Les maths, l'X et l'identité nationale
Pourquoi l’identité nationale? Pour que ce billet attire un peu plus de lecteurs que ceux que les deux premiers termes intéresseraient probablement. Les maths et l’X, voyez-vous, relèvent d’une certaine idée de la France, et c’est cette idée qui représente pour moi ce que certains appellent l’identité nationale: tout le reste n’est que foutaise électorale.
Car il fut un temps où la France pouvait s’enorgueillir de proposer à ses habitants un enseignement des mathématiques d’un assez haut niveau. Ce temps est apparemment révolu, et ce désamour s’étale sur la totalité du parcours scolaire, du primaire aux grandes écoles.
Je me souviens, par exemple, d’avoir appris à compter en base 2, 3 ou 4 dès mon plus jeune âge. Je me souviens aussi du nombre de parties finies d’un ensemble fini, le fameux « cardinal de P(E) ». Et ce, dès les premières classes du collège. Je me souviens de l’introduction aux espaces vectoriels en classe de seconde, des lois de composition interne ou externe, de la topologie en maths sup, et de tout un tas de choses … dont je ne me souviens plus vraiment.
Et bien ces concepts, qui nous poussaient jadis à réfléchir et non à appliquer des formules, ont disparu. Que reste-t-il de l’enseignement des maths? Peu de choses. Ouvrez un livre de 6e ou de 5e, les exercices semblent se répéter à l’infini, simples exercices d’application. Les manuels scolaires ont gardé le coté « manuel », et oublié le coté « scolaire ».
Ce sentiment d’abandon semble atteindre les classes préparatoires aux grandes écoles, et l’X elle-même, comme le constate Pierre Colmez, professeur de maths démissionnaire à Palaiseau. Textes que je découvre via Polydées, décidément toujours aussi intéressant.
Il me semble que cet abandon progressif symbolise remarquablement le recul de la science par rapport à la technique. Un sentiment que j’ai déjà connu chez Dassault Systèmes, où l’on qualifiait de scientifiques des profils qui relevaient plutôt de la technologie (rassurez-vous, il y a d’excellents scientifiques chez Dassault Systèmes, mais je doute que leur activité soit un accélérateur de leur production scientifique: ce n’est pas une tare, c’est juste un choix, mais qu’il faut reconnaître honnêtement).
Finalement, dans quelques années, tout comme on importe des fruits exotiques, des téléphones ou des voitures, la France importera ses mathématiciens. Et il sera alors trop tard pour réformer…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Je suis d’accord avec « le constat de désamour du primaire aux grandes écoles ».
Mais j’ai toujours du mal avec les discours qui opposent les aspects théoriques vs la technique ou l’expérimentation car, me semble-t-il, cela masque le fond du problème de ce désamour : le manque total de culture générale sur l’histoire des sciences qui n’est quasiment jamais enseignée et qui, pourtant, permettraient à tous les enfants / étudiants de comprendre les ressorts exceptionnels et passionnants de la démarche scientifique.
Assez d’accord sur l’absence d’enseignement d’histoire des sciences. Qui connaît Evariste Gallois en classe de terminale? A part Einstein, l’élève lambda est incapable de citer trois noms de grands scientifiques (et a fortiori, trois noms de grands scientifiques français).
En fait, je ne veux pas opposer théorie et expérimentation: les deux se complètent, l’un ne vas pas sans l’autre. Mais je refuse les situations où l’un prend la place de l’autre: dans la plupart des cas, cette usurpation sert d’autres intérêts.
Je ne suis pas trop d’accord sur l’intérêt des « maths modernes », avec leurs ensembles et leurs termes abstraits (injection, surjection…), qui ennuyaient les bons élèves et paniquaient les moins bons. Par contre il est certain que tout ce qui a fait la force de notre enseignement (les mathématiques mais aussi les « humanités ») a été totalement démoli.
Tout cela partait peut-être d’un bon sentiment. De bons esprits pensaient que cet enseignement était élitiste. Maintenant il n’est plus rien. On n’y apprend plus à penser, on n’y apprend pas à faire, qu’y apprend-on donc???
D’ailleurs, qui a pris la décision de faire de l’Education nationale le temple de la médiocrité? Cela a-t-il résulté d’un grand débat démocratique?
Tout enseignement peut-être considéré comme ennuyeux si on le communique mal. Pour parler d’injection et de bijection, il y a des paradigmes si jolis, comme le « lemme des mariages », que je serai prêt à passer une heure en ZEP pour l’expliquer.
Mais d’accord sur le constat final.
Je viens de tomber là-dessus 😉
« L’école mathématique française est la meilleure au monde »
http://ow.ly/18ZBN
Oui, mais l’interview se termine mal…