Les prodiges de la vie
Les prodiges de la vie est une nouvelle d’une centaine de pages, écrite au tout début du XXème siècle, alors que Stefan Zweig vient tout juste de finir ses études. Il y raconte l’histoire d’un peintre flamand à qui l’on a commandé une madone, pour venir décorer l’autel d’une église. Mais d’un âge assez avancé, notre peintre se retrouve en panne d’inspiration, jusqu’à sa rencontre fortuite avec une jeune juive, rescapée de ce qu’on appellerait, de nos jours, un pogrom.
Avez Zweig, c’est toujours le même délice. Au bout de quelques pages, on se demande quelle est la part de génie de l’auteur et quelle est la part de talent du traducteur, pour aboutir à une langue aussi fluide et agréable à lire.
Le texte n’est pourtant pas des plus réjouissants. L’époque à laquelle se déroule l’action, en pleine guerres de religions, et l’atmosphère globale, ne laisse planer aucun doute sur l’avalanche de malheurs qu’ont dû traverser les protagonistes de ce récit. Et l’issue tragique du récit ne fait qu’accentuer le malaise qu’on finit par ressentir, peu à peu.
Mais au-delà de la tristesse qui émane de cette histoire, il y a deux éléments intéressants qui distinguent cette nouvelle d’autres nouvelles que j’avais lues il y a déjà plusieurs années.
Le premier, c’est l’introduction, probablement osée à l’époque où ce texte fut publié, d’un processus psychanalytique. Au fil de l’élaboration du tableau, un processus de transfert s’opère entre la jeune modèle et le personnage qu’elle est censée représenter. Ce procédé peut paraître courant à notre époque, je doute qu’il l’ait été au début du siècle dernier.
Le second, c’est la réflexion que mène Zweig, tout au long du récit, sur le processus créatif. Comment vient l’inspiration ? Quels processus régissent la dynamique créative chez un artiste ? Que se passe-t-il une fois l’oeuvre achevée ? Pourquoi aujourd’hui, et non hier ? Quel regard porterai-je demain sur ce que j’ai créé aujourd’hui ? Toutes sortes de question que se posent, de manière consciente ou non, les personnes impliquées dans un procédé créatif, et qui font que la lecture de ces Prodiges de la vie peut intéresser un public plus large que les amateurs de Zweig.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec