Make Europe Great Again #EDayParis
Make Europe Great Again, c’est le slogan proclamé par The European Business Day, une journée de conférences co-organisée pour la seconde année par l’Université Paris Dauphine, le Journal du Dimanche et Connecting Leaders.
Parfois, les solutions à nos problèmes viennent de l’Europe, comme l’évoque Hervé Gattegno, en rappelant l’histoire de la création d’Europe 1, née dans la Sarre à une époque où le monopole de la radiodiffusion en France était détenu par l’ORTF.
Valérie Pécresse et Pierre Moscovici
Pour Valérie Pécresse, ancienne élève de Paris Dauphine, il faut redonner envie d’Europe. Les français, comme d’autres citoyens européens, n’aiment plus l’Europe car ils ne se rendent pas compte de ce que l’Europe fait – et a fait – pour eux. La région Ile de France, prospère, ne va pas assez chercher de fonds européens, qui sont justifiés, parce qu’au-delà de la prospérité affichée, l’Ile de France est une terre de contrastes et de fortes inégalités, sociales notamment. De 22m€ en 2015, l’Ile de France est allée chercher plus de80m€ cette année; L’Europe propose une série de programmes de cohésion, qui permettent aux plus fragiles, de rattraper le retard, notamment en matière d’éducation.
Valérie Hoffenberg évoque le fait que les chefs d’entreprise ne sont pas au courant des aides proposées par l’Europe. A son grand désespoir, rappelle Valérie Pécresse, qui remarque que l’Europe n’a intéressé personne durant les élections régionales, et que la région est prête à aider les chefs d’entreprise à aller chercher des fonds et des aides.
Pierre Moscovici, ancien enseignant à Paris Dauphine, fait le même constat de désenchantement et de rejet des français, vis a vis de l’Europe. Mais les français on marqué leur attachement à l’Europe lors du second tour de l’élection présidentielle, en renvoyant dans ses 22 marine Le Pen qui voulait détricoter l’Euro. Selon lui, aujourd’hui, l’Europe a retrouvé la croissance. Mais il faut arrêter de considérer l’Europe comme un projet top-down: tout ne vient pas de la Commission. La relation doit être bottom-up: ce sont les régions qui doivent venir voir l’Europe. En cela, il est parfaitement d’accord avec Valérie Pécresse. Il n’y a que 30000 fonctionnaires européens, cinq fois moins qu’à Bercy.
La BEI (Banque européenne d’investissement) est très active, et est prête à financer nombre de projets. Valérie Pécresse propose cependant deux points d’amélioration: les contrôles, qui peuvent effrayer. Et un peu plus de retours, sur ce qui est fait en direct par la Commission européenne. Enfin, le multilinguisme pose problème. L’anglais, l’allemand et l’espagnol représentent 94% des langues enseignées: l’Europe est composée d’autres langues (note: ça va être difficile sur ce point…).
Sur le Brexit, on n’a pas pris conscience de toutes les conséquences négatives de la sortie du Royaume-Uni, selon Valérie Pécresse, qui rappelle que Paris et la région Ile de France sont prêts à accueillir les acteurs qui chercheraient à se repositionner en Europe. En cela, elle s’inscrit dans une compétition positive avec d’autres régions. Pour Pierre Moscovici, le Brexit n’a pas encore eu lieu: il se déroulera le 3à mars 2019, et malgré ce que prétend Tony Blair, il n’y aura pas de marche arrière. Mais il y a plusieurs types de Brexit: une version hard et une version soft. On ne peut pas tout casser du jour au lendemain: en matière de coopération militaire, par exemple, Français et Britanniques restent les deux seules puissance nucléaires du continent. Demain, la zone Euro sera plus forte que la grande-Bretagne. Dans dix ou vingt ans, un leader britannique émergera qui proposera, peut-être, de revenir en Europe…
Table ronde avec Nathalie Loiseau
Ministre chargée des affaires européennes, et qui rappelle elle aussi être passée par les amphis de Paris-Dauphine, Nathalie Loiseau revient sur le couple franco-allemand, moteur de l’Europe. C’est devenu compliqué, de nos jours, du fait de la coalition actuelle en Allemagne. Heureusement, la chancelière est pro-européenne, ainsi que les partis impliqués dans la coalition. Et les sujets de coopération sont nombreux. L’Europe de la défense est une initiative franco-allemande. La taxation des GAFA est une initiative franco-allemande; Il y a des sujets de désaccord (le glyphosate), des petites rivalités (pour l’implantation de telle ou telle institution européenne), mais le couple fonctionne toujours. Bien sûr, l’euroscepticisme existe, il ne faut pas le nier. Mais il ne faut pas non plus en exagérer l’importance.
Nathalie Loiseau remarque que l’Europe a toujours progressé à travers les crises. La Grèce n’est pas sortie de la zone Euro, mais la crise rencontrée à cette occasion a permis de tirer certains enseignements: réparons le toit quand il fait beau et non quand il pleut.
L’Europe, c’est la réunion de pays puissants qui ont des intérêts convergents mais des cultures et des histoires différentes.
— Nathalie Loiseau
Pour Philippe Oddo, il est temps de créer l’Erasmus de l’entreprise (c’est une excellente idée, sur laquelle planche actuellement Affinita à l’initiative de l’agence néerlandaise Nubis). Pour Frédéric Mazzella, l’Eruope est une opportunité pour les entreprises européennes qui font face aux entreprises américaines et chinoises, qui ont la chance de faire face à des marchés unifiés. Il est aussi question d’état d’esprit: il est temps d’uniformiser le marché du numérique, même si Nathalie Loiseau recommande de tenir compte des particularités, comme le droit d’auteur (cf. Au pays de Numérix). Il prend l’exemple d’Israel, pays emblématique du digital, grâce à l’état d’esprit (note: grâce aussi à l’étroitesse du marché local…). Mais attention, rappelle Nathalie Loiseau, les champions du numérique ont éclos aux Etats-Unis aussi grâce aux investissements publics.
Jean-Luc Sauron est inquiet du décalage entre le discours et la réalité, notamment, par exemple, sur l’uniformisation des procédures ou des législations. Il faut se méfier entre un discours plein d’espoirs, et ce qui se passe sur le terrain, notamment par exemple sur le social.
L’Europe, ce n’est pas la France en grand.
— Jean-Luc Sauron
Philippe Oddo revient sur l’importance des entreprises dans la construction européenne. Il note que la ministre a mentionné avoir consulté des mairies, des chambres de commerce… mais a oublié de consulter les entreprises: qu’elle les consulte, et elle verra les effets majeurs. Frédéric Mazzella rappelle que les Etats-Unis, même si on voit ça comme un seul pays, sont constitués de 50 états: quand on rencontre un américain, il ne vient jamais de l’endroit où on le rencontre. Aux Etats-Unis, on bouge pour que les talents puissent bouger et pour que la cohésion opère: c’est ce qui doit arriver en Europe.
Table ronde avec Gaspard Koenig, David Layani, Octave Klaba, David Monteau, Dominique Calmels, David Martinon, Stéphanie Von Euw
En 2017, 41% des licornes sont américains, 37% sont chinoises. Il n’y a que trois licornes françaises – Criteo, Blablacar, Ventes Privées, selon Valérie Hoffenberg, mais Octave Klaba rappelle qu’il en dirige une aussi :). Comment passer de l’écosystème de la #FrenchTech à la construction de licornes? Quels sont les ingrédients?
Octave Klaba, fondateur d’OVH, rappelle que l’expansion à l’internationale d’OVH s’est faite par étapes: au bout de cinq ans en Europe (en commençant par la Pologne), puis cinq ans après aux Etats-Unis, puis cinq ans après en Chine. La taille du marché européen est un vrai souci. La taille est la même en nombre de citoyens, mais l’histoire et la culture créent des fractures. La protection des données y est hyper importante, mais les multiples législations sont un frein. L’Europe est un ensemble de pays où il y a un sacré décalage. Par exemple, pour créer une société en République Tchèque, il faut venir avec une valise de cash: on ne peut pas faire de virement initial. En réalité, et malgré tous les efforts, l’Europe n’existe pas: il y a plusieurs cultures, plusieurs monnaies, plusieurs chaînes de télévision. On ne peut pas être une entreprise à forte croissance sans passer par les Etats-Unis: c’est là-bas que s’organise la croissance, l’hyper-croissance.
