Nom de nom de famille !
C’est un post Facebook d’Emilie Marquois qui est à l’origine du texte qui suit. Emilie partageait en effet un article du site Terra Femina, qui annonce que bientôt, les enfants porteront le double nom de famille dès la naissance, c’est à dire un nom de famille composé du nom du père et de la mère.
En voilà une idée incongrue, me suis-je dit.
Et non par anti-féminisme sectaire, mais par un simple principe d’efficacité.
Au nom du père
La règle qui veut qu’on porte le nom de famille de son père en France ne date pas d’hier. Il faut, semble-t-il, remonter au 12ème siècle pour que cette règle s’impose. Et encore, on ne parle que de la France. Dans d’autres pays, ou au sein d’autres communautés, l’ambiguïté des noms de famille a régné bien plus longtemps. Au sein des communautés juives, par exemple, on s’appelait untel fils de untel, ou unetelle fille de untel. Idem en Russie pendant bien longtemps, semble-t-il. Ce n’était pas forcément plus pratique, tous les généalogistes vous le diront. Faire la différence entre deux Isaac ben Moshe (ou Français fils de Pierre) nés à la même époque, ce n’est pas ce que je considère le plus simple.
L’institution d’un nom de famille et d’une règle de transmission a permis de rationaliser tout cela. Bien sûr, cela ne va pas sans problème avec les juifs, qui ont eu la fâcheuse habitude de donner le prénom du grand-père au premier fils né, ce qui fait qu’on se retrouve avec de nombreux cousins portant le même couple de noms et prénoms que leur grand-père… Mais en général, le second prénom peut départager les ex-aequo.
De la raréfaction des patronymes
Sur le long terme, la transmission du nom par le père provoque néanmoins un effet de bord plus subtil : la raréfaction des noms de famille. Phénomène bien connu en chine, où la transmission du nom du père date d’un peu plus longtemps qu’en Europe. Ce qui explique le fort taux de Chang et de Li au sein de la population chinoise. La tendance à produire des mâles, enfants qui préservent le nom du père, a pu provoquer l’effacement peu à peu des noms de familles d’individus dont les gènes avaient plutôt tendance à produire des filles.
Au nom des tendances égalitaires qui prévalent en Europe depuis quelques années, s’est instituée la possibilité de donner le nom de famille de la mère. À l’aune de ce que je viens d’expliquer sur la transmission des noms en Chine, c’est une sage décision. Elle permet, par exemple, de préserver le nom de famille au sein de familles où ne sont nées que des filles, et donc d’éviter cette tendance à la raréfaction sur le long terme.
Mais elle présente aussi des défauts, et non des moindres. Il est en effet possible, si l’on suit cette voie, de donner des noms de famille différents à plusieurs de ses propres enfants. C’était déjà le cas d’une femme qui s’est remariée. Certes, mais cela devient une généralité étendue à tous les couples. Imaginez-donc une famille de quatre enfants, l’un s’appelant Dupont, le second Durant, le troisième Dupont-Durant, et le dernier Durant-Dupont. Vous imaginez un peu la tête de l’enseignant qui aurait ces quatre enfants à quelques années d’intervalle, sans se rendre compte qu’il s’agissait de frères ou de soeurs, à moins de rencontrer les parents ?…
Faisons un peu de combinatoire…
Les choses se compliquent ensuite à la seconde génération. Imaginez ce que cela peut donner si les enfants du couple Dupont – Durant épousent des enfants du couple Martin – Morin. On pourrait avoir une multitude de combinaisons possibles (16 exactement) : des enfants Dupont, Durant, Martin, Morin, Dupont-Durant, Dupont-Martin, Dupont-Morin, Durant-Martin, Durant-Dupont, Durant-Morin, Martin-Dupont, Martin-Durant, Martin-Morin ou encore Morin-Dupont, Morin-Martin ou Marin-Durant.
Ç a va ? Vous suivez ?
Cela peut prêter à rire : cela prête surtout à confusion. Le pauvre enseignant du paragraphe précédent risquerait fort de perdre les pédales, et de se tromper en appelant l’un des rejetons au tableau, ce qui provoquerait, on l’imagine, le courroux es parents qui se sentiraient offensés au titre d’une liberté individuelle bafouée. Au niveau du système d’information de la maréchaussée (en cas de délit), des impôts (tiens, avez-vous pensé à déclarer les vôtres ?) ou de santé, cela pourrait vite poser de réels problèmes.
Car voyez-vous qu’on l’apprécie ou non, le système actuel de transmission du nom du père offre un avantage : celui de simplifier le système, et d’éviter l’explosion combinatoire, source de nombre de nos maux informatiques actuels. Il offre également l’avantage de réduire la charge mentale utile pour repérer un individu, mémoriser la manière de l’appeler et surtout son réseau de liens familiaux.
Alors de mon point de vue, il ne faut surtout pas le changer.
À moins de tout changer.
De passer sur un système de transmission du nom de la mère. Et rien que du nom de la mère.
Faites e test à la maison. Prenez le nom de votre mère, faites en de même avec vos enfants, vos parents, vos grands-parents. Vous seriez surpris par l’étrangeté du résultat obtenu.
Pas étonnant que tant d’auteurs aient choisi le nom de leur mère pour passer inaperçus…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
En Espagne le système à deux noms fonctionne très bien et José Luis Rodriguez Zapatero se faisait appeler Zapatero du nom de sa mère !
Amicalement.
Salut Hervé
Pour un père et une mère donnés tous les enfants ont le même nom en France : le nom d’un des 2 ou les 2 noms dans l’un ou l’autre ordre.
Le choix que tu fais pour le premier enfant s’impose à tous les suivants du même couple !