Les antisémites, ce peuple d’anti-élites, fier de lui-même et dominateur
Je ne sais pas vous, mais moi, je commence à en avoir ras le bol de tout ce raffut sur les antisémites. C’est vrai, on n’en a jamais parlé autant que ces derniers mois: antisémites par-ci, antisémites par-là, il n’y en a que pour eux. À croire qu’ils ont pris le pouvoir en France ! Tiens, l’autre jour, j’allume la télé pour voir le journal télévisé, et sur quoi je tombe? Je vous le donne en mille: une palanquée d’antisémites, dans le genre plutôt hargneux d’ailleurs, qui s’en prenaient à un philosophe qui rentrait paisiblement chez lui. Ah ces antisémites, quels imbéciles, même pas capables de distinguer les juifs nantis et bourrés de fric de ceux qui enseignent la philo dans les grandes écoles et passent le samedi après-midi sur France-Culture!
On en parle tellement des antisémites, que quand on cherche le terme « antisémitisme » sur Google, et bien au lieu de tomber sur une vague définition Wikipedia du genre « nom donné de nos jours à la discrimination et à l’hostilité manifestées à l’encontre des Juifs en tant que groupe ethnique, religieux ou racial« , on se retrouve nez à nez avec une avalanche de « news ». L’antisémitisme devient un trending topic ! Il y a de quoi flipper, non ? Trouver Paris Hilton ou Donald Trump dans les sujets chauds du moment, passe encore, mais là, c’est du grand n’importe quoi.
Alors quand une vingtaine de partis politiques français ont appelé il y a quelques jours à manifester ce mardi pour protester contre la « résurgence » de l’antisémitisme, je me suis dit que là, on en faisait trop. C’était la goutte qui faisait déborder le vase. Comme si l’antisémitisme datait d’avant-hier! C’est vrai, quoi, l’antisémitisme, c’est certainement pas la dernière tendance à la mode: ça fait trois mille ans que ça dure ces histoires là. De Vespasien à Isabelle de Castille, de Khmelnitski à Hitler, on en a vu passer des antisémites, et pas des tendres, croyez-moi, des biens velus, des gratinés, capables de vous foutre l’Europe à feu et à sang juste pour se débarrasser des quelques millions de juifs qui y résident, sans que l’ONU, la SDN ou Dieu le père ne bouge le petit doigt. Et là, pour deux croix gammées et un tag antisémite sur une vitrine de Bagelstein, on irait mettre tout ce que Paris compte de politiquement correct un soir de pleine lune, autour de la place de la République, qui plus est un soir de 8ème de finale opposant l’Olympique Lyonnais au F-C Barcelone? Décidément, ce gouvernement n’a absolument pas le sens de la riposte proportionnée !
En plus, quelle idée de foutre un tag en allemand: plus personne ne prend allemand en première langue en France !
Parce qu’en plus de cela, des manifestations contre l’antisémitisme, ce n’est pas la première fois qu’on en voit: déjà en 1986, en 2012, etc. Et si ça marchait vraiment – je veux dire si ça permettait vraiment de lutter contre l’antisémitisme et de faire disparaître les pourritures du genre Soral et Dieudonné – ça se saurait. Les manifs contre l’antisémitisme, ça fait du bien aux politiques (0,0001% de la population) qui montrent qu’ils savent se mobiliser alors qu’ils n’ont pas foutu grand chose depuis vingt ans sur le sujet, ça fait du bien aux juifs (1% de la population) qui se disent qu’il était temps que l’état se mobilise, ça fait du bien aux antisémites (x% de la population, x valant près de 20% si l’on veut bien croire un récent sondage commandé par CNN auprès de l’institut britannique ComRes, et dont je ne sais que penser) qui se disent que là, vraiment, ils ont réussi à taper un grand coup en montrant que les juifs sont tellement influents qu’ils mettent tout le Paris politique à leur pied, et ça emmerde le reste des français qui se disent qu’on pourrait parler d’autres choses plutôt que de nous gonfler à longueur de journées sur ce sujet.
Et puis il y a eu cet échange, limpide, hier en fin de journée, avec une amie.
Avec ses mots à elle, dont je ne me souviens plus très bien, elle m’a dit qu’elle flippait, que cette ambiance délétère, ces bras tendus, ces quenelles, qu’elle a vus passer sous ses fenêtres, oui, ça la faisait flipper. Qu’elle en avait marre, qu’elle ne savait pas à quoi tout cela allait conduire, et que oui, elle aussi, elle surtout, elle avait peur de ce qui se tramait actuellement dans l’Hexagone.
Et là j’ai compris.
J’ai compris que cette manifestation, elle n’était pas pour moi, pas pour nous, pas pour les juifs.
J’ai compris qu’elle était pour elle.
Oui, cette manifestation, ce mardi soir à Paris, ce n’est pas une marque de solidarité du peuple français envers ses concitoyens juifs. C’est, en réalité, le contraire qui va se produire. Et c’est la plus belle preuve d’amour que nous, juifs français, pouvons exprimer envers nos compatriotes non juifs.
Oui, ce mardi soir, mes coreligionnaires défileront pour vous dire, chers lecteurs non juifs, que malgré la tourmente, malgré la morosité, malgré les menaces, malgré les injures, malgré les invectives, malgré les propos haineux, malgré les quenelles, les tags et les croix gammées, nous, juifs français, nous nous sentons solidaires, et que nous ne vous abandonnerons pas.
Non, nous ne laisserons pas la France aux mains des antisémites, ce peuple d’anti-élites, sur de lui-même et dominateur.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Excellent –
Notamment : Les manifs contre l’antisémitisme, ça fait du bien aux politiques (0,0001% de la population) qui montrent qu’ils savent se mobiliser alors que… par leur incurie ils sont eux mêmes en partie responsables du phénomène
Le scandale, c’est que nombre de partis politiques et d’organes de presse qui appellent à cette manifestation sont ceux-là même qui entretiennent depuis des années le chaudron de l’antisémitisme, par idéologie, par calcul ou par simple lâcheté
Voir par exemple:
http://www.tribunejuive.info/antisemitisme/raphael-nisand-je-nirai-pas-a-la-manif-contre-lantisemitisme
NB: test 3D d’identification de l’antisémitisme
https://fr.wikipedia.org/wiki/Test_3_D_d%27identification_de_l%27antis%C3%A9mitisme
je comprends parfaitement son propos
Très bel article, drôle et triste à la fois
Dans les commentaires qui ont été posté, je ne suis pas trop d’accord sur le fait qu’il y aurait des responsables au « phénomène ».
Comme tous les racismes, l’antisémitisme dis des choses sur le raciste, pas sur l’objet de sa haine.
Il y a quelques années, un artisan avec qui j’avais un différent a dit à l’architecte qui s’occupait de mes travaux qu’il n’était pas surpris d’avoir des problèmes avec un juif.
En l’espèce, le fait que je ne sois pas juif montre jusqu’à l’absurde que les antisémites n’ont même pas besoin des juifs. S’il en manque ils les créent, ainsi que leur monde d’explication, de contexte.
La terrible vidéo de l’agression de samedi est intéressante sur ce point.
Tout d’abord Alain Finkielkraut y apparaît avant tout comme un « écran » sur lequel se projette l’agression : il est neutre, ne réagit pas. On peut se demander si une simple photo de lui n’aurait pas suffit.
Sur les insultes proprement dites, après le désormais classique « Sale sioniste », euphémisation commode qui veut renvoyer à une réalité géopolitique, on retrouve un terreau plus ancien : « Le peuple vas te punir » (tu ne fais pas partie du peuple), « Dieu va te punir » (vieil antisémitisme religieux), « qu’est-ce que tu fais là » (ta place est nulle part).
Mais après avoir été une image, l’agressé devient un miroir : « tu es haineux », « sale raciste ». C’est tellement étrange que j’ai regardé la vidéo plusieurs fois pour être sur que ce n’était pas Alain Finkielkraut qui finissait pas répondre à ses agresseurs !
Où l’on voit ce qui meut vraiment le raciste : prendre plaisir à contempler sa haine
Comment se fait-il que des mouvances crypto-nazies ouvertement racistes et antisémites comme les indigènes de la République ou Egalité et Réconciliation et dieudosphère jouissent d’une totale impunité ? Il existe des lois qui interdisent l’incitation à la haine raciale, l’incitation à la haine antisémite et l’apologie du terrorisme. Pourquoi ne sont-elles quasiment jamais appliquées ? Il,me semble que ce sont là des questions essentielles qui doivent être posées, et auxquelles aucun responsable politique ne pourra ou ne voudra répondre.
Il me semble qu’Alain Soral est assez souvent poursuivi et souvent condamné (sa dernière condamnation date du 17 janvier pour « injure et provocation à la haine raciale », par le tribunal correctionnel de Bobigny).
Dieudonné aussi d’après mes sources (la dernière condamnation que je trouve date de décembre 2016 pour avoir tiré au flash ball sur un huissier qui venait pour récupérer le montant de ces amendes précédentes, en général pour diffamation ou provocation à la haine raciale…)
Je ne parlerai pas donc d’impunité.
Mais je ne sais pas si ça les gêne !
Combien de fois Houria Bouteldja et ses amies ou ses soutiens ont-elles ou ont-ils condamnés ? Aucune. Pire : presque personne n’en parle (ce qui est à se taper la tête contre les murs).
Oui, c’est vrai, mais il me semblait difficile de parler d’impunité dans tous les cas que vous citiez.
Oui vous avez raison de signaler ces condamnations de Soral et Dieudonné. Par contre aucune condamnation pour la mouvance indigéniste, ce qui est pour le moins sidérant. De toute façon, je ne crois pas que d’épisodiques condamnations soient réellement susceptibles de produire un résultat efficace : seule une dissolution de ces mouvances crypto-nazies aurait un réel effet, d’autant que l’Etat en a tout à fait les moyens législatifs : ainsi en 2005 ou 2006 le gouvernement de Chirac avait dissous Tribu Ka par décret.