L’union fait la farce
Ce que les différents partis de gauche, et leurs candidats à l’élection présidentielle, n’ont pas réussi à concrétiser durant plusieurs mois, s’est enfin réalisé en moins de deux semaines : l’union des forces de gauche. Sous l’impulsion donnée par un Jean-Luc Mélenchon conquérant, les partis politiques en présence – les verts, le PS, les communistes – se sont rassemblés pour ne présenter que des listes uniques durant les prochaines législatives. Qu’est ce qui a bien pu pousser des gens qui s’entre-déchiraient pendant des seamines à se mettre d’accord en si peu de temps ?
J’y vois plusieurs raisons.
La première, c’est la convergence des intérêts. La France Insoumise a peut-être un leader maximo qui sait occuper le terrain, elle souffre néanmoins d’un problème de représentativité en régions. Globalement, l’élection présidentielle a montré que la France vote à droite. Fractionner le vote de gauche dans les différentes circonscription, c’était prendre le risque, scrutin majoritaire aidant, de réduire les chances de figurer au second tour. Réunir les voix de gauche, c’est, au contraire, donner sa chance à un candidat unique.
La seconde, c’est l’urgence économique. Le candidat Mélenchon a certes obtenu un joli score le 8 avril dernier, mais ses nouveaux alliés se sont, eux, complètement ramassés. Prendre le risque d’une nouvelle gamelle, c’est prendre le risque d’un défaut de financement, pour ces partis, dont la santé économique n’est sans doute pas à son meilleur niveau. Il faut se refaire, et pour cela, rien de mieux que de pouvoir placer quelques élus, créer un groupe à l’assemblée, et obtenir les subsides qui vont avec.
La troisième, c’est que aucun des acteurs de ce rassemblement, hors LFI, n’avait peut-être envie de prendre le risque de voir Mélenchon diriger le pays. Mais tous veulent conserver, ou regagner, leurs postes de député. Au diable les rancoeurs post-présidentielles, nouvelle élection = nouvelles règles. Arriver unis à la présidentielle, cela ne sert qu’un seul intérêt. Arriver unis aux législatives, cela sert l’intérêt commun (d’un petit groupe), et c’est une manière de conserver son job…
La dernière enfin, c’est l’occasion rêvée, par ceux qui n’ont pas réussi à s’imposer aux primaires de leur parti, de le faire imploser et de se débarrasser de certaines figures historiques. C’est flagrant au Parti Socialiste, où l’on voit les anciennes stars – globalement les anciens ministres sous François Hollande – se pincer les nez d’écoeurement : pour eux, c’est « tout sauf Mélenchon ». C’est moins flagrant chez les Verts ou au PC, mais enfin, il n’y a qu’à constater comment Sandrine Rousseau rayonne de bonheur depuis quelques heures, pour comprendre qu’enfin, elle est en train de réussir son coup.
Bref, l’union de la gauche sous Mélenchon, c’est tout sauf le programme commun. C’est une farce immense et grotesque, un petit arrangement entre ennemis pour que chacun conserve sa place. Bref, tout changer pour que rien ne bouge.
C’est marrant, j’ai déjà vu ce slogan quelque part.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec