Pour la batterie, l’essence, …
J’ai déjà évoqué, il y a quelques semaines, mes doutes relatifs aux contraintes imposées par le temps de charge des véhicules électriques, et notamment sur les longs trajets estivaux. Une rencontre fortuite sur un trajet Genève-Paris en voiture m’a largement conforté dans le sens de ma réflexion initiale.
Nationale 7…
Genève-Paris, par la route, c’est environ 550km, un peu plus de 6 heures de trajet, en faisant 2 pauses. Lors de la première halte, alors que je faisais mon plein, je remarquais une demi-douzaine de bornes de recharge pour batteries électriques, encore en cours d’installation, rendues inaccessibles à l’aide de ces rubans rouges et blancs qui délimitent un périmètre interdit. « Fichtre », me dis-je, « la transformation est en cours, il serait intéressant d’interroger l’utilisateur d’une de ces bornes de recharge… »
Le hasard voulut qu’en effectuant ma seconde halte, je tombe sur une station dont les bornes de recharge étaient fonctionnelles. Sur le devant de ces bornes, on voyait indiqué un nom de marque, Ionity. Un rapide coup d’oeil aux bornes montrait également qu’elles étaient équipées de trois types de connecteurs, et qu’un tarif était inscrit : visiblement, la recharge n’est pas gratuite…
Vroum vroum
Deux voyageurs étaient en train de charger leurs véhicules. Le temps de prendre un café, et l’un des deux avait déjà fini sa recharge. L’autre était debout, à côté d’une superbe Tesla rouge, visiblement en manque de discussion. Je m’approchai donc de lui, pour lui demander à brûle-pourpoint combien de temps durait une recharge, et combien cela coûtait.
« Je n’en sais strictement rien », me répondit-il, « ce véhicule ne m’appartient pas, un ami me l’a prêté, et honnêtement, c’est un véritable bordel au niveau de la gestion des recharges ». Je sentis qu’une longue et passionnante discussion allait avoir lieu : je n’ai pas été déçu. Mon interlocuteur, un homme d’affaires d’une soixantaine d’années, avait emprunté la Tesla de son ami pour un aller-retour à Genève. Il comptait rentrer sur Paris avant 20 heures, mais visiblement c’était mal barré…
« Le problème », ajouta-t-il, « c’est que c’est franchement un superbe engin, plus fougueux qu’une Ferrari, et bourré d’assistants intelligents, comme l’ouverture automatique de la portière du conducteur dès qu’il s’approche, ou le freinage automatique si un véhicule pile devant vous. C’est génial, mais en réalité, on ne s’en sert pas si souvent. En revanche, la fonctionnalité indispensable, c’est celle qui concerne la recharge du véhicule, et là c’est le bordel ! »
Mon interlocuteur était parti avec un véhicule déjà bien déchargé, et comptait passer par un super-chargeur sur l’autoroute A5. Manque de bol, il s’était trompé de sortie, et s’était retrouvé sur l’A6. Il ne lui restait alors plus que 90km d’autonomie, à ce moment là, et faire l’aller-retour vers la borne sur l’A5, c’était un détour de 80km qui le mettait en danger de panne.
L’enfer, c’est la voiture des autres
« À ce moment là, me dit-il, la panique s’installe. J’appelle mon ami, qui me dit d’aller recharger le véhicule sur une aire d’autoroute. Avec quel connecteur ? Débrouille-toi avec les adaptateurs dans le coffre, tout a été pensé pour. J’accepte sa proposition, je réduis la consommation et roule à 90km/h, toutes fenêtres ouvertes pour économiser sur la clim – il fait alors plus de 28 degrés – un comble pour un véhicule aussi luxueux… »
Au passage, mon interlocuteur contacte son assurance, pour vérifier ce qui pourrait se passer en cas de panne. On lui répond que ce cas n’est pas prévu dans sa police d’assurance, puisque son véhicule personnel est, lui, un véhicule à moteur thermique. Bonjour l’ambiance…
Bref, le voilà qui arrive sur cette aire de l’A6. Installé depuis 15minutes environ, la recharge lui donne environ pour 150km. « À ce rythme là, je ne suis pas prêt d’arriver à Paris avant 20 heures, une soirée foutue en l’air pour un simple problème de recharge de voiture, avec un plein d’essence, cela ne serait jamais arrivé ! »
« Bref », conclut-il, « je ne suis pas prêt d’acheter un véhicule pareil. Sur le papier c’est génial, dans la réalité, c’est un calvaire ». Et encore, me suis-je dit, tout ce qu’il m’a raconté, la planification du trajet, les appels, le stress de la panne, tout cela est arrivé alors qu’il conduisait. Pas génial pour la concentration au volant et la sécurité du conducteur…
L’angoisse de la panne sèche existe aussi avec les véhicules à moteur thermique, on ne va pas se mentir. Mais en cas de panne, on trouve toujours une station à une dizaine de kilomètres. Il suffit de remplir un bidon d’essence et de rejoindre cette station pour refaire le plein. Avec un moteur électrique, c’est une toute autre histoire.
N’allez pas croire que je suis devenu rétrograde, et fermement opposé au progrès. La voiture électrique est une révolution géniale, une innovation fantastique, à l’échelle d’une ville ou d’une région. Mais le problème, c’est le changement d’échelle. Et le véritable succès du transport, ce sont les longs trajets, pas uniquement les trajets urbains.
À suivre…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
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