Persévérance nous donne rendez-vous dans dix ans
Il y a quelque chose de majestueux dans les images de a descente de Persévérance sur Mars. Filmées depuis plusieurs caméras installées sur les différents éléments qui constituent le module martien – le rover, sa grue et son bouclier protecteur – ces quelques minutes peuvent paraître anodines, tant on a vu d’exploits réalisés par les équipes de Space X ou de Blue Origin, capables d’expédier dans le ciel puis de rapporter sur terre un lanceur, et de le faire se poser à la verticale. Avec son petit kilogramme, Persévérance ferait pâle figure face aux 1750 tonnes du New Shepard.
Taille x Distance = Persévérance
Au-delà de la taille, c’est aussi la distance qui compte. Le petit explorateur parti recueillir un peu de sol martien pour nous le réexpédier dans quelques années, opère seul, sans assistance, sans opérateur pour le guider en temps réel. Ses logiciels lui permettent de s’adapter aux conditions de la descente, de se maintenir en vie, d’observer, de manière complètement autonome. Le pilotage en temps réel à distance ne fait pas partie des options envisageables à plusieurs millions de kilomètre de notre planète bleue.
Équipé de plusieurs instruments de mesure, notre petit rover – pardon, astromobile – est un chef d’oeuvre de technologie sous contrainte, afin de réduire au strict minimum la consommation d’énergie tout en bénéficiant de toutes les options possibles et imaginables. Amené à vivre de manière autonome pendant quelques années – cf. plus loin – Persévérance ne dispose d’aucune prise au sol pour recharger ses batteries tel un iPhone. Le choix de la NASA a été tout autre : il dispose de son propre générateur, une sorte de mini centrale nucléaire, qui lui délivre suffisamment d’énergie pour tenir quelques années, indépendamment du rayonnement du soleil.
Et pourtant, ce n’est que le début…
Et pourtant, l’exploit réalisé par la NASA ne s’arrête pas à cette descente et au mode de survie à la surface de Mars. La suite du programme promet en effet d’être aussi passionnante que les derniers jours, car les ambitions de l’agence américaine, assistée de l’agence spatiale européenne, sont autrement plus vastes. Une seconde mission aura lieu dans quelques années, afin de recueillir les matériaux prélevés par le rover, et de les rapporter sur Terre, selon un calendrier établi sur les 10 prochaines années, détaillé ci-après.
Le second vol est prévu pour 2026. Il devrait faire se poser sur Mars un engin capable de récupérer les prélèvements effectués et analysés sur les 5 prochaines années, puis les renvoyer un module resté en orbite. Il y aura donc deux rende-vous spatiaux, un au sol, et dans le ciel martien. Autrement dit, il ne faudra pas se planter sur les fenêtres de tir, et espérer que le vol retour se réalisera sans encombres.
Ce n’est donc qu’en 2031 qu’un être humain aura la chance, que dis-je, l’immense joie, de saisir un peu de sol martien. Et certainement pas dans sa main, car il ne faudra pas polluer les échantillons recueillis, mais les conserver dans le même état aussi longtemps que possible, pour les exploiter.
Bref, rendez-vous ans dix ans, même heure, même pomme.
Dix ans, c’est quoi dix ans ? Une paille, à l’échelle de notre univers.
Mais une longue, très longue attente pour les équipes en place, qui ne seront probablement pas celles qui pourront en bénéficier.
Ce n’est pas Persévérance qu’on aurait dû choisir pour baptiser ce rover.
Mais Patience.
Après tout, la patience n’est-elle pas la première qualité humaine ?
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec