L’intelligence artificielle n’existe pas
Dans la famille des livres sur l’intelligence artificielle que j’ai lu ces derniers mois, en voici un qui ne mâche pas ses mots. Pour Luc Julia, co-inventeur de Siri et VP Innovation chez Samsung, il faut arrêter de raconter tout et n’importe quoi sur le sujet : l’Intelligence Artificielle n’existe pas, ou tout du moins, celle dont on affirme qu’elle marque la fin prochaine de la domination de l’espèce humaine. Pour Luc Julia, les histoires de robots ou d’androïdes qui prennent le pouvoir et réduisent l’espèce humaine en esclavage sont des racontars qui servent tout juste à faire quelques films de SF, ou vendre des livres anxiogènes.
Ce en quoi je suis assez d’accord avec lui. Ces histoires de transhumanisme, d’IA forte vs. IA faible, de point de basculement, cachent la simple et triste réalité : ces algorithmes qu’ont dit intelligents sont certes capables d’effectuer des traitements complexes que des êtres humains auraient bien du mal à accomplir dans des délais raisonnables, mais ne sont capables de faire que ce pour quoi ils ont été programmés.
Rien de plus, cher lecteur, chère lectrice. AlphaGo ne saura jamais jouer de la guitare, et Waze ne saura jamais détecter envoyer des inspecteurs de police pour mettre un terme aux agissements de ceux qui cherche à tromper son algorithme.
C’est comme ça, et c’est tout aussi bien.
Luc Julia n’y va pas de main morte. Il dézingue à tout va. Il faut dire que ses succès passés lui donnent un avantage certain sur d’autres auteurs qui abordent le sujet de l’IA sous un angle purement philosophique, oubliant qu’avant tout il s’git de programmation et technologie, incapable de faire ce pour quoi elle n’a jamais été conçue. Luc Julia se veut donc rassurant.
Mais il ne faut pas pour autant négliger les problèmes et les risques soulevés par l’usage de plus en plus fréquent d’algorithmes. Et c’est en fait plutôt cet aspect là qui doit soulever des inquiétudes, et non l’essor d’intelligences supérieures bien qu’artificielles. Car l’effet de bord induit par la multiplication des IA, c’est le renoncement à une certaine forme d’autonomie ou de responsabilité, au prétexte que l’IA serait capable de prendre de meilleures décisions qu’un être humain.
C’est cette dictature de la technologie qui forme la principale menace, et non la domination des algorithmes.
Bref, le danger, ce sont, comme toujours, les effets de bord.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
C’est aussi ce qui me frappe concernant l’IA : un refus de responsabilité.
L’algorithmique mathématique, non IA, est une démonstration, mathématique. L’IA est un acte de foi : non seulement l’IA ne démontre rien, mais elle prétend que nous devons nous incliner devant elle. Manifestation de la « volonté de puissance » de Nietzsche ?
J’ai assisté à une des premières conférences de Luc Julia, qui est un fort bon orateur. Curieusement, nous avons fait des carrières parallèles. Je connaissais tout ce dont il parlait, depuis le début. Au fond, ce qui a fait son succès est qu’il s’est accroché à des techniques d’IA primitives, qui ne tenaient pas la route, mais qui ont été maintenues à flots par une succession de bulles spéculatives, dont il a pu profiter, parce qu’il était aux USA. (Comme quoi la spéculation a une forme de rationalité !)