Le temps vu autrement
C’est en cherchant un cadeau original à offrir à une amie que je suis tombé sur le dernier livre de Gérard Berry, Le temps vu autrement. J’avais déjà lu un autre livre de cet auteur passionnant, un petit essai de vulgarisation à l’informatique, dont je conseille la lecture à tout individu, féru ou non de technologie. À une époque où voitures, téléphones et micro-ondes comportent tous au moins un microprocesseur, c’est un compagnon indispensable qui devrait figurer dans tous les foyers.
Mais revenons à nous moutons, autrement dit à ce livre sur le temps. Ne vous attendez pas à une définition de ce qu’est le temps, ni à une recherche philosophique sur ce sujet. Gérard Berry propose ici, en un peu moins de 400 pages, une approche résolument scientifique sur notre rapport au temps. L’informatique y tient, il fallait bien s’y attendre, une place prépondérante.
Développé en huit chapitres dont deux assez surprenants, ce livre peut-être découpé en réalité en deux grandes parties. Une première s’intéresse à la mesure du temps, à la distribution de cette mesure de manière cohérente, et à son impact sur des phénomènes physiques souvent mal connus : les ondes. La seconde partie traite du traitement informatique du temps, ou plutôt de l’impact du temps sur ce domaine si vaste au développement si récent.
La première partie est, de loin, la plus passionnante. Même si l’auteur n’est pas un spécialiste du sujet – c’est plutôt l’informatique qui constitue son domaine de prédilection – on y apprend un tas de chose sur le rapport de l’humanité au temps, au travers des siècles. Des premières horloges à l’impact sur la navigation, des horaires des trains à la distribution des méridiens, ces trois chapitres abondent d’exemples étonnants et donnent envie d’approfondir la connaissance du sujet.
La seconde partie, plus abrupte, est consacrée aux rapports entre l’informatique et le temps. Gérard Berry distingue trois sujets principaux : les algorithmes, le parallélisme asynchrone et la programmation synchrone. J’avais une bonne connaissance du premier sujet, une connaissance très superficielle du second, et une méconnaissance totale du dernier, qui est celui que l’auteur maîtrise le mieux. Concepteur du langage Estérel utilisé dans des applications d’informatique industrielle où la programmation synchrone est impérative – dans des univers critiques comme le transport, la défense ou la gestion de l’énergie, on peut rarement laisser les choses se dérouler de manière aléatoire – Gérard Berry s’en donne à coeur joie, peut-être même un peu trop. Les exemples fournis, même s’ils sont censés être simples, m’ont rapidement perdu.
Ce qui se présente donc au début comme un ouvrage de vulgarisation scientifique finit rapidement par devenir un bouquin sérieux, difficilement abordable par des non informaticiens. Qu’à cela ne tienne, il y a déjà de nombreuses choses à glâner avant de se perdre dans les méandres d’Estérel, et cela n’entache en rien la qualité de ce livre.
Seul bémol, les deux chapitres décrits comme semi-pataphysiques n’apportent pas grand chose. Le premier propose une liste d’expressions bien connues qui utilisent les multiples termes qui décrivent la perception du temps. Le second m’a rappelé un certain humour qui prévalait en prépa. Le lecteur issu de ce type de formation peut encore en sourire, mais je doute qu’il intéresse le lecteur moyen.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec