McFly et Manuelito
Le problème, avec les présidents de la cinquième république depuis VGE, c’est qu’à un moment ou à un autre, ils semblent disjoncter. Et la raison principale est toujours la même : la fonction les ayant éloignés du « peuple », ils ressentent un besoin pressant – à moins qu’on ne le leur fasse ressentir – de se reconnecter.
Souvenez-vous de Giscard qui déjeunait en compagnie de français ordinaires – l’ordinaire de l’Élysée, ça vous use la palais présidentiel… Ou de Mitterrand qui voulait parler comme les jeunes avec Mourousi, en se prétendant branché, pardon, câblé. Ou encore de Nicolas Sarkozy, faisant son footing en arborant un magnifique t-shirt NYPD.
Seul Chirac s’est, finalement, tenu éloigné d’une telle démarche : il faut dire qu’il était déjà assez populaire dans sa manière d’être et son image, à partir de la campagne 95 et de son pupitre portant pommier, avait ancré le personnage dans une certaine tradition populaire. Quant à François Hollande, reconnaissons-lui un talent extraordinaire, lui qui voulut être un président « normal », et accepta d’être le héros d’un livre intitulé « Un président ne devrait pas dire cela. »
Je m’attendais à mieux de la part d’Emmanuel Macron. Ancien banquier, un peu guindé, il aurait pu rétablir l’image présidentielle écornée par le « casse-toi pauv’con » de Sarko, et la gifle infligée par Leonarda à son successeur. Certes, l’opposition l’avait légèrement tancé sur ses vacances aux sports d’hiver, alors que la révolte des gilets jaunes grondait. Mais ce n’était rien. Car, hélas, la séquence qui vient de se dérouler ne fait que confirmer mon propos initial : la fonction présidentielle rend dingo.
En tournant cette vidéo de près de 30 minutes avec McFly et Carlito, Emmanuel Macron ne faisait que tenir son engagement vis à vis de ces deux youtubeurs à succès, en remerciement d’un précédent clip appelant à se faire vacciner. En soi, c’était déjà un bel effort. Mais le jeu auquel s’est plié le président de la république n’augure rien de bon pour les mois à venir. Pire, en tenant des propos hallucinants sur sa soirée dans la capitale du Nigeria, entouré de personnes consommant des « substances », il n’a fait que tourner en ridicule tous les discours jusque là prononcés pour lutter contre la drogue.
Entre ces exploits sur Youtube, et les clins d’oeil prononcés à l’intention de Cyril Hanouna, amuseur public qu’on voudrait propulser comme arbitre du débat éventuel de l’entre-deux tours, on se dit qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez LREM.
Bien sûr, il s’agit d’un calcul électoral somme toute assez simple. Cinq années séparent deux élections présidentielles consécutives. Cinq années durant lesquelles cinq classes d’âge accèderont au statut d’électeur, soit cinq fois 800 000 jeunes, et donc un total de 4 millions de jeunes à aller charmer. 4 millions de conscience politique globalement vierge, à quelques exceptions près, qui s’en passerait ?
Ce faisant, on oublie que les électeurs qui ont porté Macron au pouvoir en 2017 prendront, eux, cinq ans de plus. En cinq ans, ils auront eu le temps de mûrir un peu plus leur réflexion politique. Leur coeur ne penchait probablement pas complètement à gauche (malgré le en même temps), il va un peu plus basculer à droite. Et dans l’état de délabrement total de la droite française, comme l’a illustré la pathétique histoire de la liste LR à Marseille, ces électeurs risquent de basculer vers des candidats un peu plus à droite que la droite LREM (petit rappel : LREM = LR + EM).
Bref, je doute que l’opération « gilets jeunes » McFly et Carlito porte réellement ses fruits (malgré ce qu’en disent mes propres enfants).
Et je crains qu’elle ne fasse perdre un peu plus de crédit à l’équipe actuellement au pouvoir.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
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