Pétain et l’histoire de la première guerre mondiale
En évoquant la mémoire de Philippe Pétain ce matin au sujet des commémorations du centenaire de l’armistice, Emmanuel Macron savait-il quels remous il allait créer au sein de la population française? Probablement: l’histoire de la hausse du diesel a d’un seul coup disparu de l’actualité. Mais, conséquence bien plus grave, ses propos ont provoqué des réactions de désapprobation unanimes de la part d’une bonne partie de la classe politique et de la communauté juive. Pour ma part, je reste circonspect.
Que les choses soient claires: Philippe Pétain m’écoeure. Il s’est avéré, au soir de sa vie, être une ordure, à la tête d’une bande d’assassins, qui ont livré la France à l’Allemagne nazie plutôt que de poursuivre les combats. Il ne mérite que dégout et rejet pour les crimes de guerre qu’il a contribué à légitimer, au nom d’une collaboration active avec les nazis. Rappelons que 75000 juifs ont été déportés depuis la France, et que seuls 3000 sont revenus des camps.
Mais Pétain est aussi cet officier supérieur qui, durant la première guerre mondiale, s’est distingué par un sens du commandement affirmé, une vision de la guerre moderne, une modération relative par rapport à d’autres officiers supérieurs quant à l’engagement du capital humain dans la bataille, et par le succès de la bataille de Verdun en 1916. À ce titre, sa place dans l’histoire de ce conflit ne peut être ignorée. Peut-on envisager un manuel d’histoire parlant de la guerre de 14-18 sans évoquer Verdun, Foch, Joffre ou Pétain? Peut-on commémorer le centenaire de la fin de cette guerre, qui fit, rappelons-le, près de 20 millions de morts, sans évoquer ceux qui ont mené à la victoire? Éradiquer Pétain de l’histoire de la première guerre, c’est faire preuve d’une forme de révisionnisme, qui doit être combattue. Car si l’on commence sur cette pente, quelle sera l’étape suivante?
Que le lecteur peu convaincu me comprenne bien. Il ne s’agit pas de réhabiliter Pétain, ni de rebaptiser des rues à son nom, ni d’honorer sa mémoire. Bien au contraire. Il s’agit uniquement de rappeler l’histoire – et à cette occasion, peut-être, les deux pendants de l’histoire. Il s’agit d’évoquer un fait historique avéré, ce que le chef de l’état a réalisé, en précisant la tournure que prit la carrière du maréchal après la débâcle. On pourrait même ajouter que le parcours de Pétain est devenu d’autant plus obscène, qu’on connaît le capital de sympathie sur lequel il put s’appuyer suite, justement, à la première partie de sa carrière.
PS: j’ai exprimé mon point de vue dans ces quelques lignes, et je sais qu’elles susciteront une certaine dose de désapprobation, que je respecte. Tous les points de vue humanistes sont acceptables, c’est l’objectif de ce blog de permettre de les exprimer. Mais si je laisse les commentaires ouverts, je n’hésiterai pas à les modérer, et à supprimer tout commentaire violent ou grossier, sur un sujet aussi sensible.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Juste analyse. Le but de l’Histoire est de décrire la chronologie des actes, les rôles déterminants à grande échelle ainsi que les états d’esprits associés.
Si l’on commémore un épisode (un centenaire en l’occurrence) il faut se mettre à la place des ancêtres de cette époque. Il est toujours tentant de ne pas rester objectif lorsqu’on connaît le « futur » mais on ne doit pas pour autant nier ce qui a été fait et ressenti à un moment donné. Transformer l’histoire en résumant une succession d’épisodes selon un point de vue final est dangereux car cela fausse l’analyse évolutive des différents contextes. Or celle-ci permet de mieux comprendre ce qui pourrait se reproduire. On ne peut fusionner le jugement final d’un personnage avec celui de ses différents actes impactant, ou en tout cas effacer certains rôles décisifs au regard de l’éducation historique.
Mais en effet si cela suscitera toujours les réactions, il faut conserver la réalité de chaque période.
L’indignité nationale suppose à mon sens un traitement particulier. Quant à mes deux grands pères qui étaient dans cette boucherie ils ne sont plus là pour donner leurs avis.
Et Macron, effectivement, change de sujet et tente de faire oublier le gazole, et le reste !
N.B. : voir le blog : Maximilien.
Blog : http://maximilien.hautetfort.com/
Entièrement d’accord. J’ai vu passer un texte de Michèle Rivasi (voir wiki si vous ne la connaissez pas et voir sa page fessebouc pour son texte) qui attaque Pétain en tant que général de la première guerre mondiale. Moi aussi je suis pacifiste et antimilitariste mais appliquer le pacifisme actuel à 1914, c’est anachronique. S’il n’y avait eu que des pacifistes en 1914, qui aurait arrêté les Allemands ? Ce sont bien les Allemands qui ont déclenché les hostilités.
Et parler des soldats comme de la chair à canon, morts au seul profit des marchands de canons, c’est insultant pour leur mémoire. Les soldats se sont battus et sont morts pour leur pays, par pour les marchands de canon.
Je ne suis pas d’accord !