David Layani, dirigeant fondateur de OnePoint, est aussi parti à l’étranger. Il a créé sa première filiale en Amérique du Nord au bout d’un an. Profondément français par conviction, profondément européen par son éducation, profondément inspiré par le rêve américain: l’enjeu est culturel. L’Europe a tous les atouts: des écoles prestigieuses, un espace économique, un savoir-vivre, un savoir-être, mais elle fait penser à une grande entreprise très découpée en silos, et surtout non incarnée.
Pour Dominique Calmels (CFO Accenture France et Belgique), s’il y a l’Europe des citoyens ou l’Europe de la géographie, il manque l’Europe des entreprises (sans parler de l’Europe politique, hein). L’Europe peut-elle transformer des start-up en grandes entreprises? Pas simple.
David Monteau (directeur de la FrenchTech) rapond à Valérie Hoffenberg qui suggère que la Silicon Valley ne représente pas qu’une région, mais la globalité de l’écosystème start-up américain: ne faudrait-il pas une #EuropeanTech? Personnellement, je pense qu’elle se trompe: il existe une vraie rivalité entre les écosystèmes start-up de New-York, de San Francisco ou de la région de Seattle: rivalité en termes de levées de fonds, de recrutement, etc. L’innovation est affaire de clusters (cf. ce qu’en dit Gadi Arav, témoin de l’explosion de la tech en Israel).
Pour Stéphanie Von Euw, l’Europe s’est créée sur des politiques thématiques. Les pouvoirs publics sont rentrés en jeu par la suite.
Les Etats-Unis innovent, la Chine imite, l’Europe régule.
C’est en rappelant cette blague que Gaspard Koenig prend la parole. En France, on a étranglé le capital. Pour répondre à cette faille de marché, l’Etat crée la FrenchTech ou la BPI. Fort bien. Mais en réalité, c’est parce qu’il a créé le problème que l’Etat vient apporter les solutions, qui sont largement plus coûteuses que si on avait les entreprises se développer plus librement. Et de rappeler que AirBnB, Uber ou le coavionnage sont interdits dans certaines villes ou certains pays.
Pour David Martinon, tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut unifier le marché européen. Mais pour y arriver, il faut harmoniser. Tout en maintenant une certaine émulation entre les états. Le paquet européen est une bonne idée, mais l’uniformisation est difficile.
Octave Klaba que l’Europe s’est construite sur la défense: pas sur un rêve commun, mais pour se protéger des un des autres. Il faudrait non pas pas avoir une vision défensive, mais une vision de construction commune. Il faut arrêter de demander à chacun ce qu’il veut, parce que la première réponse sera une réponse défensive. Il faut aller de l’avant, on ne sait pas ce qui va se passer dans 5 ou 10 ans. Les européens sont stressés, alors que pour progresser, il faut avancer en ayant confiance.
Les européens inventent et appliquent des règles pour se protéger, en pensant qu’ils seront protégés, mais en réalité, cela génère un décalage dans la puissance des entreprises européennes par rapport aux américaines ou chinoises.
— Octave Klaba
Pour David Layani, on régule toujours a posteriori. Ce n’est pas une honte de réguler, mais il faut comprendre quel en est l’impact. Pour David Martinon, sur la question des données, on est entrés dans une phase de négociation stratégique avec les Etats-Unis et il est impérieux pour nous de ne pas être naïf.
Pour David Monteau, si l’innovation doit rester le fait des entreprises, l’innovation de rupture doit être portée par les investissements publics. Mais pour avoir de l’innovation de rupture, comment la financer ? Par les impôts des GAFA, comme le propose Valérie Hoffenberg? David Martinon rappelle que les GAFA ne fraudent pas, et que la responsabilité est avant tout le fait des états.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec