Nous sommes Charlie / A poil la Kès
Par Serge Delwasse (X1986), avec la collaboration active, entre autres, de Hervé Le Bras (X1963), Guy Worms (X1965), Benedikt Bjarnason (X1975), Olivier Herz (X1979) et Julien Ricaud (X2005). Outre ses auteurs, ce papier a vu le jour grâce à nos camarades Alain Brachon (63), Michel Rostagnat (75) et Michel Kahan (86). Comme vous le lirez, ma valeur ajoutée est faible.
Remarque liminaire : depuis quelques mois, les papiers tradis se sont raréfiés. J’en suis confus. La bonne nouvelle c’est que j’ai mis « Kablages » dans mes bonnes résolutions de 2015.
Revenons d’abord sur la campagne de kès : les plus anciens d’entre vous s’en souviennent, jusqu’en 1969, des tandems s’affrontaient. Depuis quand ? au moins le début du XXème siècle. Rappelons ici que la kès été créée en 1832, son centenaire ayant été célébré par la promo 1932. Ces tandems, d’opportunité pendant fort longtemps, puisque les votes étaient nominatifs jusque, me semble-t-il – si un lecteur peut me donner la date… – le début des années 1960, étaient intitulés XTY, où X et Y étaient les initiales des noms des impétrants. Le lecteur polytechnicien l’aura deviné, XTY voulait donc dire Xupond Tandem Yurand; Simple, n’est ce pas. comment cette tradi est-elle née ? très probablement par hasard, comme toutes les autres, d’ailleurs. Le camarade El-Mahdi (07) suggère que le T pourrait être, à l’origine, la marque du produit scalaire. Pas con. Ca me plaît bien. A creuser.
Première partie : X63 Hervé Le Bras
Hervé le Bras écrit : « La première année de la 63, je me suis présenté avec Jean-Piere Le Roux à la caisse – Note : l’orthographe Kès ne s’est fixée que dans les années 70 – plutôt pour rire de cette institution désuète. C’était le tandem LTL. Pour la campagne, j’avais contacté Hara-kiri, alors mensuel je crois. Avec l’aide du professeur Choron (qui n’enseignait pas à l’X), et de la rédaction d’Hara-kiri, nous avons réalisé pour notre campagne un 8 pages à en-tête d’Hara-kiri, malheureusement bouclé un mois après le vote (une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas été élus). Nous nous sommes consolés, Le Roux et moi à la Khômiss – Si un 63 peut me transmettre le document… – Plus tard, beaucoup plus tard, j’ai suivi Siné dans la scission d’avec Charlie et collaboré épisodiquement à Siné-hebdo, puis Siné-mensuel… Mais nous avons gardé des liens avec l’autre groupe… »
Alain Brachon confirme : « J’ai un souvenir confus d’une visite à l’équipe d’Hara-Kiri rue Montholon (En 1962, après une première interdiction, la rédaction du journal passe de la rue Choron à la rue de Montholon et adopte comme raison sociale Les éditions du Square. http://fr.wikipedia.org/wiki/
Deuxième partie : X65 Guy Worms
Je laisse maintenant la parole, tout en gardant la plume, à Guy Worms : « Je formais le tandem DTW avec mon camarade David, malheureusement décédé. Notre cocon Mercier m’avait indiqué connaître un jeune dessinateur plein de talent, un peu plus âgé que nous, Cabu »
Je reprends ici la parole pour préciser aux plus jeunes d’entre nous que la campagne de Kès, comme le point Gamma d’ailleurs, dans une école où les Carvas – les X de l’époque – étaient plus ou moins reclus, consistait principalement à faire entrer un certain nombre de choses – ou de gens – dans l’école : artistes, jeunes filles, automobiles, et… journaux. Les tandems, aidés de leurs supporters, les électrons, réussissaient, chaque année, à convaincre qui Le Figaro, qui Le Monde, de réaliser une édition spéciale dont la manchette, bien évidemment, chantait leurs louanges. Cette année là, pour DTW, c’était France-Soir.
Worms poursuit : « Nous avions pris rendez-vous un dimanche à 10h. Il habitait Vincennes. Arrivés à l’heure, nous avons compris que nous débarquions en plein ébats amoureux. (Note : Sa compagne de l’époque, Isabelle Monin, fut rédactrice en chef de La Gueule Ouverte. Ils eurent un fils, Mano Solo. Elle est décédée le 26 décembre 2012).
Pas grave – nous avions, il est vrai, rendez vous. Nous lui avions expliqué ce qu’était la kès, et il a dessiné en nous écoutant. » Ce sont les trois dessins ci dessous. « Comme nous trouvions ces dessins trop peu polytechniciens, Mercier est retournée le voir, lui a expliqué, à lui l’anar, l’antimili, une partie du folklore de la boîte Carva – la courbe de Chéradame, le fana-mili… – et il a dessiné la bande [supra] »
J’en profite, au passage pour rappeler que DTW a été élu devant CTT (Cramer T Trébuchet) et DTH (Daudey T Hemery). Allez, je n’y résiste pas : A POIL LA KES !
Troisième partie : X74 Julien Ricaud
Cabu, toujours lui, a commenté la grève de l’uniforme des 74, grève que j’évoque dans mon papier A l’X, les jaunes ne brisent pas les grèves, ils les font ! Merci Julien !
Quatrième partie : X75 Benedikt Bjarnason. merci à Michel Rostagnat
« Cabu avait aussi publié en juin 1977 une double page de Charlie Hebdo sur l’Ecole Polytechnique : L’élite, on nous la cache. Révélation. Il ne s’agissait pas d’une édition spéciale, mais bien du numéro standard de Charlie Hebdo vendu en kiosque. Cette double page était publiée à l’occasion du Point Gamma 1977, organisé par la promo 75. Je ne sais pas qui avait pris contact avec Cabu à cette occasion. Joli coup de pub en tous cas pour ce premier Point Gamma organisé sur le plateau de Saclay ! » – note pour les Djeun’s : ledit plateau est ce que vous connaissez sous le nom de Plâtâl.
J’attire votre attention sur la vignette en bas à gauche : déféquer sur le bureau d’un pitaine, certes. Le mettre dans la presse…
Et puis ce magistral « Coup de Sang ». Difficile de faire plus violent
Cinquième partie : X79 Olivier Herz
Il y eut plusieurs conf « mythiques » dans l’histoire récente de l’X :
- celles de Dali.
Je suis très reconnaissant aux camarades Audouze et Bertaux (61), Brachon (63), Bergeot et Gornet (65) qui m’ont permis de comprendre pourquoi la date de la conf de Dali bougeait tout le temps : il y en eut en réalité au moins 3, une en 61, une en 63 et la dernière en 67, intitulée « j’ai retrouvé l’or du temps et de l’espace ». A l’invit de la kès, ces confs eurent lieu en GU – le maître n’aimait pas le kaki. Celle de 61 est sur le site de l’INA. Elle a donné lieu à cet échange remarquable « On ne peut à la fois être artiste et intelligent ! – Monsieur Dali, pensez-vous que vous êtes intelligent ou artiste ? – Je suis intelligent ».
- celle de Ferdinand Lop. Date ?
- celle de Tapie en 86 – si un 85 veut bien me contacter à ce sujet…
et…
- celle de Coluche en 1981.
Le Monde, par la plume de Lhomeau, raconte :
Quelques jours plus tard, Charlie Hebdo publie, sous la plume de Cabu :
Et Michel Noir interroge le ministre :
Plusieurs années après, Cabu se souvient :
Note : si toi aussi tu as des documents relatifs à la longue histoire d’amour entre l’anar Cabu et les presqu’anars X, merci de me les faire passer, je complèterai !.
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A heavy weather skipper
Énorme !
C'étaient nos jeunes années d'impertinence!
Sommes nous devenus pertinents?
Denis OULES
merci pour cette archive ! un peu de geekerie (et de spéculation), la notation du produit scalaire en xTy (beaucoup plus rare que les autres) n’aurait elle pas un lien avec le T des tandem ?
Bonjour,
C’est en effet très possible. Et en plus ça a le mérite de permettre à un épistémologue de dater précidément l’apparition de ce mode d’élection. Je modifie le papier en ce sens. Merci
Nous avons perdu quelque chose au fil des décennies, parfois sans nous en rendre compte. L'amitié, le lien. L'éternel optimiste que je suis se demande si ces événements ne votn pas nous redonner quelque chose
Dans la conclusion de Guy Worms, le C de CTT (dont le slogan était: cet hiver, votez CTT) était Michel Cramer et non pas Paul Jean Cahen.
Merci. Je corrige 🙂
comme diraient nos amis anglais: we were impertinent, we have become irrelevant.
Ces croquis de la 65
https://1965.polytechnique.org/post/2015/01/08/Cabu-avait-fait-la-campagne-de-K%C3%A8s
font décidément le tour de la « Communauté », puisqu’ils ont été repris par l’Infokès et que le président des Y les a réclamés pour un usage inavouable. Merci en tous cas à Gil d’avoir avoué son forfait initial, à hervé et à Serge d’avoir complété l’histoire de l’impertinence à l’X, donc de Charlix.
Nous sommes bien Charlix?
Merci Laurent.
Pour information, l’IK spécial Charlie est téléchargeable ici : https://ik.frankiz.net/pdfs/ik/charlie.pdf
Hi,hi,hi! Rien n'a changé…
Merci! Je confirme la conf de Salvador Dali a la 65 probablement en 67, organisee par la mili. Dali avait demande que nous soyons en grand U, pour l'inspirer. Daniel Lehmann (65)
Dali était un habitué des lieux !
Il est venu invité par ma promotion 63 (conférence à l’amphi Poincaré) après une première (?) conférence en 61 d’après l’INA :
http://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu01313/salvador-dali.html
Autant que je me souvienne, Dali est venu en 1967. Je ne sais pas qui l’avait invité (je pense que c’était la Kès). Il avait exigé que l’on soit en grand U car il ne supportait pas le kaki. Sa conférence s’intitulait : « j’ai retrouvé l’or du temps et de l’espace ». La gare de Perpignan et les montres molles y tenaient une place de choix.
Confirme également la conférence de Dali. Elle a eu lieu après le repas du soir, donc c'était à l'invitation de la kès (les invitations officielles se tenaient le matin).
Sur la Montagne (hommage à Bruant)
———————-
Je m’souviens, quand j’avais vingt ans,
Je n’vivais plus chez mes parents,
Et je buvais du bon champagne,
Sur la Montagne.
Nous étions des gens sans façons,
Douze filles, deux cents garçons,
Pour nous ça n’était pas le bagne,
Sur la Montagne.
Nous avions des brod’quins mili,
Un beau chapeau, des beaux habits
Et puis des tenues de campagne
Sur la Montagne.
À présent qu’on fait des métiers,
On fait l’rêve, chaqu’nuit, volontiers,
Qu’on r’trourne en c’pays de Cocagne,
Sur la Montagne.
Super boulot Serge
merci antoine.
je n’ai pas fait grand chose, mais ça fait plaisir 🙂
Bravo et merci pour ces souvenirs et documents !
Bel article, ça nous fait rajeunir, je me souviens aussi des centaines de balles de ping-pong tombant sur la tête de VGE…
Oui moi aussi et de la honte que nous avons mis à bernard Tapie
Nicolas Cartier
Finalement, plus que des cours, je me souviens de certaines conférences (entre octobre 63 et juin 65) :
– Salvador Dali qui, interrogé sur la raison pour laquelle il donnait des conférences, a conclu la sienne par : » Mes connférrences sont faites pour la crrétinisation dé l’houmannité ! »
– Giscard d’Estaing alors ministre des finances présentant avec brio ses projets de réforme du système monétaire international, notre camarade Fauconnier (63) posant en fin d’exposé une question qui mettait en évidence une faille dans le bel édifice proposé, et Giscard beau joueur (sans doute parce que ça se passait à l’X … et sans journalistes !) disant alors : « Vous avez trouvé le point faible »
– Tixier-Vignancourt qui portait l’art oratoire à de tels sommets que l’amphi, bien qu’il ait sans doute été majoritairement hostile à ses idées, l’avait longuement applaudi à la fin de son exposé
Je me souviens aussi de cette conférence à l’issue de laquelle il a fallu se donner deux paires de baffes pour revenir à la réalité et ne pas se laisser embobiner par le remarquable laïus de Tixier….du danger des tribuns en tous genres…
Merci pour cette belle rétrospective!
Merci pour cette belle retrospective, Serge.
Karim