Liberté, Égalité, Pénibilité
Si vous pensiez qu’il est facile de faire passer des réformes en France, la séquence actuelle a dû vous faire un choc. Les modifications importantes que le gouvernement a tenté d’apporter, de manière à assurer le bon fonctionnement du système de retraite par répartition, en tenant compte de l’allongement de la durée de vie et de l’impact de la génération des boomers, ont provoqué un levée de boucliers dont on n’a probablement pas encore fini d’entendre parler.
Ni gauche, ni droite
À gauche, un front commun de protestation a tout fait pour bloquer les débats, apportant des centaines d’amendement qui ont réduit à néant toute possibilité de débat. À droite, aussi bien du côté de la droite traditionnelle que de l’extrême, tout a été fait pour se saisir de l’opportunité et faire tomber le gouvernement. On comprend l’intérêt du Rassemblement national, dont le candidat sortirait probablement vainqueur en cas de nouvelle élection présidentielle. Du côté des Républicains, en revanche, c’est véritablement grotesque. Une poignée de députés de droite se sont associés à la motion de censure rejetée lundi dernier, alors que ce parti politique était en faveur de l’allongement de la durée de cotisation et du départ à la retraite à 64 ou 65 ans.
C’est d’autant plus grave, que si ces 19 députés avaient rejeté la motion de censure au lieu de voter en sa faveur, ce n’est pas avec un écart de 9 députés, mais avec un écart de 28 députés, qu’elle aurait été rejetée.
Que faut-il en déduire ? Que ces 19 députés de droite ont préféré prendre le risque de faire tomber un gouvernement en passe d’imposer – par le 49.3 certes – une évolution que les précédents présidents de la République, de droite comme de gauche, n’ont jamais réussi à faire passer, plutôt que de voter en accord avec leurs idées. C’est pathétique, pitoyable et dangereux.
Chaud devant
Dangereux parce que ce faisant, on laisse les partis faire croire que le passage en force de cette évolution serait anti-démocratique. Comme si l’élection d’un président de la République à 49,5% contre 50,5% – voire 49,3% contre 50,7% comme le suggère Charlie Hebdo – serait un déni de démocratie. La démocratie, en l’occurence, c’est plutôt de se plier au choix de la majorité. L’inversion des valeurs, dans les discours tenus par LFI ou le RN, est patente.
Les médias ont leur lot de responsabilité, dans cette dérive. Depuis plusieurs jours, à la télévision comme à la radio, les journalistes de tout bord font la part belle aux adversaires de Macron. Il serait intéressant de mesurer leur temps de parole ces dernières semaines. On donne la parole aux grévistes de toute sorte, mais on entend peu celles ou ceux qui n’ont pas fait le choix de la révolte. À commencer, comme le rappelle le Canard, par ces professions dites sensibles, pour lesquelles des régimes dérogatoires ont été maintenus : pilotes et policiers, entre autres…
La réalité toute simple, c’est que le français moyen n’aime pas travailler. Il peut apprécier son travail, mais travailler, à long terme, ça use, que le travail soit pénible ou non. Profs comme ouvriers, salariés du tertiaire comme employés de supermarchés, tous en ont ras-le-bol de leur job, et préfèreraient se la couler douce, dès 60 ans, et même avant si cela était possible. Oubliant qu’il y a certaines professions, comme les dentiste ou restaurateur, où il est parfois nécessaire de travailler jusqu’à 70 ou 75 ans. Non par pur plaisir, mais par nécessité économique. Est-il plus pénible d’être caissière de supermarché, assise derrière son comptoir, ou dentiste penché sur la bouche de ses patients ?
Pénible, vous avez dit pénible ?
La pénibilité est en passe de devenir l’une des valeurs fondamentales de la République. Les français trouvent leur travail pénible, pour des raisons qui ne sont pas toujours évidentes. On a vu combien les députés LFI, à leur manière, pouvaient être pénibles – à entendre principalement. Pour ma part, je ne suis pas pressé de découvrir pour quelles raisons le RN, s’il venait au pouvoir, serait tout aussi pénible…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec