Les derniers jours de Stefan Zweig (la pièce)
Les derniers jours de Stefan Zweig, l’excellent livre de Laurent Seksik sur les derniers mois passés par Zweig et sa jeune épouse à Petropolis, est désormais adapté au théâtre. C’est Patrick Timsit qui joue le rôle du célèbre écrivain, et Elsa Zylberstein qui campe Lotte. Mention spéciale pour Jacky Nercessian, qui tient le rôle d’un vieux journaliste ashkenaze ami de Zweig avec talent.
Autant vous prévenir tout de suite, ce n’est pas une pièce drôle. Patrick Timsit, qu’on a l’habitude de voir en joyeux luron amateur de blagues grivoises, incarne un Stefan Zweig austère, dépressif, négatif jusqu’à l’extrême, en proie aux doutes, à la dépression, face au déclin de l’Europe. Timsit réalise là une formidable performance, il porte la charge de Zweig dans son allure, sa démarche, sa diction. C’est étrange de voir comment un auteur aux textes si magnifiques peut à ce point s’auto-détruire. Et plus bizarre encore, je m’étais souvent demandé, plus jeune, à quoi ressemblait Stefan Zweig: désormais, c’est le visage de Timsit qui apparaîtra à chaque lecture du Joueur d’échecs ou du Monde d’hier.
Lotte Zweig, elle, ne rêvait pas de cette triste fin. De trente ans plus jeune que son époux, elle est pourtant prête à le suivre jusqu’au terme de sa vie. Les deux mettront fin à leurs jours au début de l’année 1942, peu après la chute de Singapour aux mains japonaises. Finalement, le suicide de Zweig fait penser à Massada. Alors que leur monde s’écroule, et plutôt que de tomber aux mains des romains, les derniers survivants de la forteresse construite par Hérode préférèrent se suicider un par un: 900 morts. Ici, le monde qui s’écroule, c’est l’Europe que vénérait Zweig. Les romains sont les nazis; Ils ne sont pas aux portes de Petropolis, certes, mais ont détruit tout espoir, chez Zweig, qui préfère la mort au néant, triste fin.
Allez voir cette pièce. Sans attendre.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec