Pourra-t-on s’aimer encore longtemps ?

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Depuis quelques jours, je me demandais quelle nouvelle allait ébranler les premiers jours de l’année 2025. J’avais beau scruter le journal télévisé, la presse et les réseaux sociaux, rien de particulièrement menaçant ne semblait poindre à l’horizon. Mais hier soir, j’ai commis l’erreur – une erreur que je commets tous les samedis soirs depuis plus de vingt ans – de mettre France 2 vers minuit, et de tomber sur Quelle Époque, l’émission hyper gnan gnan présentée par Léa Salamé et Christophe Dechavane.

Et là, la nouvelle choc de la rentré est tombée.

Ce fut Philippe Caverivière qui l’annonça. Le comique qui officie depuis quelques temps tous les matins sur RTL et sur France 2 le samedi soir n’est pourtant pas le plus terrible des Oracles. Sa revue hebdomadaire de l’actualité politique ou sociétale est en général relativement drôle, avec une petite pointe de vulgarité là où il faut, juste pour ne pas paraître trop fade à cette heure avancée de la nuit.

Mais hier soir, il annonça une nouvelle à côté de laquelle j’étais passé. Une nouvelle bien triste, qui me propulsa d’un coup quelques décennies en arrière, et me fis revivre en un instant les dizaines de mariages, bar et bat-mitzvah auxquelles j’avais assisté, sans me douter que je participais, involontairement à un délit. Complice auditif d’un crime odieux, qui avait pris, durant toutes ces années, l’allure d’une ritournelle un peu bêtasse, mais à laquelle j’avais fini par céder, ne pouvant me promener avec des bouchons additifs à toutes les fêtes auxquelles j’avais été invité.

Cette nouvelle, je vous la livre dans les lignes qui suivent.

Attendez-vous à un choc.

Asseyez-vous, prenez un thé chaud.

Ou une tisane, c’est peut-être plus approprié.

Respirez pronfondément.

Ça y est, vous êtes prêts ?

Alors lisez calmement ceci.

Gilbert Montagné a été condamné pour plagiat pour sa chanson : On va s’aimer.

Ça va, vous tenez le choc ?

Moi, ça ne va pas trop.

Rien que de l’écrire j’en ai encore des frissons.

Alors je vais passer, rien que pour m’aider à sécher mes larmes.Vos larmes. Nos larmes.

On va s’aimer, par Gilbert Montagné.

Putain de putain de putain de merde !

Comment avons-nous pu nous faire berner à ce point ! On va s’aimer ne serait donc pas la chanson géniale que nous pensions, issue de la collaboration exceptionnelle de ce talent de la chanson – Gilbert Montagné 73 ans – et de son parolier – Didier Barbelivien, 70 ans – mais le résultat d’un incroyable plagiat ? Les bras m’en tombent, de chaudes larmes coulent sur mes joues creusés de ridules, et je ne crois plus en rien depuis hier soir…

Enfin, me ressaisissant après une insomnie magistrale qui ne prit fin que deux minutes avant que le réveil familial ne sonne, sur un air de Patrick Bruel, je pris la décision d’en savoir plus et finis par consulter Internet, source de toutes les informations, des fausses comme des vraies. Et j’eus alors la terrible confirmation de l’annonce de la veille, sous la forme d’un article du Figaro, daté de mi-décembre 2024 – il faudrait que je songe à me réabonner à un quotidien national, mais à qui confier ses croyances fondamentales, depuis que l’on sait ce que l’on sait sur les références de la presse nationale ?

J’y appris ainsi que l’affaire concernait un chanteur italien, un certain Gianni Nazzaro. Et une chanson intitulée Une fille de France. Que l’affaire durait depuis de longues années, depuis 26 ans selon cet article. J’y appris aussi que l’avocat du chanteur entendait faire appel de la décision de justice. Mais j’y appris aussi quelque chose de plus étonnant : que ces deux chansons avaient été écrites par le même parolier, Didier Barbelivien. Qui, ne pouvant se faire un procès à lui-même pour plagiat – on le comprend aisément – se trouver au milieu d’un bel imbroglio franco-italien, auprès duquel l’affaire STX ou l’OPA d’Enel sur Suez ne seraient que de petites broutilles…

Ceci me donna envie d’en savoir plus. Je me mis aussitôt en quête de la-dite chanson italienne, que je vous propose d’écouter, afin de vous faire votre propre idée.

Voilà, avouez que c’est proche, mais quand même pas tout à fait identique. De là à porter plainte, il y a un pas qu’on ne saurait franchir sans une réelle envie de nuire à notre Montagné national… Mais pourquoi ? Et d’où peut bien venir une telle envie de réduire en poussière nos heureux souvenirs de bar-mitzvah, nos danses endiablées, sur une étoile ou sous un ciel doré ? Le sieur Nazzaro aurait-il été oublié de la liste des invités du mariage Bensoussan de mars 1985 ? Aurait-il un peu forcé sur le Sunlights des tropiques ? Ou aurait-il le Blues de toi ?

On ne sait pas très bien, sûrement un mélange de tout cela…

Mais une chose est certaine : On va s’aimer ne sera plus une chanson aussi innocente qu’elle fut auparavant…

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