Le président de la république et les médias sociaux
Mais que diable allait-il faire dans cette galère?
Cette réplique des Fourberies de Scapin me revient incessamment en mémoire, à l’évocation des mésaventures du Président de la République sur Périscope. Comment a-t-il pu être embarqué dans une histoire aussi absurde, sur une plateforme aussi peu utile pour un chef de l’état qu’un couteau peut l’être à une poule? J’en reste stupéfait. Et triste.
Triste, parce que contrairement à nombre de mes compatriotes, j’ai de l’estime pour François Hollande. Il n’est pas parfait, mais qui peut prétendre l’être? Il ne manque pas d’humour, sait rassembler, et a réalisé un joli petit hold up électoral en faisant entrer trois verts dissidents et quelques fâcheux qui pourraient le menacer lors de la prochaine présidentielle dans le dernier gouvernement. Il n’a ni l’arrogance d’un Mitterrand, ni le mépris hautain d’un De Gaulle, ni le discours clivant d’un Sarkozy, il ne déborde pas du je-m’en-foutisme qui transpirait de Chirac. Il respire le doute et l’adaptation permanente, mais dans cette période de doute et de changements permanents, ne s’agit-il pas de qualités essentielles?
Son seul défaut, me semble-t-il, c’est son mode de communication déficient. Avait-il besoin de préciser qu’il serait un président « normal », alors que le moindre de ses gestes le laisse voir? Avait-il besoin de promettre une inversion de la courbe du chômage, alors que l’expression ne veut rien dire? Et avait-il besoin d’investir, à ce point, la sphère des médias sociaux?
Si je pouvais me le permettre, je lui conseillerais vivement de lire le petit ouvrage que je lui ai remis, il y a un peu plus de deux ans, lors d’un déjeuner sur le numérique où je me suis retrouvé invité de dernière minute, sans avoir de véritable sujet à défendre. Je lui avais alors laissé un des premiers exemplaires de « La communication digitale expliquée à mon boss » que Yann Gourvennec et moi venions de commettre. Je doute fort qu’il l’ait conservé. Pourtant, si l’un de ses conseillers (Macron était alors secrétaire général de l’Elysée) l’a gardé sous la main, il pourrait lui tendre la page 30 et l’inviter à lire ce que nous y disions à propos des 4 types de marques sur les médias sociaux, et que je rappelle ici.
Ce schéma, issu d’une intervention de Synthesio lors d’une conférence Media Aces, illustre bien le propos qui concerne le chef de l’état: il n’est pas une marque sous le radar, et il est inutile, dans son cas de gesticuler sur les moindres plateformes sociales. François Hollande n’est pas plus une marque aimée. Il oscille entre « marque sensible » et « marque fonctionnelle »: il a été élu pour accomplir un projet, et ses électeurs l’attendent à la fois pour le mettre en oeuvre, et pour faire tourner la boutique France.
Accessoirement, il pourrait également sauter à la page 279, et se rendre compte qu’on ne demande pas à tous les boss de tweeter, et que cela demande, avant tout, d’être un excellent communicant, ce qu’il n’est hélas pas.
A l’heure qu’il est, inutile de jouer les adeptes du 2.0. Ses multiples conseillers en matière de communication digitale feraient bien de le lui rappeler.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec