LFI est-il un parti antisémite ?
Depuis le début de la campagne électorale pour les élections législatives, la course aux électeurs est engagée. Si le parti présidentiel peine à conquérir des voix, du côté des oppositions, et notamment des partis extrêmes, tout est fait pour ratisser large et récolter suffisamment de sièges pour obtenir la majorité absolue, et ne pas se retrouver avec une victoire trop étriquée. Mais si l’extrême-droite peut compter sur une solide assise avec plus de 35% des suffrages exprimés lors des européennes, ce n’est pas le cas à gauche, où LFI n’a réussi à convaincre, sur son propre programme, qu’à peine 10% des électeurs qui s’étaient déplacés. La faute, me semble-t-il, à des propos souvent extrémistes, et à une campagne axée principalement sur des manifestations de soutien à la Palestine.
L’accord passé avec le PS ou les écologistes permet certes d’élargir la part des électeurs susceptibles de voter à gauche, mais ce ne sera pas si simple. Entre les règlements de comptes au sein de LFI (Eric Coquerel et sa compagne peuvent vous en parler…), la méfiance légitime de nombreux élus socialistes pour leurs ambitieux partenaires, et le refus de certains électeurs de voter pour un parti aux nombreuses dérives, la campagne s’annonce plus compliquée que prévu.
Le parti de Jean-Luc Mélenchon fait face à de nombreuses critiques. Celles portant sur leur programme économique sont les plus faciles à gérer, la gauche a toujours su défendre le bout du gras sur ses projets utopistes. Mais celles portant sur la dérive antisémite de ces derniers mois font plus mal. Les pontes de LFI tentent, depuis l’annonce de la dissolution, de s’en défaire en proclamant un peu partout que leur parti n’est pas antisémite. Cette revendication porte ses fruits auprès de leurs plus fidèles supporters, et j’ai eu quelques échanges dernièrement avec des amis qui vont voter à gauche le 30 juin prochain – oui, j’ai des amis de gauche – et qui soutiennent les propos de LFI, comme si c’était le dernier rempart pour me convaincre de voter pour le « Nouveau Front Populaire ».
Ne voulant pas les laisser dans l’ignorance, j’ai donc décidé d’écrire ce petit article ou je vais tenter de répondre à cette question qui taraude les foules : LFI est-il un parti antisémite ?
LFI est-il un parti antisémite ? Les arguments qui incitent à répondre non…
À première vue, non, LFI n’est pas un parti antisémite.
Rien, dans le programme de LFI ou de cette nouvelle forme de NUPES n’invite à l’éradication du peuple juif, à son extermination ou à son expulsion du territoire national. LFI et ses dirigeants n’appellent pas à la fermeture des synagogues, ni à celle des restaurants et des commerces cachers. Ils ne comptent pas, s’ils accèdent au pouvoir, interdire la circoncision (et pour cause…), et si l’on compte dans leurs rangs quelques chauds partisans du parti animalier, ils ont mis la pédale douce et ne semblent pas vouloir se prononcer (et pour cause également…) sur l’abattage rituel.
Allons plus loin dans le soutien des propos des amis de Mathilde Panot. LFI compte dans ces rangs quelques figures issues de la communauté juive, comme Arié Alimi, avocat de Jean-Luc Mélenchon, ou encore la tête de liste LFI aux européennes, Manon Aubry, dont la grand-mère maternelle est une juive d’origine algérienne, dénommée Denis Chicheportiche…
En réalité, et il faut bien l’avoir en tête, des juifs de gauche, et d’extrême gauche, il y en a toujours eu. Avec toute la dose de paradoxes que cela suppose, quand on se souvient du sort réservés aux juifs d’URSS…
Cela suffit-il à disculper LFI de ce soupçon d’antisémitisme dont il peine à se défaire, et qui risque de lui coûter, ainsi qu’à ses amis, un score pénalisant lors du prochain scrutin ? On peut en douter.
LFI est-il un parti antisémite ? Les arguments qui incitent à répondre oui…
Car l’antisémitisme, depuis quelques années, est devenu un délit, et les dirigeants et partisans de LFI le savent très bien. Vous ne verrez aucun antisémite en France se proclamer ouvertement antisémite : il faut, désormais, procéder autrement. De fait, il existe un moyen beaucoup plus simple de rallier des individus ayant un fort penchant antisémite à sa cause : il suffit de se définir anti-sioniste. Et à ce petit jeu-là, avouons-le, LFI porte le combat très haut. Et ses dirigeants et partisans, eux, n’hésitent absolument pas à se définir comme anti-sionistes.
Il faut dire que cette posture anti-sioniste est doublement avantageuse. Elle permet d’une part de faire du crypto-antisémitisme, et d’autre part d’aller draguer des électeurs dont une bonne partie sont issus de l’immigration depuis des pays qui ont eu à souffrir d’une présence coloniale, celle de la France. Au nom d’une soi-disante convergence des luttes anti-coloniales, LFI se pare donc de ses plus beaux atours, prônant une solution non pas à deux états, mais à un état binationale. Et au lieu de l’appeler Israel – qui est, rappelons-le, un pays où réside une importante communauté arabe – LFI propose de l’appeler Palestine, c’est plus simple. D’où la multiplicité des symboles comme le fameux slogan « from the river to the sea, Palestine will be free« , ou l’apparition d’une Palestine toute rouge sur des affiches ou des pancartes, lors des manifestations évoquées plus haut.
Mais s’il n’y avait que cela. LFI a décidé d’axer sa campagne des européennes sur le soutien à Gaza et à la population palestinienne, choix louable, si tant est qu’il représente un enjeu pour les peuples européens : on n’a pas vu les peuples libanais, syriens, jordaniens ou égyptiens s’engager outre-mesure pour leurs voisins pourtant plus proches. Ce choix délibéré a conduit à un quasi effacement de sa tête de liste, Manon Aubry, au profit de la star montante de la cause palestinienne, celle que je surnomme Grimace lassante tant sa langue de bois déversée à longueur d’interventions finit par m’énerver. Rima Hassan, réfugiée de mère en fille, a moins de pudeurs que ses amis de LFI. Pour elle, Israel est tantôt un état d’apartheid – rappelons qu’en Israel, les arabes israéliens ont bien plus de droits que les rares juifs du Yemen ou d’Iran… – et tantôt un état génocidaire. Génocide aujourd’hui, déicide hier, la terminologie reste très proche : les juifs sont des assassins, et il faut s’en débarrasser, pour Rima Hassan.
Et c’est là où le bât blesse. En laissant Grimace lassante et ses amis du BDS agir ainsi, LFI mène ce qu’on pourrait appeler un antisémitisme de proxy, comme l’Iran mène une guerre de proxies avec Israel, par le biais du Hezbollah ou du Hamas. Au final, LFI n’a pas besoin d’être ouvertement antisémite, il lui suffit de ne pas condamner le Hamas pour ses agissements du 7 octobre. Il lui suffit de crier au génocide à chaque opération israélienne. Il lui suffit de détourner des termes de leur sens initial (génocide, front populaire, apartheid, etc.) pour manipuler les esprits. Il lui suffit de faire défiler ses troupes baignant dans une marée de drapeaux palestiniens. Il lui suffit laisser ses partisans empêcher les étudiants juifs de rentrer dans leur université, ou intimider leurs enseignants portant un nom à consonance juive. Il lui suffit de faire du scandale à l’Assemblée nationale. Bref, il lui suffit d’entretenir un anti-sionisme de bon aloi, et de laisser les plus teigneux mener ce combat au quotidien, dans les médias ou sur les réseaux sociaux.
Résultat : s’il est difficile de qualifier ouvertement LFI de parti antisémite, il serait suicidaire à un juif religieux de se promener avec une kippa au milieu d’un meeting LFI ou lors d’une marche de « soutien » à la Palestine.
Et donc, pour conclure…
« Ne pas nommer les choses, c’est ajouter à la douleur du monde« , disait Camus.
Je crois qu’à ce titre, ne pas qualifier d’antisémite l’attitude, le public, la posture, ou les engagements de LFI, c’est ajouter au malheur des juifs de France.
Pour moi, LFI est antisémite.
Et je ne voterai jamais pour un quelconque de leurs candidats.
Quand bien même hurlerait-il devant moi qu’il n’est pas antisémite.
Quand bien même s’appellerait-il Mélenchon et proclamerait-il haut et fort qu’il sera aux côtés de tout juif en cas de menace.
Car, comme disait Pasqua, « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient« …
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec