Papier hygiénique, excréments et lessiveuses : qui veut encore courir à Longchamp?
Depuis que je me suis mis à la course à pied il y a près de dix ans, j’ai adopté un parcours qui me permet d’accomplir des distances honorables, en sachant à l’avance combien il me faudra de temps: ce parcours consiste à accomplir des tours de l’hippodrome de Longchamp. Un, deux, trois et jusqu’à cinq tours. Certains parmi mes proches trouvent ce parcours monotone, et lui préfèrent le tour des lacs de la Porte Dauphine. Pas moi.
J’aime ce parcours, car il est suffisamment long (3,6 km) pour durer un peu moins de 20 minutes au rythme où je m’entraîne, et suffisamment court pour qu’en cas de grosse fatigue, je puisse revenir chez moi dans un délai raisonnable (c’est arrivé il y a un an, suite à un claquage). J’aime ce parcours, parce qu’il est ni trop accidenté (30 mètres de dénivelé), ni complètement plat. J’ai pris l’habitude d’y tourner toujours dans le même sens, le sens inverse trigonométrique: cela me permet d’entamer le tour par une longue descente d’environ 500m, puis d’enchaîner par du plat sur 1,5km en passant devant l’entrée des tribunes, récemment refaites, avant d’entamer la légère montée sur 800m et de finir par une descente rapide.
J’aime ce parcours, car il me rappelle mes courses passées, les bonnes comme les plus douloureuses. Je me souviens y avoir couru – et souvent plutôt marché – dans ma jeunesse, quand j’essayais de me mettre à la pratique du jogging, pour y renoncer rapidement, au profit du foot. J’aime ce parcours, parce qu’on peut y sentir l’odeur qui émane des rosiers à proximité du Moulin de Longchamp. J’aim ce parcours, parce que j’y cours à la fraîche, dans la clarté du petit matin en été, et dans l’obscurité totale des froides nuits d’hiver.
J’aime ce parcours, parce que j’y croise parfois des lapins ou des écureuils, mais plus souvent les mêmes coureurs: la petite dame âgée qui court doucement, affublée d’un châle, toute de blanc vêtue; le sexagénaire barbu qui fait toujours la gueule; la coureuse maigrichonne qui court en sens inverse, affublée d’un casque, en fermant les yeux; et d’autres dont je ne saurai jamais ni le nom ni les motivations.
J’aime tellement ce parcours, que j’ai accepté d’y courir même quand d’autres y ont renoncé. Quand la neige le recouvre au point de rendre la route dangereusement glissante; quand les lendemains d’orage, les flaques qui le parsèment le rendent parfois boueux; quand le nouveau propriétaire – est-ce le Qatar ou les Émirats Unis ? – a décidé de reconstruire les tribunes, et que des camions y défilaient; quand au printemps les arbres poussent et leurs branches déchirent nos visages; quand à la même époque des nuages de moucherons l’envahissent; quand sa chaussée, toute cabossée, recèle des milliards de pièges où entorses et chutes sont monnaie courante, n’est-ce pas mon ami Kople?
C’est pour cela, par amour pour ce parcours, que je ne peux plus supporter ce qui est en train de s’y produire: une lente et durable dégradation d’une partie du chemin qui longe l’hippodrome. Je m’explique.
Il y a quelques mois, la Mairie de Paris a décidé d’accorder un camping aux gens du voyage (à hauteur du premier kilomètre dans mon sens de parcours, avant l’entrée du practice de golf). Jusque là rien à redire, ces gens ont le droit de s’établir pour y poser leurs caravanes. Mais depuis, cette section du parcours est envahie de choses qui gênent tout le monde, au point de devenir dangereuses:
- tout d’abord, les poubelles, où s’amoncellent les ordures, poubelles non hermétiquement fermées, sur lesquelles s’abattent des hordes de corbeau. À chaque passage d’un coureur, ces animaux croassant sautent des poubelles au risque de faire chuter un coureur ou un cycliste – et Dieu sait à quelle vitesse ces gens là pratiquent leur sport, là-bas.
- ensuite, il y a ces immondices, répandues sur le trottoir, avec un pic le dimanche matin: capotes usagées (il y en a toujours eu au bois de Boulogne, mais en telles quantités, c’est à se demander ce qui s’y passe) et surtout, des amas de merde posés sur des Kleenex au milieu de la piste. J’ai même croisé, un matin, un type pas réveillé, qui me disait de faire un détour en moulinant des bras, avant de baisser son pantalon et de couler une magnifique bielle en direct
- et enfin, il y a ce phénomène dont je n’arrive pas à identifier la cause: des machines laver le linge posées en vrac, parfois éventrées. Il m’arrive d’en voir 4 ou 5 parfois. Ce matin, il n’y en avait qu’une. Pourquoi tant de machines à laver? Quel trafic peut bien se produire autour de ces engins? Y a-t-il des matériaux rares à récupérer? Des circuits électroniques à re cycler? Je n’en sait rien et je m’interroge…
Vous l’avez compris, j’aime courir à Longchamp.
Mais courir entre les merdes, les corbeaux et les machines à laver, c’est un plaisir dont je vais rapidement me passer.
Si vous connaissez du monde à la Mairie de Paris, faites leur coucou de ma part, et envoyez-leur ce billet. Les collectionneurs de machine à laver vous remercieront.
Découvrez d'autres articles sur ce thème...
Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
bel hommage à longchamp !
Comme toi, j’ai usé pas mal de semelles autour de cette anneau et je suis désolé de voir cette évolution.
La tendance n’est pas bonne carle propriétaire de longchamp développe de nombreux événements (festival de musique, soirée le jeudi soir …) qui produisent de nombreux déchets autour de l’hippodrome. J’espère que la mairie de Paris réagira.
Ce billet est-il une façon efficace de conduire le changement ? La mairie a réussi un coup double. Elle fait une bonne action, tout en emmerdant le bourgeois. Ton billet montre qu’elle a réussi.
Si tu veux faire changer les choses, il faut étudier l’anthropologie et mobiliser les forces sociales qui ont intérêt au respect de l’ordre public.
Bonjour
Je viens de découvrir par hasard et tardivement votre blog et surtout le sujet concerné. Cela m’a rassuré car je croyais être le seul à m’offusquer de cette situation hallucinante.
Je cours à Longchamp depuis une quinzaine d’années, pour les mêmes raisons que celles que vous évoquez et que je ne pourrais pas mieux décrire. J’y cours presque tous les samedis et tous les dimanches. Nous avons du certainement nous croiser plus d’une fois. Je n’ai pas renoncé à l’endroit bien que l’état dans lequel je le retrouve me déprime. J’ai pris récemment quelques photographies qui attestent de l’insécurité et de l’état de saleté à l’entrée et autour de l’aire d’accueil. J’aurais aimé les copier dans ce message mais je n’y arrive pas. Dommage. La situation ne s’est guère améliorée depuis votre publication. Cela finira fatalement par un accident avec les cyclistes puisqu’il n’est parfois même plus possible de rester sur le chemin des coureurs qui est encombré par des poubelles et immondices en tout genre (et toujours des machines à laver) . Il faudra peut-être attendre cela pour voir les choses bouger.
L’aire a été évacuée temporairement la semaine dernière sur un arrêté de la mairie de Paris. C’est ici page 2169. https://cdn.paris.fr/paris/2020/07/10/5115d479211afb30fe1acab99aeea102.pdf
La raison officielle en est la remise en état des infrastructures détériorées (comme l’année dernière? ). L’aire devrait être de nouveau ouverte le 8 octobre. Ca tombe bien: juste après la grande manifestation que constitue le Prix de l’Arc De Triomphe (ou Qatar Prix de l’Arc de Triomphe).
En attendant c’est à peu près propre. J’y étais ce matin.
Vous avez 15 jours pour en profiter.
Merci encore pour votre témoignage
Merci, ça fait du bien de savoir qu’on n’est pas le seul à trouver cette situation hallucinante
bonjour j ai couru vers 12h30 ce matin et je suis tombée comme une M____e je voulais remercier une femme coureuse qui s est arreteé et m a demander si j allais bien et du coup m a montrer un robinet tres proche , quelques égratignures genou coude main rien de grave merci a vous madame
Désolé pour vous, malheureusement, ce qui devait arriver arriva. c’est le moment de porter plainte contre la Mairie de Paris…