Les misérables
Dans la lignée des films majeurs sur les montées de violence tels La Haine ou Do the right thing, Ladj Ly livre un film où règne une tension permanente, jusqu’à l’explosion finale. Comme Chez Kassovitz, la scène se déroule sur une journée, dans une seule et même cité. Comme chez Spike Lee, l’action a lieu durant une journée particulièrement chaude de l’été, une de ces journées où l’oisiveté mène à faire n’importe quoi.
L’originalité du film de Ladj Ly réside dans le point de vue adopté par le réalisateur: suivre une patrouille de la BAC durant cette même journée, dans cette cité de Montfermeil, du kebab du caïd du coin au marché en plein air, en passant par les petites ruelles, on découvre le quotidien de Chris et Gwada, deux flics du secteur, rejoints par Stéphane, un policier de Cherbourg qui a demandé sa mutation pour se rapprocher de son fils, en garde partagée.
Ce qui aurait pu n’être qu’une journée ordinaire va peu à peu se transformer en drame, suite à une interpellation qui dégénère. D’erreur en malentendu, cet élément va déclencher le drame final.
Admirablement joué par ses interprètes pour la plupart méconnus du grand public, Les Misérables a le mérite de plonger le spectateur dans le quotidien des quartiers HLM de certaines banlieues, quasiment à l’abandon, où l’on ne sait plus qui fait la loi. Quand Chris, policier dépassé par les événements, déclare « c’est moi, la loi, ici« , alors qu’il a du mal à se faire respecter par le dealer du coin, l’apprenti imam du coin et un indic un peu expansif, on se demande s’il s’agit de premier ou de second degré.
Quel message porte Les Misérables? Celui d’un éternel recommencement. Rien ne s’est passé entre 2005 et aujourd’hui, ou si peu. Les émeutiers d’hier ont vieilli. Certains, passés par la case prison, ont assumé leur rédemption. D’autres cherchent dans un islam approximatif la voie du retour à la vie normale. D’autres font respecter la loi, celle de l’état ou celle de leurs petites affaires. Mais les premiers à en pâtir, et les premiers à mettre le feu, ce sont les jeunes ados.
Il y aura toujours des misérables, nous explique Ladj Ly. Ce n’est pas de leur fait, mais du fait du contexte dans lequel ils évoluent, de ces quartiers laissés à l’abandon, dans lesquels des enfants, livrés pour la plupart à eux-mêmes, ne voient d’issue que dans la violence. Le lien avec Victor Hugo est rapidement fait, et le film s’achève sur cette citation admirable des Misérables, dont une partie de l’action se déroulait, justement, à Montfermeil…
Mes amis, retenez ceci :
il n’y a ni mauvaises herbes,
ni mauvais hommes,
il n’y a que de mauvais cultivateurs.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec