Les fusibles
Les fusibles, ce sont ces membres d’une organisation, quel que soit le type d’organisation auquel on pense – entreprise, parti politique, association – qui paient pour les autres, et évitent en général au big boss de perdre sa place. Cela peut paraître surprenant, ou abject, quand on en voit pour la première fois, mais plus on vieillit, et plus on rencontre ce type de situation autour de soi. J’en ai croisé quelques uns dans l’entreprise où j’ai passé près de quinze années (ce qui a surement permis à la première ligne de management de durer un peu plus que de coutume). Le phénomène est plus courant qu’on ne le croit, et le principe d’y consacrer un livre n’est finalement pas si surprenant.
Écrit par deux journalistes de l’AFP et de M6, Les fusibles est donc en théorie entièrement consacré aux fusibles. On y découvre le destin de Patrick Pelata (ex Renault), de Guy Alves (ex Bygmalion), de Jean-Pierre Canet (ex France Télévisions) ou de Florian Philippot (ex FN), non du point de vue de la presse mais de celui des principaux intéressés. Rien que pour cela, ce livre mérite d’être lu. On comprend enfin ce qui clochait dans certaines décisions, certains départs précipités.
Car du point de vue du fusible, les situations sont souvent bien plus claires: le fusible paie pour ce qui a foiré, et que le boss ne peut – ou ne veut – assumer. Il s’agit d’une sorte de stratégie du bouc émissaire, plus ou moins consentant d’ailleurs.
Pourtant, ce livre, qui se laisse lire assez facilement, pêche par certains défauts. Outre une relecture peut-être hâtive (certaines dates clochent, quand il ne s’agit pas de phrases incomplètes), le principale reproche qu’on peut lui adresser, c’est de couvrir des situations qui ne relèvent pas toutes d’un problème de fusible, mais bien plus de règlements de comptes entre parties adverses. En quoi le juge Lambert, Karim Benzema ou Aquilino Morelle ont-ils joué le rôle de fusible? Il s’agit plus, dans le premier cas, d’un « dégât collatéral » de l’affaire Grégory, dans le second des suites logiques d’un scandale qui n’a pas fini de polluer l’équipe de France, et dans le dernier d’une remise en ordre de l’équipe des proches collaborateurs de François Hollande.
Il ne faut pas voir de possibilité de fusible dans toute situation conflictuelle. Il existe suffisamment de cas de vrais « fusibles » pour ne pas tout mettre dans le même panier. C’est le piège dans lequel les auteurs sont probablement tombés. Peut-être n’avaient-ils pas trouvé suffisamment de fusibles à faire témoigner: car il faut le préciser, quand un fusible « saute », les dégâts occasionnés sont en général terribles pour l’individu concerné.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
En tout cas, le concept est intéressant. Je me demande si ce n’est pas équivalent à bouc émissaire.
C’est exactement le concept.