Maudites casseroles !
La vie politique française nous offre parfois des séquences étonnantes. Les derniers jours viennent de nous en donner un exemple étonnant, avec la mini-crise des casseroles. Que s’est-il passé exactement pour qu’on en arrive là ?
Un retour en arrière de quelques jours s’impose.
Souvenez-vous, c’était il n’y a pas si longtemps… Le gouvernement a fait passer en force la réforme des retraites sur laquelle le pays se divise depuis plusieurs mois. Grèves à répétition, motions de censure par milliers, débats à n’en plus finir à la télé ou à la radio, nouvelle utilisation de l’article 49.3, et au final, promulgation du décret d’application : Emmanuel Macron sort vainqueur du bras de fer. Mais à quel prix.
Mais ce n’était que le début. Des millions de français ont estimé, à cette occasion, qu’on n’a pas assez entendu la colère qu’ils ont exprimée durant toutes ces semaines – enfin, que le gouvernement n’a rien entendu, parce que vous et moi, je pense, nous l’avons bien entendue. « Le gouvernement est resté sourd à nos protestations », clament-ils. Il ne nous écoute pas, il ne veut même pas nous prêter l’oreille. C’est un dialogue de sourds.
L’impasse, version sonore.
Que faire dans pareille situation ?
C’est Emmanuel Macron lui-même qui a fourni la réponse à cette question. Blessé par les sentiments d’insensibilité qu’on lui a prêté, le président de la République a décidé de s’impliquer de nouveau dans la vie politique, de descendre de l’olympe élyséenne, et de retourner sur le terrain. Lui, qui s’était effacé en laissant la première ministre prendre tous les coups, a décidé de faire un petit tour de France, à la cool. Et a incité ses propres ministres en faire de même.
Le résultat de cette initiative tardive était bien prévisible : partout où les représentants du gouvernement ont posé les pieds, ces derniers jours, la colère du peuple s’est manifestée. Insultes, propos injurieux, prises à partie, rien ne leur a été épargné. Jusqu’à ce que certains manifestants eurent une idée de génie : se servir de casseroles pour couvrir la voix du président et de ses ministres.
Démonstration en image.
En soi, l’initiative n’a rien d’original. Un article sur Wikipedia nous apprend qu’il existe même un terme pour qualifier un concert de casseroles : une casserolade (note: si l’article en français date de 2023, sa version en espagnol date de 2020, il ne s’agit donc pas d’un fake mais bien d’une vieille pratique internationale). Les premières casserolades, apprend-on, datent de la monarchie de Juillet, donc près de deux siècles. Les français sont des fans de musique, c’est bien connu, n’avons-nous pas inventé la Fête de la Musique ?
Là où cela tourne à la franche rigolade, c’est lorsque ces casserolades ont été interdites dans certaines villes, par un arrêté préfectoral. On a donc vu ces images étonnantes de policiers venus bloquer l’accès aux sites visités par les représentants du gouvernement, à tout citoyen doté d’un instrument ressemblant à une casserole…
L’imagination de mes compatriote ne cessera jamais de m’étonner…
J’espère pour ma part que le mouvement de protestation ne prendra une plus grande ampleur, et que nous n’en arriverons pas à souffrir d’une pénurie d’ustensiles de cuisine. Nous sommes déjà largement pénalisés par la hausse des prix des produits alimentaires. Si en plus de cela il va falloir payer nos casseroles encore plus cher, ce sera vraiment la fin des haricots…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Ces manifestants n’ont rien inventé.
Cela fait des siècles que des bruits stridents (concerts de crécelles…) retentissent chaque fois que le mot « Haman » est prononcé.
Dans les temps anciens, cela s’appelait « charivari ». Et cela avait une signification bien précise, qui, elle, n’a peut-être pas vieilli.