Qui fabrique les playlists des supermarchés ?

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À chaque fois que je rentre dans un supermarché, une boutique ou un commerce de taille quelconque, je fais d’abord attention à une chose : quelle musique est diffusé dans cet établissement où je m’apprête à passer quelques minutes. Je ne peux rien y faire, c’est dans mes gênes, mes oreilles fonctionne avant mes yeux ou mon nez. J’ai besoin d’identifier les lieux par leur ambiance sonore. Je ne pense pas être le seul dans ce cas, et je vais finit par créer un jour ou l’autre une association des mélomanes de supermarché.

Il y a bien sûr des établissements qui se contentent de diffuser une station de radio à longueur de journée. C’est souvent le cas dans les magasins de vêtements ou des salons de coiffure, branchés sur NRJ, Fun Radio ou MFM. Ceux là ne font clairement pas le choix d’une identité musicale, et ne se cassent pas la tête à sélectionner les titres qui permettront de mieux définir leur identité sonore. Et il y a aussi des établissements qui décident de ne pas diffuser de musique du tout, parce que la direction ne le souhaite pas ou parce que cela ne se fait simplement pas.

Mais il y a tous les autres, qui font le choix de playlists complètement assumées. Et c’est de ceux-là dont je veux parler ici. Car c’est que l’ambiance musicale définit, tout autant que la décoration ou la catégorie de prix, le commerce qui vous accueille. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’on revient pour la musique qu’on a pu un jour y entendre. Et je pense même qu’il y a des lieux qu’on finit par ne plus fréquenter à cause de la musique qu’on y diffuse.

Au-delà du type de musique, une question me turlupine jour après jour : qui conçoit ces playlists ? Sont-ils payés pour cela ? Et sur quelle base choisissent-ils les titres qui vont s’inscrire dans notre mémoire et parfois nous hanter pour le restant de la journée.

Cette question, je me la pose à chaque fois que je pénètre dans ces établissements, et j’ai fini par poser la question au personnel de trois établissements qui m’on largement charmé par leur ambiance sonore.

Franprix, ne cherchez pas plus loin

Commençons par le supermarché Franprix à deux pas de chez moi, un supermarché Franprix comme on en trouve quasiment à chaque coin de rue en région parisienne. Leur playlist, constituée de variétés modernes, en français ou en anglais, fait clairement le choix d’un éclectisme de bon aloi. On y entend des tubes des années 80 comme des titres plus récents, avec une variété appréciable, qui fait qu’on passe un bon moment dans un tel supermarché. Si, vraiment. J’ai même assez souvent Shazamé des titres entendus au moment de choisir une marque de café, ou de passer en caisse. Et un jour, j’ai fini par poser la question à la jolie caissière qui m’annonçait que le montant total de mes achats s’élevait à 19,77 euros, et me demandait comment je comptais payer. Je lui répondis alors que j’entendais payer en carte, mais que je me demandais surtout qui avait conçu la playlist. Ce à quoi elle fut totalement incapable de répondre.

Déçu, je fis alors un détour sur Internet pour trouver une réponse à ma question. Je fus alors étonné de constater que quelques utilisateurs (Martacabello, Nathan Benichou) de Deezer ou de Spotify avaient, comme moi, fini par créer leur propre playlist dénommée Franprix. J’étais donc sur une bonne piste. Hélas, je ne trouvais rien de plus convaincant, ni sur Twitter, ni sur le site de cette franchise.

Vos courses Casher depuis chez vous

Le deuxième exemple de playlist qui frappe, c’est le magasin Hypercacher à deux pas de chez moi. Hypercacher, tout le monde ou presque, en France, connaît cette marque, depuis les tragiques événements qui se sont déroulés dans le magasin de la porte de Vincennes, il y a tout juste dix ans. Il se trouve que le magasin Hypercacher de Boulogne diffuse de la musique en continu. Mais pas n’importe quelle musique. Vous n’écouterez ni musique classique, ni tubes en français ou en anglais, ni même de la musique israélienne.

Non, dans mon Hypercacher, vous entendez des chants en hébreu, parfois adaptés de mélodies occidentales transposées dans un univers « juif », avec des paroles tirées de psaumes ou de la liturgie religieuse, des poèmes liturgiques, des chants hassidiques. Au début, ça peut passer,.Mais au bout de quelques minutes, les mélodies qui s’apparentent plus à des ritournelles qu’à autre chose, finissent par vous hanter. Et en sortant du magasin, vous pouvez être certains que vous allez passer les prochaines heures à siffloter le chant de chabbat que vous venez d’écouter en passant en caisse.

Pour un client, c’est déjà un peu fatiguant. Mais pour le personnel en caisse ou dans les rayons, je me suis dit que cela pouvait devenir un peu agaçant. Je suis donc allé voir le gérant du magasin Hypercacher à côté de chez moi, pour lui demander s’il était responsable des playlists, et s’il ne pouvait pas changer de temps en temps. Vous n’imaginez pas quelle fut sa réaction… Son visage se décomposa, exprimant à la fois une forme de dépit et de souffrance contenue, puis il finit par m’expliquer qu’il n’avait aucune liberté sur le choix des playlists, qui lui étaient imposées par la direction centrale. Qu’il souffrait tout autant que nous, ses clients (à mon avis, beaucoup plus), et qu’à la fin de la journée, il n’en pouvait plus du Avinou, Malkeinou écouté pour la 783e fois.

Je comprenais parfaitement ce qu’il était en train d’exprimer. Et pour tout vous dire, c’est un peu par pitié pour ce brave homme que j’ai décidé de rédiger cet article, en espérant qu’un jour le responsable des playlists à la direction centrale des magasins Hypercacher aura pitié de nous…

La playlist de la pharmacie Victor Hugo

S’il y a un lieu que je vous recommande de fréquenter pour la qualité des playlists qu’on y diffuse, c’est bien la pharmacie Victor Hugo, à Boulogne. C’est rare, de tomber sur des pharmacies qui diffusent de la musique, et encore plus de tomber sur une qui diffuse de la bonne musique. Mais dans celle-ci, c’est le cas. Et pas n’importe quelle musique. Imitant Baudelaire, on pourrait même dire que Là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et bonne santé.

On s’y sent bien.

D’abord, le volume sonore n’est pas trop élevé. Juste ce qu’il faut pour reconnaître l’air qui flotte derrière le comptoir, sans être intoxiqué par les paroles ou les instruments trop sonores. Ensuite, c’est varié. Pour pouvez entrer le matin et écouter une sonate de Chopin, revenir le midi et être accueilli sur un air de jazz, pour enfin passer une dernière fois en fin d’après-midi et vous faire surprendre par des airs de variété française, ou d’anciens tubes de Clapton.

Derrière cette playlist se cache un employé modèle de la pharmacie Victor Hugo, un troubadour au service de l’immense communauté des victimes de la grippe et des adeptes des pastilles Valda. Avec sa fine moustache taillée à l’anglaise, ce mélomane averti scanne votre ordonnance, insère délicatement vos trois boîtes de Doliprane dans le petit sachet offert en cadeau, ou vous indique l’emplacement des crèmes anti-moustique avec l’humour, la gentillesse et l’enthousiasme d’un disquaire de la Fnac. Ce mec et génial.

Que conclure ?

Voilà, j’arrive au bout de mon article, et j’espère avoir réussi à vous convaincre que dorénavant, en allant fair evos courses, vous devriez ouvrir vos oreilles aussi grand que votre portefeuille. La musique adoucit les moeurs. En ces temps inflationnistes, il se pourrait même qu’elle adoucisse les prix.

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