L’engagement des juifs de Tunisie dans les rangs des FFL
Marie-Anne Guez a écrit une thèse sur les profils et parcours des soldats juifs de Tunisie au sein de l’armée française, durant les deux conflits mondiaux. Son intervention, lors de la table-ronde organisée le 10 décembre 2023 par la SHJT, porte sur l’engagement de certains d’entre eux au sein des FFL.
Les profils et les parcours
Les juifs, de toutes nationalités, se sont engagés au sein des FFL. Selon J.F. Murraciole, 1 engagé pour 55 hommes en âge de combattre. Marie-Anne Guez constate un taux légèrement plus élevé, de 1 pour 46.
Jusqu’en juillet 1943, armée d’Afrique et FFL restent des forces rivales. Les juifs de Tunisie s’engagent donc plutôt au sein des FFL et non dans l’armée d’Afrique, dont les officiers sont restés fidèles à Pétain. Pour ces hommes, la libération de la Tunisie ne correspondra pas à la paix, mais à la poursuite des combats.
En analysant les archives des forces étrangères au sein des FFL, on constate que plus de 500 correspondent aux juifs de Tunisie. Das ces archives, la nationalité et les origines ne sont pas explicitées, et il a fallu se baser sur une recherche des patronymes pour identifier ces profils.
Tout démarre avec l’opération Torch et le débarquement des forces alliées en Afrique du nord. Les juifs de Tunisie, principalement sujets du bey, n’ont pas le droit de porter des armes. Il n’y a que l’engagement volontaire qui leur permet de rejoindre les FFL. Les dossiers de ces engagés volontaires sont plus ou moins étoffés, selon le destin qu’ils ont connu, durant les combats.
Les premiers pas au sein des FFL
Les juifs de Tunisie retrouvent leurs coreligionnaires au sein des FFL. Marie-Anne Guez expose alors le profil des membres de la famille Cohen, trois frères engagés volontairement dès 1939. L’un part combattre en Syrie, un autre se retrouve en Tunisie durant l’invasion de la Tunisie et passes 6 mois dans un camp de travail, avant de rejoindre les FLL à la libération de la Tunisie.
D’autres parcours existent; Une trentaine de juifs tunisiens fuient l’invasion de la Tunisie en franchissant la frontière avec l’Algérie pour rejoindre le Corps franc d’Afrique. Cette unité intervient notamment durant la campagne de Tunisie. C’est durant cette campagne que certains soldats juifs tunisiens sont faits prisonniers par les Allemands, ou tombent au combat.
Au fur et à mesure de la progression des alliés par le sud, l’engament des soldats juifs tunisiens va se faire de plus en plus clair. 80% des engagés vont le faire entre mars et juillet 1943.
Le plus jeune des engagés, Isaac Bokobza, a rejoint les FFL à 16 ans à peine. Il est affecté à la première division (1e DFL). Le plus âgé, Guy Silvera, à 57 ans. La moyenne d’âge est de 18 ans, avec une forte proportion entre 18 et 25 ans, et de juifs issus des villes du sud tunisien. Une grande partie est issue de fratries, on en compte 23 au total. S’ils s’engagent ensemble, les membres des fratries sont en revanche dispersés dans des unités différentes.
Beaucoup d’entre eux sont des ouvriers, mécaniciens, artisans. Les recruteurs ont peut-être orienté vers ce type de profil, pour s’occuper de la réparation des matériels fortement sollicités dans les combats. On note aussi quelques médecins ou infirmiers, ainsi que des hommes mobilisés en 39, démobilisés en 40 ou 41, qui rejoignent ensuite les FLL dès qu’ils le peuvent.
Les facteurs de l’engagement
Avant de participer aux combats, les engagés volontaires sont stationnés en Libye jusqu’en avril 1944. C’est là que vont avoir lieu les premiers entraînements, pendant près d’un an. Le Général de Gaulle visitera ces troupes en juillet 1943. Le départ a lieu en avril 1944. Les soldats de la 1e DFL embarquent vers l’Italie, ils combattront à Rome, et débarqueront en Provence. Ceux mobilisés au sein de la 2eDB participeront au débarquement en Normandie et à la prise du nid d’aigle.
Ce n’est pas pour accéder à la nationalité française que ces ressortissants tunisiens rejoignent les FFL. C’est d’abord pour combattre le fascisme et le nazisme. À leur retour, ils attendront pour certains plus de dix ans avant de demander la nationalité française…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec