« No pasarán » ? Au contraire, ça va mal se passer…

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Je suis un fan de Christophe Faurie. De son blog, bien entendu. Mais aussi d’un de ses livres, intitulé « J’ai pensé à tout … et pourtant a ne marche pas« . J’y ai découvert, lors de sa parution il y a une dizaine d’années, un concept étonnant : l’énantiodromie. Sous ce terme peu employé se cache un concept que nous expérimentions tous les jours : plus nous exprimons notre souhait de voir une chose se réaliser, et plus on renforce la probabilité de voir l’effet inverse.

Certains y voient la main du destin, la force de l’oeil, ou tout autre phénomène paranormal. Christophe explique posément qu’en réalité, nous sommes la cause de cet effet. Par notre insistance, par notre incapacité à voir les choses autrement que comme nous désirons qu’elles soient, nous sommes les propres victimes de notre insistance.

Le mieux est l’ennemi du bien

Cet effet, vous pouvez le constater tous les jours avec vos proches, et particulièrement avec vos enfants, à partir d’un certain âge. Demandez-leur de faire leur chambre ou de passer moins de temps sur leur smartphone, et c’est l’effet inverse qui se produit. N’imputez pas cela à de la paresse ou à un manque de respect, nous dit Christophe, mais plutôt à votre manière de faire passer le message. Et le pire, c’est que vous n’y pouvez rien, à moins de passer en force, avec des répercussions à long terme pires que le refus d’obtempérer.

Ces jours-ci nous donnent l’occasion de constater d’autres manifestations de ce phénomène, dans le mode de communication d’une partie du Nouveau Front Populaire, du côté de Jean-Luc Mélenchon notamment. Le premier exemple d’éniantiodromie politique de gauche dont je veux parler, c’est cette apparition lunaire de Jean-Luc Mélenchon, au soir du premier tour, dix minutes à peine après la fermeture des bureaux de vote et la publication des premières estimations. Entouré de Manuel Bompard et de Rima Hassan, nouvelle égérie de la gauche populiste française, il a devancé tous les autres leaders de gauche, pour appeler à un barrage au RN. Mais ce faisant, en s’affichant avec sa nouvelle copine vêtue d’un keffieh, et en ne court-circuitant ses partenaires, il a en réalité provoqué l’effet inverse, accentuant l’impression qu’il va réaliser une OPA sur la gauche française.

No pasarán, un clip qui mérite des claques

La seconde manifestation du phénomène dont il est question ici, c’est ce clip composé à la va-vite par un collectifs de rappeurs, dont la plupart me sont inconnus, à part celui dont le nom de scène est Akhenaton. Je vous fais la grâce de ce clip de 9 minutes, intitulé No pasaran, au contenu particulièrement indigeste. On est loin des mélopées et du rythme qu’on a pu apprécier chez un artiste comme MC Solaar : c’est du rap de banlieue, comme on peut en écouter si on apprécie ce genre de musique. Par ce long clip, ces rappeurs invitent la jeunesse de banlieue à aller voter dimanche prochain et faire, cela va de soi n’est-ce pas, barrage au RN…

Tout le monde y prend pour son grade, de la gauche de Hollande à la droite de Chirac, sans oublier bien entendu Macron et les dirigeants du FN et du RN, toute la famille Le Pen. Sans oublier non plus, ne soyez pas surpris, les francs-maçons, les illu-minati, Netanyahou et ceux qu’on ne cite pas pour ne pas laisser de traces d’antisémitisme basique…

Le problème, c’est que ce genre de musique et de propos n’intéressent qu’une petite fraction des électeurs. Une plus grande fraction, elle, y est farouchement hostile, et les considère comme sauvages et dangereux. Je ne parle pas, ici, des électeurs qui ont porté leur choix sur le RN dimanche dernier, ceux-là n’on pas besoin de ce clip our se faire une idée… Je veux parler ici de ceux qui, hésitant encore à se déplacer dimanche prochaine pour voter pour un candidat qu’ils n’ont pas choisi, en raison d’un désistement. Ces électeurs du centre ou de la gauche plus traditionnelle – on pourrait dire bourgeoise – vont-ils vraiment être convaincus par des arguments vindicatifs et tendancieux, à coups de « kalach », de « Sheytanyahou » ou de Palestine « de la Seine au Jourdain » ? J’en doute fortement.

Pire que cela, si certains électeurs de droite hésitaient à glisser leur bulletin de vote en faveur d’un candidat RN dimanche dernier, ce clip va probablement les amener à reconsidérer leur choix, face à un candidat NFP, qu’il soit issu de LFI ou de ses partenaires.

Bref, si le RN obtient une majorité absolue dimanche prochain, on pourra attribuer ce succès à la dissolution décidée par Emmanuel Macron.

On pourra aussi l’attribuer à la « dé-diabolisation » entreprise depuis plusieurs années par Marine Le Pen.

Mais il ne faudra pas de l’attribuer aux folies de Mélenchon et de son clan, et à la communication outrancière qu’elle a produit ces dernières semaines.

Il voudrait se retrouver face au RN en 2027 qu’il ne s’y prendrait pas autrement…

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