Quelques remarques intéressantes de Christian Saint-Etienne
Je n’ai pas pu assister à la dernière conférence du groupe X-Sursaut, à laquelle était convié Christian Saint-Etienne. Mais j’en ai reçu un excellent compte-rendu, dont deux ou trois phrases ont attiré mon attention. Je me fais un plaisir de les partager avec vous:
- Sur le plan sectoriel la France souffre de nombreux handicaps comme par exemple son incapacité à mettre en œuvre des cycles de production de 18 mois qui l’empêche de valoriser son avance intellectuelle dans bien des domaines. Ainsi la France est passée à côté de la révolution numérique alors que l’ordinateur portable et le téléphone portable y ont été inventés, mais n’ont pas pu y être industrialisés. En France seuls les processus industriels étalés sur plusieurs années sont possibles avec le soutien l’État : TGV, centrales nucléaires, fusée Ariane, etc. Absolument exact. Et je me demande si ce n’est pas simplement dû au fait que pour mener à bien un projet de 18 mois ou plus, il faut être un grand groupe industriel, et qu’en général, passée une certaines tailles, les grands groupes français sont des lieux où l’on s’entre-déchire au lieu de collaborer.
- Du point de vue systémique la France est incapable de faire grossir ses PME alors qu’elle fait part égale avec les autres pays pour le taux de création de PME et pour leur développement jusqu’à un effectif de 30 personnes. Pas faux non plus, on a d’ailleurs tendance, chez nous, à proposer des aides au développement, plutôt que de faire tomber les barrières qui empêchent un tel développement. En gros: faites le parcours d’obstacles, on vous aidera à passer certains.
- Il faudrait …rendre l’IS progressif, avec un taux de 15 % sur le premier million d’euros. Quelle excellente idée!
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Quelques réflexions :
1) Je crois que notre grand problème national est d’être incapable de mettre en oeuvre nos idées: on veut tout, tout de suite, sans se demander de quels moyens on a besoin pour atteindre nos objectifs. D’où des projets bancals. On accuse ceux qui y participent d’incompétence (cf. universités), alors qu’ils font des miracles avec une insuffisance de moyens.
2) Critiquer la France est un autre sport national. Avant de critiquer, il serait bon de voir d’où nous venons. Traditionnellement la France était une bureaucratie d’état. L’état était une sorte de super entreprise, qui planifiait la production et les moyens qui lui étaient nécessaires (TGV, nucléaire, fusée, téléphone, autoroutes…) et répartissait les profits entre ses citoyens ; le secteur privé servait de « tampon », de variable d’ajustement (cf. Michel Crozier). La PME avait une très grande force: elle avait une structure de coût très faible: elle était totalement intégrée dans la grande entreprise, son dirigeant- surhomme occupait un très grand nombre de fonctions…
Cette structure s’est transformée pour donner plus d’autonomie à l’entreprise. L’état s’est éloigné, les grandes entreprises, ses bras armés, ont essayé de se réinventer en grands champions du capitalisme (cf. Le Crédit Lyonnais, FT, Thomson), et les PME se sont retrouvées orphelines, souvent victimes des services achats des grandes sociétés, qui voyaient dans cette sous-traitance confiante, une proie sans défense.
Tout ce système est en train de se réinventer.
3) Est-ce que les investissements à très long terme sont du ressort de l’entreprise (du marché) ou de l’état? Je ne vois pas beaucoup de gros investissements à très long terme faits par l’entreprise étrangère. Sauf peut-être dans des pays « protectionnistes » (cf. L’Allemagne et l’énergie solaire). J’ai plutôt l’impression que les grandes innovations sont venues des guerres, pendant lesquelles l’état dirigeait l’économie d’une main de fer et dépensait sans compter. Il est possible que les catastrophes écologiques prochaines soient un des grands moments de l’innovation mondiale. Réjouissons-nous.