Plug, baby plug

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La semaine qui s’achève a vu se tenir, à Paris, un sommet sur l’Intelligence Artificielle. Ce fut un riche sommet, selon la plupart des participants. Ce fut également l’occasion d’annoncer des investissements significatifs, avec l’aide de pays partenaires dont on pourra peut-être gloser, mais dont il faut bien tenir compte que s’ils ne le font pas avec nous, ils le feront avec d’autres. Et ce fut aussi l’occasion de rappeler le rôle que peut jouer la France dans le développement non seulement des outils, mais aussi des usages.

Cela fait maintenant presque 40 années que je me frotte à l’Intelligence Artificielle. J’ai eu le plaisir de suivre le DEA IARFAG durant ma dernière années d’études, et de participer au développement et à l’industrialisation d’outils s’appuyant sur de l’IA : systèmes experts intégrés dans CATIA, moteurs de recherche image basés sur des réseaux de neurones au sein d’EasyGlider. J’ai même, en tant que co-créateur de la collection des livres « expliqués à mon boss » accompagné la conception de l’Intelligence artificielle expliquée à mon boss par Pierre Blanc. Et comme des millions d’internautes, j’utilise depuis plus de deux ans divers outils d’IA générative, pour des usages multiples, essentiellement axés sur la conception de programmes informatiques. Tout cela ne fait de moi ni un expert ni un professionnel de l’IA, mais un professionnel averti, suffisamment familiarisé avec le sujet pour en apprécier les contours, discerner les opportunités et évaluer les risques.

Je ne crois pas, par exemple, à la disparition massive de millions de jobs à cause de l’IA. Je suis peut-être un optimiste né, mais 40 années d’expérience dans le numérique et le logiciel m’ont permis de jauger ces types de propos à l’aune des résultats : l’informatique ou la robotique étaient appelés de la même manière, il y a plusieurs décennies, à détruire de l’emploi. Dans les faits, cela a surtout permis à ceux qui en ont saisi l’utilité, de d’améliorer leur compétitivité ou de réduire les délais ou les coûts de production.

Je suis beaucoup plus circonspect, en revanche, sur certains dangers de l’Intelligence Artificielle, dès lors qu’on lui attribue un niveau de confiance trop élevé. Contrairement à une calculette qui ne sait que faire de l’arithmétique et fournir des résultats auxquels on peut faire confiance – et encore, on peut parfaitement se faire piéger par les erreurs induites par la représentation des nombres décimaux – les outils dont on parle peuvent parfaitement se tromper ou inventer des réponses. Voire, et c’est le cas avec des IA pilotées par des régimes autoritaires, qui n’ont pas le même souci démocratique que nous, fournir des réponses tronquées, incomplètes, orientées ou carrément censurées.

L’ouverture, la transparence, l’accès aux données d’entraînement, forment des pistes pour résoudre ces problèmes. Mais cela ne suffira probablement pas. Nous n’en sommes qu’aux balbutiements d’outils certes bluffants, mais qui continueront à nous surprendre durant les décennies à venir. Par l’intégration avec du hardware ainsi augmenté, par exemple, pour des usages personnels ou professionnels. Voire militaire. Et c’est la seconde menace liée à la démultiplication des usages de l’IA. La guerre moderne ne cesse de se moderniser, depuis près de trois siècles, grâce à la science, la plupart du temps. Il n’y a pas de raison que cela cesse, si nos adversaires, quels qu’ils soient, décident de s’occuper de moyens offensifs ou défensifs boostés par une IA.

Alors oui, ce sommet était nécessaire, et a renforcé la position de la France dans la bataille mondiale autour de l’IA. Avec des moyens inférieurs à ceux d’autres nations, mais bon, avant de se dire qu’on peut mettre plus d’argent sur la table, il faut aussi en disposer et effectuer les quelques réformes nécessaires pour appuyer sur le champignon.

La fête ne fait que commencer…

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