Mais où est passé Jamal Khashoggi ?

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Tous les états ou presque, qu’ils soient des dictatures ou des démocraties, ont un jour ou l’autre tenté, avec plus ou moins de réussite, de faire disparaître un opposant un peu trop actif, ou une menace pour la sécurité intérieure. De Ben Barka, opposant marocain disparu sur le territoire français dans les années 60 à Guy-André Kieffer il y a une dizaine d’années en Côte d’Ivoire, on pourrait faire une liste assez longue de ces disparitions rarement résolues, et souvent attribuée aux services secrets de tel ou tel pays. Certains d’entre eux ont développé des armes redoutables comme le parapluie bulgare, plus ou moins sophistiquées, et utilisées avec plus ou moins de succès. Dans la série de ces disparitions rocambolesques, l’Arabie Saoudite vient de rajouter un épisode des plus étonnants avec la disparition de Jamal Khashoggi.

Le parapluie bulgare, arme peu probablement utilisée par un régime qui connaît 330 jours d’ensoleillement par an. Source: Wikipedia.

Il faut dire que les saoudiens n’y sont pas allés de main morte. Au lieu de s’occuper de leur « client » dans un parking ou dans sa chambre d’hôtel, ils l’ont gentiment laissé venir se jeter dans la gueule du loup, au consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul. Sous prétexte de refaire son passeport. Le journaliste en question, neveu du marchand d’armes Adnan Khashoggi (et donc probablement pas né de la dernière pluie), n’a probablement même pas eu conscience du piège qui allait se refermer sur lui.


Jamal Khashoggi aimait bien se payer la tête de son patron.

Les scénarios possibles…

Que s’est-il passé derrière les murs du consulat ? Plusieurs scenarios sont possibles. Tentons d’en faire la liste.

  • L’acte prémédité: une troupe de tueurs patentés, envoyés par le régime en place, s’occupe de Khashoggi dès son arrivée: scénario peu probable. À quelques jours du « Davos » saoudien, on imagine mal le pouvoir en place se tirer une telle balle politique dans le pied. Et d’autres moyens, plus discrets, auraient probablement été employés.
  • L’excès de zèle: on connaît tous ce type d’individu, doté d’un pouvoir restreint mais qui entend l’exercer à plein régime, capable de se dévouer pour une cause qu’il ne comprend souvent qu’à moitié, et qui croyant faire le bien commet les pires erreurs. La Fontaine l’avait déjà écrit: « Rien n’est plus dangereux qu’un ignorant ami, mieux vaut un sage ennemi« . Pensant rendre service à son patron, un gros bras s’en prend au journaliste, le tabasse plus que nécessaire, et voilà l’affaire. Peu probable: dans des régimes aussi fort que celui-ci, même les bras cassés risquent gros. Il faudra cependant suivre la liste des exécutions en place de Grève dans les prochains jours pour infirmer ou confirmer cette hypothèse…
  • L’accident malheureux: Jamal Khashoggi était, semble-t-il, malade. Oh, rien de très grave, un peu de diabète et d’hypertension, rien que du classique à la soixantaine passée. Khashoggi n’étant pas le journaliste d’investigation que vous imaginez, mais plutôt proche de familles aisées comme les Ben Laden, son régime alimentaire n’a pas dû être des plus sains. Un petit coup de colère, et c’est la crise cardiaque assurée, un peu comme dans une séquence bien connue de ce film. Scénario fort possible.
  • Un coup d’un service « ami »: il faut bien comprendre que Jamal Khashoggi… n’avait pas que des amis. Bien que chroniqueur au Washington Post, et résident sur le territoire américain, il était un fervent supporter des Frères Musulmans, et à ce titre, se battait contre toutes les formes de pouvoir autocratique dans les pays arabes. Son idéal, c’était Enahda. Ce qu’il abhorrait plus que tout: le général Sissi. On voit bien, dès lors, que les Saoudiens n’étaient pas les seuls à vouloir se débarrasser de lui. Un petit coup de main du régime turc n’est même pas du tout inenvisageable…
  • La balle perdue: comme dans ce célèbre film des années 80, une balle perdue traverse une porte d’un des bureaux du consulat. Malheureusement, l’éditorialiste du Washington Post, qui ne mâchait pas ses mots envers le pouvoir en place, était adossé à cette porte, en train d’envoyer un SMS à sa tendre et douce. La balle lui perfore le poumon droit, d’une blessure mortelle. Rien à faire, le cas est désespéré. On imagine le désarroi des services de sécurité saoudiens, qui, pris de panique, comme Zézette épouse X et son amour de Félix, décident de se débarrasser du corps en le découpant. Ceux qui ont vu le film savent que, dans ce cas, c’est plutôt du côté du zoo d’Istanbul qu’il faudrait lancer les recherches…

On ne saura probablement jamais la vérité sur ce qui s’est passé le 2 octobre 2018 au consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul. Mais avouez que ça détourne bien l’attention de tout ce qui se passe ailleurs, dans le monde, depuis trois semaines…

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