Les enseignements des régionales 2015
C’est entendu, tous les médias ou presque s’accordent pour célébrer la victoire du Front National hier, lors du premier tour des Régionale 2015. Ce faisant, ils contribuent à installer ce parti néfaste dans une posture de « premier parti de France ». Mais est-ce légitime? Et n’y aurait-il pas une autre lecture? Car plus qu’une victoire du FN, c’est plutôt à une victoire de l’abstention qu’on a assisté.
Regardez bien le graphique précédent. Je me suis amusé, sur la base des informations disponibles sur Wikipedia, à comparer le taux d’abstention au score du FN. Ce que l’on constate, c’est que chaque fois que ce taux dépasse 50% (à l’exception des régionales de 2010), le FN réalise un excellent score, flirtant avec les 25 ou 30% des suffrages exprimés.
Cela m’a poussé à aller regarder les score du FN non pas en pourcentages, mais en nombre de voix exprimées. Et là, on se rend compte que depuis vingt ans, de deux à six millions d’électeurs votent en faveur du parti d’extrême-droite, pas plus; en moyenne, on tourne à 4 millions de suffrages exprimés.
Alor le FN est-il le premier parti de France? Certainement pas. Disons plutôt seul parti capable de tirer profit de l’abstention. Et c’est là que doit s’installer notre vigilance. Arrêtons de dire que 30% des français ont voté Front national: c’est faux. Les six millions d’électeurs d’hier (score en deçà des 6,4 millions d’électeurs qui se sont prononcés en faveur de Marine le Pen en 2012…) ne représentent que 10% des français: de quel droit et sur quelle base mathématique peut-on dire que les abstentionnistes auraient coté FN en même proportion? Si vous avez besoin d’aide, je vous invite à relire ce passage de l’excellent livre de Daniel Kahneman, Thinking Fast and Slow.
La victoire de l’abstention fait le jeu du front national. Et au lieu de s’époumoner à tenter de délégitimer les électeurs du FN, les partis traditionnels devraient plutôt s’interroger sur la dérive de l’abstention, et sur comment faire revenir les électeurs dans les bureaux de vote.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Tout à fait d’accord !
C’est en voix qu’il faut compter !
Pour les régionales 2010, l’abstention était à 53,67 % et le FN ne faisait que 11,42 %.
Je pense aussi qu’il vaudrait mieux occuper l’espace médiatique à faire le critique du programme du FN qu’ à expliquer comment il est une alternative crédible.
L’abstention est un phénomène complexe et c’est le rapport des gens à la démocratie, à l’état, aux corps intermédiaires, à l’entreprise aussi…qui n’est pas bon.
merci
Pour être un peu plus juste, il faut comparer au nombre d’électeurs inscrits et non au total de la population. Soient 44 millions (source ministère de l’intérieur) d’électeurs et donc environ 13% des suffrages.
Ça ne change rien au raisonnement ni à la conclusion mais c’est plus juste.
merci
En lisant votre article, j’ai vu qu’en 2002, l’abstention avait nettement reculé entre les 2 tours (plus de 3 millions d’abstentionnistes se sont finalement déplacés pour aller voter). C’est le danger qui motive les gens pour aller voter, et ce dernier est plus perceptible au 2nd tour.
et ça continue à jouer aux aveugles… désarmant