Rafales sur Rio
No, ce n’est pas le titre du dernier opuscule Tanguy & Laverdure, ni la suite du dernier OSS 117. C’est simplement l’annonce, cette nuit, que des négociations commerciales allaient démarrer, entre l’armée brésilienne et le groupe Dassault Aviation, en vue de l’acquisition de 36 avions de combat Rafale. Comme de coutume, cette annonce requiert analyse et circonspection.
C’est une bonne nouvelle
Depuis le temps qu’on essayait de le vendre à l’étranger, c’est peut-être la fin d’une malédiction propre à cet admirable avion de combat, conçu par le groupe dirigé par Charles Edelstenne, patron du GIFAS. Après les Emirats Arabes Unis, le Maroc, et j’en passe, le Brésil pourrait enfin démontrer aux autres pays qu’il n’y a pas que les constructeurs américains sur le marché de l’aviation militaire. Et que les jets « made in Dassault » valent largement les F16, F16, F22 et autres F35, même s’ils ont moins souvent l’occasion de démontrer leur valeur sur le terrain que leurs concurrents. Que voulez-vous, nous avons la chance de vivre dans une relative paix, et les rares zones de conflits où la France est engagée n’ont, jusqu’à présent, que rarement donné l’occasion au Rafale de s’exprimer. Contrairement aux avions américains…
C’est un effet d’annonce
L’un des grands défauts de « l’administration Sarkozy », c’est de fonctionner à coup d’annonces. Quitte à ce que quelques semaines ou mois plus tard, l’opinion publique soit informée qu’en raison de ceci ou decela, et bien on a dû faire machine arrière, et que ce qui était annoncé n’aura finalement pas été signé. C’est un des grands risques de l’annonce d’hier soir: après tout, le Brésil n’a toujours pas signé. Il s’apprête tout juste à entamer des négociations commerciales. Un peu comme si en entrant en terminale, vous annonciez à vos parents : « ça y est, j’ai le bac! ». Un peu court, jeune homme.
C’est un échange de bons procédés
En relisant bien les informations publiées dans la presse, on apprend qu’il s’agit en fin d’un accord donnant-donnant: tu achètes 36 Rafales,et je t’achète une dizaine de C-130 Hercules, pour 500 millions d’euros. Soit, pas sûr que l’état français y perde au change, le coût unitaire d’un Rafale étant équivalent à celui d’un C-130. En revanche, là où c’est plus surprenant, c’est tout ce ramdam autour de transferts de technologies. Le Brésil fait certes partie, avec l’Inde, la Chine et la Russie (les fameux BRIC) de ces payes dotés d’une réelle infrastructure industrielle. Mais il est, de longue date, présent sur le secteur aéronautique avec la société Embraer, déjà impliqué dans des discussions avec Dassault. Et client Dassault depuis bien plus lontemps.
Bref, au-delà de l’annonce, il faudra attendre encore quelques mois pour que la vente de Rafale à un pays étranger soit un fait établi. Ironie de l’histoire, cette première vente aura été réalisée par le président Sarkozy, et non par son prédécesseur, proche de la famille Dassault et autrefois meilleur VRP de France.
Enfin, notons que le Brésil n’est pas plus engagé dans un conflit militaire que la France, et que même s’il se dote de nos merveilles volantes, il y a encore peu de chance qu’on voit un Rafale descendre deux ou trois adversaires en combat aérien…
Question subsidiaire: doit-on dire Rafale brésilien ou rafale brésilienne? Cela dépend si l’on se trouve à Rio ou à Boulogne.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Ce qui est curieux est que lorsque j’ai vu le Rafale chez Dassault à la fin des années 80, j’étais persuadé que c’était une vieille technologie. Je suis probablement un héritier de la guerre froide et de sa surenchère technologique.
Quant aux méventes de Dassault, je pense qu’elles sont politiques: Dassault n’est pas entré dans le consortium européen, ce qui lui a fermé le marché de l’Europe, et partout ailleurs l’Amérique a un poids politique que n’a pas la France (en outre j’imagine qu’il doit y avoir des effets d’échelle qui font que les F16 ne sont pas être très chers).
Finalement, il semblerait que l’avenir de l’aviation soit le drone…
Le drone – ou plutôt l’UCAV – a effectivement un bel avenir. Dassault Aviation a, semble-t-il, tiré les leçons de son isolement européen, en participant au programme européen de drone de combat: nEUROn. J’ai eu le plaisir de participer à l’un des projets nEUROn il y a quelques années. Mais de là à le voir évoluer dans le ciel européen…
Il y a quelques années, je me demandais si Dassault n’allait pas perdre son savoir-faire, à force de ne pas vendre d’avions de combat (ou uniquement à la France). Les UCAV peuvent-ils être un moyen à bas coût de développer des compétences intéressantes? (J’observe qu’Israël, qui est un petit pays, a l’air d’être un des meilleurs du secteur.)
Il semble aussi y avoir des applications civiles: à quand un suivi du tour de France par UCAV? (à quand l’utilisation par ton concours de photos aériennes d’UCAVs?)
Développer des UCAV à la Dassault n’a rien à voir avec le savoir-faire israleine en matirèe de drones d’observation. Les UCAV de DA sont des avions de combat de la dimension d’un Rafale, simplement sans pilote. Donc capables d’effectuer des figures qu’aucun être humain ne pourrait supporter. Mais ils embarquent système d’armes etc. comme un véritable avion de combat.
Le savoir-faire israelien tourne plutot autour des drones d’observation. Cela date de la première guerre du Liban (1982). A l’époque, je me souviens avoir visité un hangar à l’aeroport de Lod où un ami de mon père, ingénieur aeronautique là-bas, nous avait montré l’un des premiers drones: pas plus grand qu’un modèle réduit, doté d’une caméra rudimentaire, et déjà équipé d’une station au sol complète. De nos jours, cela a dû se complexifier un peu, sans doute.
Ne serait-il pas mieux de se placer sur le marché du petit UCAV : ça doit être moins politiquement pipé que l’avion de combat ; ça permet peut-être de développer des compétences à peu de coût, et sans avoir besoin d’enchaîner les « contrats du siècle »?
D’ailleurs l’avion sans pilote n’est-il pas la matérialisation des fantasmes de Dassault? J’ai failli travailler sur la navette Hermès, à l’occasion on m’avait dit que Dassault était le champion de l’avion piloté par ordinateur, qui ne plane pas (par exemple). Dassault avait proposé de faire une navette de ce type, ce qui semblait effrayer ses partenaires (la navette américaine plane – ce qui sauve Clint Eastwood dans Space cowboys me semble-t-il).