Mesopotamia, ou l’incroyable histoire de Gertrude Bell
Connaissez-vous Gertrude Bell ? Probablement pas. Allez poser la question à des Anglais. Vous obtiendrez probablement des réponses négatives. Pire, allez poser la même question à des ressortissants irakiens. On vous répondra probablement de nouveau par la négative. Pourtant, comme le raconte Olivier Guez dans son magnifique roman Mesopotamia, Gertrude Bell influença de manière significative du destin du Royaume-Uni au sortir de la première guerre mondiale, et celui de l’Irak à la même époque. Elle fit en effet partie de la poignée de personnes qui créèrent ce pays en 1921.
Issue d’une famille d’industriels anglais ayant fait fortune dans la sidérurgie dans la deuxième moitié du 19e siècle, Gertrude Bell se passionna très tôt pour la découverte des civilisations antiques, l’exploration archéologique, et la culture arabe. Au terme de péripéties familiales qu’Olvier Guez narre avec une certaine délectation, elle se retrouve en Mésopotamie, avec un rôle dans l’administration politique de la région, en parallèle des autorités militaires en place, une fois les Ottomans vaincus.
Pour imaginer son rôle, il faut bien comprendre que tout cette région prend à cette époque-là une valeur inestimable pour les Britanniques. Promettant de fabuleuses réserves d’hydrocarbures, placée idéalement sur le trajet entre le canal de Suez et les Indes, qui sont encore le joyau de l’Empire, il est hors de question pour les Anglais de laisser les autochtones l’administrer à leur guise. Et encore moins laisser les Français se mêler de ces petites affaires.
Pourtant, avec l’entrée en guerre des Etats-Unis, souffle un vent de liberté sur tous les territoires vont être peu à peu libérés du joug prussien, autrichien ou ottoman. En Europe, cela aboutira à la création de nombreux états – je me souviendrai toute ma vie de l’immense plaque de remerciements adressés à Woodrow Wilson sur laquelle je suis tombé par hasard dans une gare de Prague. Mais ce qui vaut pour les petits pays d’Europe vaut-il aussi pour les peuples arabes dominés pendant de longs siècles par les Ottomans ?
Les Anglais ne l’entendent pas de cette oreille, eux qui ont compris l’impact du pétrole, et qui n’en peuvent plus de financer des régiments de plusieurs milliers d’hommes, alors que la guerre est finie. Et lorsque la révolte éclate, ils décident de la réprimer – violemment, très violemment – tout en préparant le futur, en installant un monarque acquis à leur cause. Ce monarque, ce sera Fayçal, le compagnon de révolte de T.E. Lawrence – le fameux Lawrence d’Arabie. Je n’en dis pas plus, le cadre est posé, à vous de découvrir la suite.
Mesopotamia est un roman historique passionnant, qu’on ne lâche qu’une fois qu’on a parcouru ses 400 pages, après avoir côtoyé tout ce beau monde, de Lawrence à Churchill (remarquable transition avec ma précédente lecture), de Lyndon Johnson à Lloyd George, sans oublier cette incroyable femme qui construisit un pays et en paya durement le prix…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec