étudiant à Sup de Co Reims, sortent dans la presse.
Stupeur et scandale ! Qu’on découvre l’antisémitisme d’une personnalité du PAF, ce n’est pas nouveau: Dieudonné est passé par un tel parcours. Mais ce qui surprend, ici, c’est que le chemin parcouru par Yann Moix est le chemin inverse. Ces derniers temps, notamment dans l’émission de Ruquier, Moix a adopté une posture plutôt rare ces dernières années, de soutien inconditionnel à la communauté juive et à l’état d’Israël, allant même jusqu’à être l’un des seuls à soutenir le déménagement de l’ambassade américaine à Jerusalem et à établir le lien entre antisémitisme et antisionisme !
Quelle carabistouille ! Il faut dire qu’un antisémite devenu philosémite, ça ne court pas les rues. Quelle posture adoptée? De part et d’autre on consulte les écrivains, les philosophes, les historiens, les spécialistes de l’antisémitisme capables de nous éclairer sur un tel paradoxe. Après les maranes, ces crypto-juifs, serions-nous en présence du premier cas de crypto-antisémitisme? Moix serait-il un faux converti au sionisme? Un espion au service des fachos ? Tremblants d’effrois, certains se sont même mis à chercher ce que l’intéressé avait dit sur Céline, archétype écrivain antisémite, qu’on ne peut soupçonner, lui, de conversion sur le tard à la cause juive. Et de tomber avec stupeur sur ceci:
Enfer et damnation, c’était bien sûr ! Fan de Céline, caricaturiste minable des cahier d’Ushohaia, Yann Moix nous aurait donc trompés, manipulés, induits en erreur, emberlificotés. Bref, un canular vieux de 30 ans. Inadmissible, non? Une épée de Damoclès qui tient 30 ans, ce n’est plus une épée de Damoclès: c’est un élément du décor.
Pourtant, il ne faudrait pas tomber dans de tels travers. Bien plus que l’erreur de jeunesse, c’est au principe même du repentir qu’il faut faire appel pour comprendre le passage de Yann Moix, rappelons-le en pleine promotion d’un récit autobiographique controversé, chez son compère Ruquier. Mal rasé, visiblement troublé, le trublion du PAF a encore une fois essayé de nous baratiner, mais sans succès. Moix Yann a essayé une fois encore de faire du Yann Moix, mais passé sur le siège de l’invité controversé du soir d’ONPC, Yann Moix est redevenu un personnage assez commun, bourré de contradictions (comme vous et moi, n’est-ce pas?) et incapable de nous convaincre dans un sens comme dans l’autre.
Peu importe, au fond, que Moix soit un défenseur de Faurisson ou de Trump. On aimerait simplement qu’il cesse de dire du mal des uns et des autres, et qu’il se range du côté de ceux capables d’émettre des idées sans se payer la truffe de son prochain.
Et s’il veut véritablement faire mea culpa, il n’a qu’à se convertir, s’installer du côté de Natanya et démarrer un Oulpan. Je suis certain qu’avec le temps, il trouvera un créneau de choix sur une chaîne de la télévision publique israélienne. Il arrêtera de nous bassiner à coups de citations de Gide ou de Peguy, citera plutôt Roth, Agnon et le Rav Kook, et aura tout loisir pour trouver un excellent psychanalyste du côté de Bograshov. Il pourra peut-être, avec le temps, retrouver une certaine joie de vivre.
Les téléspectateurs français y perdront un grand spécialiste des juifs et de l’antisémitisme. Les téléspectateurs israéliens, eux, y gagneront l’arrivé d’un grand spécialiste du canular.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec