Médias sociaux: nouveau levier de la stratégie multicanal?
J’ai le plaisir de participer à une table ronde sur les médias sociaux, à l’occasion d’une conférence organisée par SAS et IDC France. Je vous propose de suivre en direct via cet article les principaux enseignements de cette conférence.
Introduction de Serge Boulet, directeur marketing & communication SAS France.
L’intégration de données des médias sociaux dans la relation client est un enjeu majeur. SAS lance aujourd’hui une série d’événements sur le sujet.
Enjeux et priorités des directions marketing en 2011
Karim Bahloul, Directeur des Etudes et de la Recherche, IDC France
126 entreprises et 800 internautes ont été interrogée.
81% des entreprises ne voient pas leurs budgets marketing et communication croître en 2011. Face à cette contrainte, les défis à adresser sont multiples: gérer la diversité des canaux, gérer les nouveaux canaux (mobiles), gérer la complexité provenant de l’intégration des canaux. Seules 36% des entreprises interrogées ont une véritable approche multicanal.
En parallèle, IDC a mené une étude sur l’utilisation d’Internet par le grand public. A une évolution des usages (les réseaux sociaux remplaçant le mail, par exemple) vient se coupler l’essor de l’internet mobile. 51% des personnes interrogées accèdent à internet via leur mobile. De 10% en 2007, la part de marché des smartphones représentera 67% en 2014 selon IDC.
Quelles sont les priorités des direction marketing et communication dans ce cadre?
- accentuer les efforts pour préserver la relation client
- préserver la réputation de l’entreprise
- améliorer le ROI des actions marketing
- améliorer la connaissance client
92% des entreprises ont fait appel au digital marketing en 2010, 14% des budgets ont été consacrés à ces actions de digital marketing. Pour 44% des entreprises, ces dépenses en digital marketing vont croître en 2011. Pour ces dernières, la part de budget passe de 14% à 22% des budgets investis en 2010.
Les actions les plus prioritaires en 2011 concernent: les sites de l’entreprise (pour 65% des entreprises), email marketing (56%), mais aussi … médias sociaux (20%).
Evolution des clients, des canaux et des enjeux associés
Serge Boulet, Directeur Marketing & Communication, SAS France
Il y a une différence fondamentale entre agir sur différents canaux, et intégrer tous les canaux auxquels on fait appel. Le rôle du marketing va être de plus en plus de mettre la bonne information à disposition de l’ensemble des entités de l’entreprise. C’est quelque chose qu’on oublie trop souvent, et ce partage d’information est pour SAS l’enjeu principal du marketing (note: j’adhère à 150%!!)
Les enjeux ont évolué:
- L’expérience client a évolué: pendant longtemps, l’expérience client était maîtrisée par l’entreprise. Mais de plus en plus, le client vit sa propre expérience avec l’entreprise, avec les marques. Il faut donc s’assurer qu’elle soit cohérente avec ce que l’entreprise souhaiterait qu’elle soit.
- Les flux d’informations ont évolué: ce n’est plus un flux sortant de l’entreprise, mais de plus en plus un flux entrant, issu d’une relation initiée par le client. Or on ne maîtrise ni le moment, ni le format, ni le contexte de ce type d’interaction, et l’entreprise doit s’adapter à toutes ces nouvelles formes d’interaction.
- L’entreprise maîtrise de moins en moins en moins la marque. Une erreur de communication, il y a quelques années, avait un impact limité. De nos jours, une petite erreur peut devenir catastrophique. Quelques jours suffisent. Une vigilance accrue est nécessaire.
- Le marketing a toujours eu la responsabilité de la connaissance du client. Les médias sociaux apportent une masse d’informations gigantesque, il faut se donner les moyens pour les assimiler.
L’Observatoire français des médias sociaux : les premiers grands enseignements
Karim Bahloul, Directeur des Etudes et de la Recherche, IDC France
Les personnes interrogées passent 2h58 en moyenne par jours sur internet. Les jeunes (18-24) utilisateurs d’internet passent 3h24, les retraités 2h49. Sur ce total, 20% de la consommation d’internet se fait en situation de mobilité. Le taux d’adoption des médias sociaux s’élève à 82%. En réalité, le taux d’adoption des médias sociaux est large, quelle que soit la population étudiées (segmentation par tranches d’âge ou par revenus).
Les médias sociaux ne sont pas réservés à une génération. Les internautes y passent 52 minutes par jour (29% du temps passé). Le ratio évolue de 18% pour les seniors à 32% pour les 18-24 ans.
Quelles sont les raisons qui incitent à être présent sur les médias sociaux: l’effet de réseau tout simplement, pour 59% des personnes interrogées: on y trouve ses amis, sa famille, ses connaissances. L’intérêt des contenus intervient en second lieu, pour 32% des personnes interrogées. La présence des marques en 3e position (19%), ainsi que les avantages proposés. Le remplacement du mail pour 18%, et du moteur de recherche pour 12% (Google peut encore dormir sur ses deux oreilles?).
Quels sont les canaux les plus utilisés pour s’informer: les moteurs de recherche en premier (87%), les comparateurs de prix (39%), les sites et forums spécialisés, la presse en ligne, les sites des entreprises et les médias sociaux en 6e position seulement, pour 15% des personnes. Oui, mais attention, l’étude ne dit pas vers qui dirigent en majorité les moteurs de recherche (d’ailleurs pourquoi ce pluriel? qui utilise autre chose que Google de nos jours en France?…)
Parmi ceux qui acceptent d’interagir avec les marques, l’aspect promotionnel représente la première source d’intérêt: pour 43% de ceux-ci, il s’agit de profiter d’offres réservées aux fans, de promotions. Bénéficier d’informations originales et recevoir une assistance sur les produits viennent après.
Que font les entreprises sur les médias sociaux?
Pour 52% des entreprises interrogées, des initiatives ont été menées en 2010 sur les médias sociaux. Cela ne signifie pas 52% d’entreprises matures et convaincues… En revanche, les moyens engagés sont modestes: moins de 7% des budgets digital marketing en 2010. (Note: c’est normal, on l’a toujours dit, l’investissement dans les médias sociaux coûte bien moins cher qu’investir sur d’autres canaux…) D’où un problème de perception: les budgets étant faibles, on prend ces initiatives peu au sérieux.
Quelles initiatives:
- fan page Facebook (84%)
- corporate blog (34%)
- plateforme communautaire (22%)
- bouton « J’aime » (42%)
- bannières ciblées (41%)
- écoute des conversations sur les marques ou les concurrents (25%)
Quelle est la perception?
- Pour un tiers des entreprises, c’est un phénomène de mode, générationnel
- Pour deux tiers, c’est un phénomène qui va s’inscrire dans le temps, qui se généralise, touche toutes les populations
D’où un effet Hubble: celles qui ont déjà investi vont continuer à investir, alors que celles qui n’ont rien fait vont vraisemblablement ne rien faire de plus en 2011… A terme, IDC pensent que 31% des entreprises n’auront rien fait, alors que 69% auront entreprise quelque chose en 2011 (vs 52% en 2010).
Pour celles qui vont faire quelque chose, les sujets d’intérêt sont les mêmes, mais l’emprise de Facebook sera plus faible (50%), au profit des blogs d’entreprise (43%) et des sites communautaires (34%). L’intégration du bouton « J’aime » est en chute libre (normal, on le fait une fois pour toutes).
Quels sont les moyens engagés? Pour 34%, 1 ou plusieurs personnes dédiées. Pour 29%, 1 ou plusieurs personnes non dédiées. Ce ration de 34% passera à 64% très rapidement. Le métier du community management est en plein essor. Mais attention, ce n’est pas parce qu’un jeune est à l’aise sur les médias sociaux qu’il aura les bonnes connexions au sein de l’entreprise pour trouver le bon discours en cas de crise.
Quelles sont les priorités attribuées par les entreprises aux médias sociaux: fidéliser les clients, informer, communiquer, connaître les clients. La collaboration en interne apparaît en dernière position.
La perception des marques n’est pas encore forte: seuls 23% interagissent régulièrement, 21% rarement, 20% non mais comptent le faire, et 36% opposent un non catégorique. Pour un tiers des personnes interrogées, les marques n’ont rien à faire sur les médias sociaux.
Quels sont les canaux avec lesquels doit-on intégrer les médias sociaux? Email marketing en premier, les événements et le site web en second, les applis smartphones ensuite. Très étonnant, l’intégration avec les centre d’appels de support client apparaît en bas de liste!
Conclusion
- ce n’est pas un gadget générationnel
- les attentes du public sont fortes: on ne peut pas y aller juste pour y aller: les médias sociaux font partie d’une politique globale
- les médias sociaux ne doivent pas être isolés des autres canaux de la relation clients
Sophie Heller, Vice-Présidente Marketing et Communication, ING Direct France
La génèse et le modèle ING
ING: groupe Néerlandais, assez ancien (160 ans), issu de la fusion d’un assureur et d’une banque postale.
Ce qui différencie ING Direct (né en 1997 au Canada): pratiquer la banque autrement, en finir avec les frais bancaires et le manque de transparence.
Le modèle repose sur les piliers suivants:
- des produits simples et bien conçus (simple à utiliser, et à maintenir)
- pas d’agence physique => une structure de coûts relativement faible, qui permet de réinvestir les économies dans la satisfaction et la relation clients
- la priorité ç la qualité et à la satisfaction client
En France: création en 2000 (livret épargne orange). En 2001, lancement du café (?), en 2004 assurance vie, en 2009 livret A et compte courant. ING Direct peut désormais rivaliser avec les banques traditionnelles.
Les dessous du modèle: la promesse de la marque s’appuie sur les dimensions du service vécu par le client. ING définit des cadres de référence, qui vérifie la validation de points clés: compétence, fiabilité, clarté, accessibilité. Avant de sortir un produit, ING Direct se pose la question du respect de ces points clés, et fait des tests … auprès des enfants des salariés, par exemple.
L’impact des nouveaux usages
- Une marque est ce qu’en disent Google et les réseaux sociaux…
- 75% des français pensent qu’une banque n’agit qu’en fonction de ses intérêts
D’où une formidable oportunité pour ING Direct:
- délivrer un service qui puisse générer des conversations
- créer des contenus utiles aux clients
- offrir des services qui facilitent la vie
- converser, écouter, découvrir les insights conso
- faire évaluer produits et services grâce à la co-construction
Ex:
- des services qui génèrent des conversations:
- lancement de l’application iPhone. Pas les premiers, certes, mais conçue à partir des attentes des clients. Avec des vidéos, des guides utilisateurs publiés par exemple sur YouTube
- le compte courant sans frais: avec des témoignages sur les forums comme ‘comment ça marche’
- des contenus utiles: MonnaieTime avec Yahoo! Finance. Proposer le contenu là où sont les gens: sur Yahoo! et non sur un site propre à ING, sans trafic dédié a priori
- des services qui facilitent la vie: l’opération Fashionista: 30 minutes de coaching (expert financier, styliste, expert de mode) pour sortir avec une shopping liste qui corresponde à leurs attentes. Beaucoup de buzz généré. Accompagné par un jeu Facebook, sur la thématique des soldes: un jeu d’obstacles, à vocation virale: 12000 participants.
- l’écoute et les conversations:
- il existe une matrice des priorités de satisfaction des clients. ING modélise ce qui correspond à la satisfaction, à où ils sont forts / faibles, pour identifier les axes d’amélioration. L’écoute est quotidienne: un rapport complet sur l’e-réputation de l’entreprise. Il existe un réseau en interne vers lequel les informations utiles sont ensuite redirigées
- ING ne participe pas aux discussions sur ING qui se font en dehors de leurs espaces: ils y écoutent ce qui se dit, mais n’interviennent pas. En revanche, il existe un Café virtuel (ING Direct France Web Café), pendant du Café rue Scribe. Les discussions y sont ouvertes, on y accepte le positif ou le négatif. Ce qui permet de rattraper les mauvaises expériences: si on est bon pour traiter les mauvaises expériences, cela renforce la marque.
- Une plateforme de co-construction: FreeThinking 2.0. Mis en oeuvre, par exemple, pour la phase de beta-test de l’application iPhone. Totalement intégré dans les processus de mise au point des produits et services.
Chez ING Direct, il y a une vraie approche du ROI, mais pas du ROI court terme. Le parcours du client connaît 4 phases: 1/ découverte 2/ exploration 3/ achat 4/ engagement (Forrester). C’est une boucle, car l’engagement permet de découvrir (par le client) ou de lancer (par l’entreprise) de nouveaux produits. C’est une vraie démarche de co-construction. Bravo.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec