LinkedIn fatigue
Cel fait presque 20 ans que j’ai ouvert mon compte sur LinkedIn. Avec le temps, ce réseau social, dit professionnel, s’est enrichi de multiples fonctionnalités plus ou moins utiles. Si bien qu’aujourd’hui, son fonctionnement n’est ni plus ni moins que celui d’un Facebook, sans limitation du nombre d’amis, et avec une propension de plus en plus agaçante à l’auto-promotion et à la satisfaction facile.
Le réseau des pros, vraiment ?
La promesse d’un réseau social professionnel aurait pu être autre chose. Les premières versions de LinkedIn, à la fin de la première décennie du siècle, étaient beaucoup plus sobres, avec un fil d’actualités concentré sur le fonctionnement du réseau. Les groupes étaient encore des espaces où l’on pouvait découvrir de nouvelles choses, s’informer. Un espace de questions-réponses, aujourd’hui hélas disparu, apportait le type de service qu’on retrouve de nos jours sur Quora, par exemple.
Mais la logique économique est passée par là. Les revenus issus des comptes premium ou de la partie recrutement ne suffisaient sans doute pas. La manne publicitaire qu’apporte le fil d’actualité est venue modifier les usages, en clonant les usages de Facebook. Le résultat est, à mon sens, désastreux.
Ou le réseau de l’auto-promotion ?
LinkedIn m’ennuie de plus en plus. C’est devenu un Facebook soi-disant haut de gamme, sans les clashes ni les blagues à deux balles. Le langage aseptisé et reconnaissable à 10 000 kilomètres des community managers a fini par m’exaspérer. Entre les « nous sommes fiers« , les « saviez-vous que« , les « encore un superbe projet remporté par« , et autres galimatias dont LinkedIn nous gave à longueur de journée, la valeur cognitive individuel de chaque post est désormais au plus bas.
Sans oublier les dizaines de notifications inutiles que nous recevons, dont la majeure partie ne nous apprend rien si ce n’est qu’on a été tagué (quel calvaire, mamma mia, qui a inventé un truc pareil! ) ou que tel ou tel contact est devenu sous-chef de son auto-entreprise…
Sans oublier non plus feu le social selling, ou plutôt le renouveau du personal branling, pour reprendre le titre d’un blog autrefois très à la mode. Les actualités personnelles d’individus croisés il y a 9 ou 10 ans ont-elles vraiment un intérêt professionnel ? J’en doute fort.
Sans parler de ces dizaines d’invitations sorties de nulle part, qu’il faut repousser à longueur de temps. C’est sans doute le résultat perverti de ces démarches de social selling, dont Sylvie Lachkar et moi avons pourtant été les promoteurs il y a quelques années au travers d’un livre assez bien reçu. Beaucoup de consultants poussent à construire un réseau le plus large possible, au détriment de l’intérêt évident que doit porter toute relation humaine. Je me suis toujours opposé à cette démarche : une relation faible, établie il y a plusieurs années, n’apporte rien de vraiment intéressant. Metcalfe avait tout faux.
Le résultat le plus tangible, c’est une démarche de réduction progressive de ce réseau bien trop large pour avoir de la valeur. À raison d’une dizaine de relation supprimées par jour, je compte bien faire maigrir cette communauté d’individus dont les noms, pour certains, n’évoquent pratiquement rien, et dont l’actualité personnelle m’importe peu.
Il faut savoir garder une taille raisonnable. Les réseaux sociaux, et LinkedIn en particulier, devraient inciter leurs utilisateurs à tenir compte de cet aspect.
Sans cela, la lassitude s’installera. Les utilisateurs s’en iront.
Et le modèle économique dépérira.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Merci Hervé Kabla pour cet article, je m’interrogeais récemment sur l’idée d’en publier un sur Linkedin pour peu ou prou témoigner de cet essoufflement que je perçois aussi.
Linkedin fatigue oui, et me fatigue. Après Viadeo qui a coulé pour d’autres raisons, Linkedin est sans doute en train de faire naufrage. Linkedin est devenu comme Facebook, en nettement moins bien, les interactions y étant ultra-pauvres, convenues et stéréotypées, avec un jargon de novlangue managériale qui comprend moins de 200 mots,
J’ai récemment signalé un post « puttaklic » à Linkedin (du type « tapez deux fois sur le dauphin »). J’ai reçu une très longue réponse en forme de justification, me disant en substance que le post n’était pas contraire à la politique de Linkedin. Fermez le ban.
J’ai eu pendant quelque temps un abonnnement premium sur Ln (cher). Je l’ai résilié.
Je me suis désabonné de tous les autopromoteurs qui me saoûlent et génèrent un contenu souvent très pauvre.
Je me suis imposé comme discipline de ne plus rien commenter ni liker sur Ln dès lors que je perçois que c’est de l’autopromotion,
Merci Alexandre, je suis heureux de constater que je ne suis pas le seul à éprouver ce type d’impression. Des interactions convenues et stéréotypées, tu as parfaitement raison. Il faudrait mener une analyse sémantique du vocabulaire utilisé sur LinkedIn, je suis certain qu’on trouverait moins de termes que dans le vocabulaire utilisé dans ces séries pour ado devenues à la mode. Et je suis exactement la même discipline que toi.
Au tout debut de Linkedin, on pouvait contacter des gens à deux ou trois degrés de séparation en demandant à ses contacts de faire suivre sa demande de connexion.
Ce mécanisme exploitait pleinement la notion de confiance entre les individus : pour qu’une demande aboutisse, il fallait que chaque maillon de la chaîne la fasse suivre.
Je trouvais cela très pertinent.
Exactement. À force de copier Facebook, LinkedIn a perdu son âme.
Tres interessant, merci Hervé. Cela me rappelle une discussion acharnée avec mes enfants, a l’époque ou j’avais une regle tres stricte de n’accepter les invitations de connexion LinkedIn qu’avec des gens que j’avais rencontrés physiquement au moins une fois. Ma fille m’a expliqué (lentement, vu mon age…) que je n’avais rien compris au principe de LinkedIn ,et qu’il fallait en fait que je connecte avec le maximum de personnes, au nom de la sérendipité. Hum…
Est-ce une question d’age? La relation de confiance dont nous parlons trahit-elle une valeur (un peu désuette pour les millenials) de notre génération…?
Non, ce n’est pas une question d’âge, il y a des gens de notre génération qui procèdent à cette course au nombre de contacts de manière quasi obsessionnelle. La sérendipité, c’est sympa, mais si on la provoque, … et bien ce n’est plus de la sérendipité, ça devient du bruit.